Le règne du nationalisme

Homme fort pour le moment
(Photo AFP)

Le bilan de la révolution ukrainienne n’est pas trop réjouissant : Vladimir Poutine s’est emparé de la Crimée et peut encore couper en deux le reste du pays. Ni les protestations, ni les faibles sanctions des Européens et des Américains n’y changeront quoi que ce soit. Mais tout ce qui se produit en ce moment était parfaitement prévisible. Pour le moment, Poutine triomphe. Il n’est toutefois qu’un anachronisme dans la marche de l’histoire. L’Ukraine a administré la preuve que, au delà du nationalisme rétrograde des Russes, l’ambition de tout peuple qui se respecte, c’est la liberté.

DÈS LUNDI DERNIER, j’écrivais dans ce blog que la Crimée était perdue. Elle l’est pour l’Ukraine, qui vient de subir un coup de force de l’armée russe. Il demeure que, pour peu qu’ils y aient réfléchi, les émeutiers de Maïdan auraient dû savoir à quoi les exposait leur révolution. Un homme occupe aujourd’hui le Kremlin qui se sert du nationalisme russe pour amener à résipiscence les peuples de l’ancienne URSS hostiles à son projet eurasiatique. En agissant au mépris du droit, il ne court aucun risque : personne ne va s’opposer militairement à la Russie et les Russes, ces grands nostalgiques de Lénine, acclament leur président.

Les vassaux de la Russie éternelle.

On lit toutes sortes d’analyses contradictoires : l’UE et l’OTAN ont comblé avec avidité le vide politique laissé par l’effondrement du bloc soviétique, elles auraient dû être plus prudentes. Ce sont les mêmes détracteurs de l’Europe et de l’Amérique qui leur reprochent de ne pas tenir tête à Moscou. Curieusement, le même anti-américanisme se développe, celui qui reprochait à Bush ses aventures militaires et celui qui reproche à Obama son refus d’intervenir. On oublie un peu vite que ce sont les pays libérés du joug soviétique qui ont demandé à intégrer l’OTAN pour bénéficier d’une protection contre la Russie. Comme ils avaient raison ! Comme il est clair, maintenant, que, en géopolitique, il n’y a pas une très grande différence entre Brejnev et Poutine ! Le tzar a peut-être remporté une bataille, il n’en a pas fini avec les peuples dont il veut faire les vassaux de la Russie éternelle.

Poutine veut garder son job.

Le ciment de son système, c’est l’autoritarisme, en Biélorussie, au Kazakhstan, naguère en Ukraine. La dictature, c’est l’oligarchie, la corruption, l’appauvrissement constant des peuples. Il n’est plus dans la vocation des Occidentaux d’ouvrir des conflits pour contribuer à leur libération. Leur rôle est d’occuper l’espace laissé par les régimes qui implosent. L’extension de l’Europe et de l’OTAN à divers pays n’était nullement une erreur, elle représentait le seul moyen de prévenir la reconstitution d’un nouveau glacis russe. Et d’ailleurs, pourquoi Poutine a-t-il peur de l’Ouest ? Qu’a-t-il de commun avec ce communisme qui ne pouvait se perpétuer que dans l’obscurantisme ? Si son projet reposait sur la croissance et la prospérité, pourquoi la Russie ne rejoindrait-elle pas l’Union européenne ? Pour une seule raison : parce qu’il a fait du non-droit, de la violence et du nationalisme sa raison de vivre. S’il devient un démocrate à mandat unique, il perd son job. C’est aussi simple que ça.

On peut dire que la révolution a amorcé le dépeçage de l’Ukraine. C’est possible, mais ce n’est vrai que provisoirement. L’histoire ne se fait pas en un mois. En attendant, la Pologne, les pays baltes, la Roumanie, la Bulgarie, la Tchécoslovaquie, les pays de l’ancienne Yougoslavie sont à l’abri de la domination russe. Et l’Europe aurait subi une défaite ? Poutine peut certes s’acoquiner avec quelques voyous politiques pour accroître sa sphère d’influence, mais, s’il avait choisi la démocratie, personne, sauf lui, ne serait plus malheureux.

RICHARD LISCIA 

 

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2 réponses à Le règne du nationalisme

  1. Clair dit :

    Non, « ce n’est pas aussi simple que cela » : si Vladimir Poutine cédait le pouvoir, qui le prendrait ? Le « printemps russe » ? À l’instar du « printemps arabe »?
    Vladimir Poutine défend les intérêts de la Russie, et par là ceux du monde « libre », même indirectement, ce qui ne risque pas d’être reconnu par les oligarques politico-médiatico-financiers européens qui n’ont ni la clairvoyance, ni le courage de défendre l’Europe et les Européens.
    Quant à la démocratie européenne représentée par la BCE, la Commission européenne, les 6 présidents de l’Europe et leur domesticité, le référendum sur le traité de constitution européenne piétiné, le mille feuille bureaucratique français, la parité, la discrimination positive, les « zones de non droit », l’insécurité, la corruption, la soumission aux États-Unis(entre autres et c’est loin d’être la pire), etc. Un peu de modestie, pour le moins.

    Réponse : un peu de calme, pour le moins.

  2. Evrard Jacquemain dit :

    Lettre à l’Ukrainien européophile février 2014

    Cher Serguéi,

    Vous vous battez jusqu’à la mort pour que l’Ukraine s’amarre à l’Union européenne.

    Je me demande si vous avez bien compté, pesé, divisé.
    Les Français, les Allemands, les Italiens, les Belges ne désirent pas voir déferler sur leur sol des vagues de plombiers ukrainiens.
    Ce que veulent leurs maîtres américains c’est que vous mettiez vos soldats, votre blé, vos usines au service de l’organisation du traité de l’Atlantique Nord. Pour quoi faire ? Pour mettre à terre le communisme, voyons !
    Vous dites que l’Europe vous offrira la démocratie et la liberté.
    Avez-vous bien vu que cette administration-là va gérer votre vie en cédant au nombre avant d’élire la qualité. C’est ce qu’ils appellent « démocratie ».
    Leur liberté est avant tout la soumission à l’industrie de la cupidité financière.

    Un jour, l’Empereur de Pékin fera paraître un communiqué de presse.
    On lira :
    « Notre chère Mongolie séparée fait partie depuis toujours de notre culture chinoise.
    La Mongolie, notre coeur, notre sang, notre vie. Pour faire cesser cette séparation, cette injustice monstrueuse, l’empereur a décidé que notre glorieuse province fait, dès ce jour, à nouveau partie de la mère-patrie chinoise.
    Les fils de Mongolie et les filles de Mongolie seront tous désormais les glorieux soldats de notre Mère Chine. »

    Un peu plus tard, on lira dans « The Peking daily news » un article approuvé par l’empereur où on se demandera pourquoi le Kamtchatka et Vladivostok appartiennent toujours à la Russie.

    Ce jour-là, on entendra à Berlin , à Paris et à Bruxelles, des concerts de cordes vocales mais pas de bruits de canons, car ils n’en ont pas.

    Vous, Ukrainiens, de quel côté serez-vous ?
    Allez-vous, encore et toujours, suivre votre russophobie congénitale ? Allez-vous, encore une fois, imiter vos grands-pères qui se sont engagés dans l’armée de Vlassov pour aider Adolf Hitler à terrasser Joseph Staline ?

    Mon cher Serguéi, ne faites pas cela.
    Réunissez-vous plutôt avec les Russes, les blancs et tous les autres, avec les Kazakhs et les peuples forts qui veulent garder notre civilisation gréco-latine.
    Il s’agira de résister à l’empereur de Pékin. Ce sera autre chose que le petit Adolf, pauvre en hommes, pauvre en pétrole, pauvre en fer, pauvre en espace vital, pauvre en esclaves, pauvre en dollars.

    Tous ensemble, levons nos verres et nos coeurs à Copernic, à Goethe, à Mozart, à Pascal, à Dante.

    * Evrard Jacquemain
    « CXIII grains d’ellébore pour la Gaule du Sud
    et autres contrées civilisées, ou presque »
    Ed. du Panthéon. Paris

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