Un dimanche pour les emplettes

Bailly remet son rapport à Ayrault
(Photo AFP)

Jean-Paul Bailly a remis ce matin au Premier ministre son rapport sur le travail dominical. Le document est en phase avec le point de vue du gouvernement : le principe du dimanche non ouvré est maintenu, mais M. Bailly propose d’augmenter le nombre des ouvertures de magasins le dimanche (sept au lieu de cinq), une loi pour établir les zones où l’ouverture le dimanche sera possible, une révision des dérogations permanentes accordées à l’ameublement et pas de dérogations supplémentaires pour les magasins de bricolage.

EN RÉAFFIRMANT les règles qui régissent le travail dominical, Jean-Marc Ayrault, qui s’est exprimé sans attendre la diffusion du rapport, a donné un coup d’arrêt à tout projet de libéraliser complètement les jours d’ouverture. « Il n’y a pas que la consommation », dit-on dans la majorité, à quoi nous pourrions répondre : « Il n’y a que l’emploi ». Ce n’est pas pour forcer les gens à faire leurs courses le dimanche que les magasins devraient ouvrir, c’est pour créer des emplois ou augmenter le pouvoir d’achat de leurs salariés. Bien entendu, le travail dominical doit être réglementé, et c’est urgent, dans la mesure où le commerce de fin de semaine est affecté par un désordre total qui crée des injustices entre les marques et des abus, comme le paiement des heures travaillées au tarif habituel. M. Ayrault a bien sûr justifié la nécessité d’une clarification : « Le droit actuel est illisible, donc incompris », mais, pour complaire aux syndicats les plus obtus d’Europe et au dogme socialiste, il s’est privé d’un instrument pour faire reculer le chômage.

Un mythe tenace.

Le dimanche consacré au repos et à la famille est un mythe tenace. Quelque deux millions et demi de Français, dans la santé, les transports, les médias, la défense, la sécurité, etc., travaillent le dimanche, la plupart du temps sans la moindre compensation. Rien n’empêche un jeune salarié de travailler le dimanche, surtout s’il peut avoir un congé un autre jour de la semaine, par exemple le vendredi (pour deux jours de repos d’affilée). Le rejet du travail dominical érigé en sacralisation du repos hebdomadaire est complètement archaïque, antisocial et antiéconomique. Il s’accompagne en outre d’un illusion culturelle : si la réunion de la famille est souhaitable ou utile, le dimanche n’est pas toujours consacré à la culture personnelle, comme en témoignent ces migrations éphémères du week-end où, même par mauvais temps, les automobiles envahissent la campagne et provoquent des bouchons.

L’action du gouvernement permettra néanmoins de clarifier les conditions dans lesquelles auront lieu dorénavant les ouvertures des magasins le dimanche, pour autant que le législateur ne se perde pas dans le labyrinthe des dérogations et des interdictions. Depuis que François Hollande a annoncé le « choc de simplification », tout reste compliqué, notamment dans ce domaine,  parce que, au lieu de donner un coup de fouet au commerce intérieur, le gouvernement s’emploie à construire un système en dentelles, avec des fils et des trous, qui ne favorisera guère la concurrence et l’embauche. La loi sera néanmoins utile si elle précise bien les conditions d’ouverture le dimanche, de manière à empêcher toute concurrence déloyale entre les marques et à faire respecter la règle en vertu de laquelle le travail du dimanche est payé deux fois.

RICHARD LISCIA

 

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Une réponse à Un dimanche pour les emplettes

  1. JMB dit :

    L’Allemagne est souvent montrée en exemple pour ses performances économiques, notamment pour son coût du travail. Curieusement, elle n’est plus évoquée à l’occasion du travail du dimanche. Or, dans ce pays, le dimanche, les magasins sont fermés, et peuvent l’être le samedi dès 16 heures. 70% des Allemands restent attachés à cette fermeture. Il en de même en Suisse et en Autriche: les habitants de ces pays disposent-ils de moins de canapés que les Français malgré l’absence d’ouverture des magasins d’ameublement le dimanche ? Est-il rationnel de décider à minuit d’acheter un parfum ?
    Il est habituel que certaines professions, notamment dans le domaine de la santé, puissent travailler le dimanche. Choisir ces professions, c’est en accepter les astreintes, surtout quand le domaine de la santé est une option parmi d’autres. Par delà la rémunération, ces astreintes contribuent à créer une estime de soi. Avec la banalisation du travail du dimanche, le problème se poserait différemment. D’autant que les avantages actuels sont des “produits d’appel” destinés à recruter des “volontaires”. Le travail y compris le dimanche devenant courant, ils disparaîtraient. Et vendre du bricolage conviendrait au “plombier polonais” payé moins cher et aux “charges” plus faibles.

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