Brignoles : le Front domine

La stratégie de Florian Philippot est payante
(Photo AFP)

Si on additionne les voix du Front national à celles qu’a obtenues un dissident du FN, Jean-Paul Dispard, l’extrême droite (et tant pis si Marine Le Pen rejette cette catégorisation) réunit exactement 50 % des suffrages dans la cantonale partielle de Brignoles dans le Var. C’est peut-être un coup de tonnerre : Florian Philippot, premier lieutenant de Mme Le Pen, estime que le FN est déjà le premier parti de France. Mais cette victoire ne s’explique pas seulement par l’ascension, apparemment irrésistible, du Front. 

LA CANTONALE PARTIELLE de Brignoles résulte de plusieurs recours successifs devant le Conseil d’État qui ont opposé le PC et le FN. La gauche est représentée par les communistes, qui ont fait de bons scores, non par le PS qui ne présentait pas de candidat. Les Verts ont cru bon de présenter le leur. Ils ont donc divisé les maigres bataillons de la gauche. L’abstention, énorme à près de 67 %, a fait le reste. Le second tour opposera le FN à l’UMP, qui a recueilli 20 % des suffrages.

La défaite de Brignoles a entraîné des commentaires amers dans tous les partis de gauche. EELV et le parti de Jean-Luc Mélenchon s’en sont pris aux socialistes et à la politique de François Hollande pendant que Harlem Désir, premier secrétaire du PS, appelait à voter pour l’UMP. C’est ce qui reste de plus raisonnable à faire ; mais le geste de M. Désir n’en témoigne pas moins d’une belle magnanimité : depuis que François Fillon a exprimé l’idée du vote « pour le moins sectaire » des partis en présence au second tour de chaque consultation,  le PS  se voit contraint de renvoyer à contre-coeur un ascenseur que l’UMP refuse de lui envoyer.

Un avertissement à Hollande.

On se gardera d’exagérer la portée de la cantonale partielle de Brignoles. On note néanmoins que les six élections législatives partielles dans les circonscriptions contestées après le scrutin de juin 2012 ont toutes été gagnées par l’UMP, ce qui n’est pas le cas cette fois, sans doute parce que Brignoles est soumise depuis longtemps à l’influence du Front. Lequel a vaincu par défaut, pour autant qu’il confirme son triomphe dimanche prochain au second tour. Car la plupart des électeurs de gauche et de droite ne se sont pas rendus aux urnes. S’ils n’y vont pas dimanche, leur seule abstention pourra être considérée comme un vote en faveur du FN. Mais il sera difficile, pour l’électorat communiste, d’aller voter en faveur de la droite.

Toutes ces réserves ayant été exprimées, la cantonale de Brignoles reste un avertissement sévère au gouvernement. Le PS est le premier perdant parce que la preuve est fournie que la politique économique et sociale conduite par François Hollande a fait sauter toutes les charnières qui reliaient les communistes, les écologistes et les socialistes. Une opposition forte au pouvoir est en train de se forger à gauche, avec les mélenchonistes à la manoeuvre.  Le mécontentement profond de la population traduit une aversion pour les méthodes social-démocrates. M. Hollande ne peut donc améliorer sa popularité qu’en prenant des décisions susceptibles d’aggraver la crise nationale.

Pouvoir de nuisance.

L’autre perdante, c’est l’UMP, dont la stratégie de reconquête du pouvoir est sérieusement handicapée par les scores toujours plus élevés du Front. Contrairement à ce que croit Marine Le Pen, son mouvement n’est pas encore en mesure de parvenir au pouvoir. Le Front est, pour le moment,  incapable de transformer un essai local en succès national. Mais sa capacité de nuisance est immense : il prend des suffrages au PS et à l’UMP. Or il n’est pas sûr que, d’ici à la présidentielle de 2017, le pouvoir pourra exciper de résultats économiques et sociaux positifs. Pas plus que la droite classique n’a montré qu’elle sortait d’une convalescence décidément pénible. Dans ces conditions, Marine Le Pen, qui, en 2012, a rassemblé près de 18 % de l’électorat, pourrait faire éliminer soit le candidat de la droite, soit celui de la gauche. Mais on n’en est pas là. Les élections municipales et européennes de 2014 offriront un tableau électoral beaucoup plus explicite que la cantonale d’hier.

RICHARD LISCIA

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Une réponse à Brignoles : le Front domine

  1. A3ro dit :

    Il est malgré tout assez désespérant que le FN soit une alternative crédible pour autant de gens. Mais les partis au pouvoir ont toujours eu les mains liées par les syndicats, pour la plupart à l’extrême gauche, le poids de l’administration, et un manque évident de courage politique. Peut-être n’avons-nous que les dirigeants que nous méritons.

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