L’impôt abhorré

Toujours plus
(Photo AFP)

« Le Monde » d’hier publiait un sondage Ipsos-CGI qui démontre l’aversion irréductible des Français pour l’impôt. Quatre-vingt pour cent des personnes interrogées estiment qu’il n’est ni juste ni efficace pour réduire le déficit budgétaire et la dette, et 78% estiment qu’il augmente régulièrement depuis vingt ans, quels que soient les gouvernements. 

QUARANTE HUIT pour cent des sondés pensent que tous les foyers, y compris les plus modestes, devraient contribuer, même si c’est de manière symbolique, et 57 % estiment que l’acquittement des impôts est un acte civique. Ces pourcentages mettent en relief le germe de la colère anti-fiscale : les Français ne refusent pas de payer des impôts, ils refusent d’en payer trop. Dans leur jugement, ils ne ménagent ni la droite ni la gauche, également coupables à leurs yeux, d’avoir fait de l’impôt la base toujours plus large de leur politique économique et sociale. Ce renvoi des majorités dos-à-dos n’explique pas l’erreur commise par le gouvernement actuel : s’il est vrai que celui de François Fillon a abordé le redressement de nos comptes par une vive hausse de la pression fiscale, renvoyant à plus tard la diminution de la dépense publique, celui de Jean-Marc Ayrault a oublié ce qui venait d’être fait, et a procédé à de nouvelles et lourdes hausses d’impôts au lieu de se concentrer, dès sa première année, sur la dépense.

Deux constats.

Résultat : non seulement la diminution de la dépense ne figure que dans le budget de 2014, mais elle est tout de même accompagnée d’un accroissement de la pression fiscale. Ce qui conduit le contribuable à deux constats négatifs : le premier porte sur son pouvoir d’achat, littéralement dévoré par des impôts cumulatifs et parfois injustes ; le second lui apporte la conviction que les sacrifices qui lui sont demandés n’entraînent aucune amélioration de la situation générale du pays, ni au niveau du pouvoir d’achat et donc de la capacité à consommer pour relancer l’économie, ni au niveau de l’emploi.

Bien entendu, chaque catégorie se plaint d’être trop taxée, les foyers aisés parce qu’ils gagnent assez d’argent pour payer des impôts élevés, la classe moyenne parce qu’elle trouve son pourcentage de taxation trop élevé par rapport à ses revenus. Le civisme reculant avec le sentiment d’être dépouillé, les Français, selon le sondage, seraient indulgents pour l’évasion fiscale : 45 % des personnes interrogées ne sont pas scandalisées par l’idée de partir pour l’étranger afin de payer moins d’impôts. Enfin, ils considèrent comme une injustice les impôts sur la succession.

L’indispensable réforme.

Certains experts expriment leur crainte d’assister bientôt à une « révolte fiscale », même si les Français préfèrent la complainte à l’insurrection. Ils proposent donc un « grand débat national » sur le thème de la pression fiscale. En réalité, la France a moins besoin d’un débat que d’une réforme qui éliminerait la plupart des niches fiscales, établirait un impôt juste et progressif et poserait des principes durables. Car le pire est moins le niveau de l’impôt que l’incertitude fiscale où plonge les contribuables un système que l’on change au gré des politiques et, surtout, des besoins. Une telle réforme doit aller au-delà de l’impôt lui-même. Elle doit accompagner l’indispensable réforme de l’État, c’est-à-dire la réduction lente mais constante des dépenses publiques. Comme cette réduction entamera forcément les prestations sociales, la réforme fiscale doit accorder une place privilégiée à l’épargne privée, plus nécessaire que naguère pour protéger le bien-être et l’avenir des foyers.

RICHARD LISCIA

 

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Une réponse à L’impôt abhorré

  1. A3ro dit :

    Une question se pose lorsqu’on parle des droits de succession : faut-il mieux taxer les revenus et peu toucher aux successions, ou au contraire taxer lourdement les successions en libérant un peu les revenus de la pression fiscale ?

    Les deux ont des avantages et des inconvénients : le premier, vous découragez un peu le travail, mais vous pouvez léguer librement l’oeuvre de votre vie à vos (petits) enfants (qui partiront dans la vie avec un avantage) ; le deuxième, vous perdez une grande partie de votre oeuvre au profit de l’Etat à votre mort, mais les jeunes générations peuvent plus facilement se constituer un patrimoine a la force du poignet.

    Les Etats-Unis ont choisi la deuxième option, assez logiquement ; chez nous, on est un peu entre les deux. Sauf que, déficit oblige, on est obligé de tout taxer un peu plus.

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