La revanche de Sarkozy

Sarkozy, mardi, à Paris
(Photo AFP)

Le non-lieu dont Nicolas Sarkozy a bénéficié hier dans l’affaire Bettencourt ne concerne pas les dix autres personnes qui seront poursuivies devant un tribunal correctionnel pour « abus de faiblesse ». Dans ce groupe, figure Éric Woerth, ancien ministre du Budget, qui, pourtant, n’a pas joué, dans l’affaire, un rôle différent de celui de l’ancien candidat à l’élection présidentielle de 2007. Curieusement, aucune voix ne s’est élevée, dans les rangs de l’UMP, en faveur de M. Woerth, poursuivi par la malchance.

LES TROIS JUGES d’instruction qui ont décidé le non-lieu n’ont pas vraiment innocenté M. Sarkozy. Ils expliquent simplement qu’ils n’ont pas réuni des charges suffisantes pour le poursuivre en justice. L’ex-président fait du non-lieu une interprétation très différente qui démontrerait son innocence. La première conséquence de la décision des juges de Bordeaux est politique : M. Sarkozy s’est débarrassé d’un des boulets qui l’empêchaient de progresser vers sa candidature à un nouveau mandat présidentiel en 2017. Mais il en reste quatre : les affaires Karachi, Tapie, Khadafi et celle des sondages payés par l’Élysée. Dans le premier de ces dossiers, l’enquête devrait aboutir également à un non-lieu, car M. Sarkozy ne s’occupait pas, à l’époque, de la campagne d’Édouard Balladur. Dans le deuxième, l’enquête se concentre non pas sur M. Sarkozy mais sur son entourage. Dans le troisième, une contribution de 50 millions d’euros de Khadafi à la campagne de M. Sarkozy, la seule « preuve » consiste en une dénonciation de l’homme d’affaires Zia Takkieddine, lui-même poursuivi, aux abois et incapable de prouver ce qu’il avance. Enfin, le paiement par l’Élysée de sondages effectués par l’un de ses conseillers, relève du débat sempiternel sur le financement de la présidence de la République.

Fébrilité des juges.

On demeure fasciné par la démarche des juges de Bordeaux qui, pour mettre en examen l’ancien président, geste extraordinaire qui témoignait de leur fébrilité, ont établi une construction intellectuelle hors normes, selon laquelle M. Sarkozy savait que l’état psychique de Liliane Bettencourt était faible et qu’il en a profité pour lui soutirer de l’argent. Comme il n’existe aucune preuve de la remise d’argent, la méthodologie qu’aurait suivie l’ancien candidat à la présidence pour parvenir à ses fins ne correspond plus qu’à une théorie invraisemblable où l’effet précède la cause. Le juge Jean-Michel Gentil n’en a pas moins mis M. Sarkozy en examen et, constatant par la suite qu’il allait vers une situation inextricable (un ancien président humilié injustement, puis relaxé), a préféré prononcer le non-lieu, ce qui lui permettait de renvoyer les autres co-mis en examen vers le tribunal. Il n’y avait rien de commun, pourtant, entre les quelques personnages qui ont longtemps gravité autour de Mme Bettencourt et ont profité de ses largesses, et les deux visiteurs d’un soir, hommes politiques qui pouvaient très bien demander à la milliardaire de participer légalement à la campagne présidentielle de l’UMP.

La campagne de Fillon.

M. Sarkozy va-t-il bientôt annoncer sa candidature ? M. Balladur lui conseillait ce matin de continuer à se taire pendant encore un moment. Il vaudrait mieux qu’il soit, au préalable, libéré des quatre boulets judiciaires mentionnés ci-dessus. On imagine que l’ex-président a envie d’en découdre. Il a énormément de choses à dire, sur la politique intérieure et extérieure de François Hollande, sur la montée du Front national dont il est moins responsable aujourd’hui que naguère, et sur ses concurrents à droite, dont François Fillon, qui estime désormais que lui-même et son ancien chef entreront bientôt en collision.

Une déclaration de guerre ? Plutôt une maladresse supplémentaire. M. Fillon a décidé de commencer sa campagne très tôt, sans doute parce qu’il a besoin de se démarquer d’un homme dont il a appliqué les instructions docilement pendant cinq ans. Il lui sera très difficile d’expliquer sa différence, surtout s’il continue, par souci électoral, à considérer que le Front national n’est pas plus sectaire que le PS et que M. Poutine est un homme fréquentable contre lequel le bellicisme de M. Hollande lui semble intolérable, parce que lui, Fillon, est gaulliste, n’est-ce pas ? donc indépendant des États-Unis.  Et tant pis pour les enfants syriens que Bachar Al-Assad a gazés avec la complicité de Moscou.

RICHARD LISCIA

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