Alstom : le gâchis

Montebourg rêve d’un « Airbus de l’énergie »
(Photo S.Toubon)

La crise que vit Alstom et dont le dénouement, de toute façon imparfait, aura lieu demain, représente l’avanie de trop qui nous interroge sur la façon dont nous sommes gouvernés. De même qu’on a le droit de se demander si les grands intellectuels cultivés qui dirigent le pays sont capables de gérer les finances publiques, de même on constate, non sans amertume, que, pour Alstom, ils n’ont rien vu venir.

VOILÀ en effet une société magnifique qui emploie 93 000 personnes, dont 18 000 en France, qui construit le TGV, fierté nationale, et sait à peu près tout faire dans le domaine de l’énergie. Cependant, elle n’aurait pas la taille critique lui permettant de conquérir de grands marchés à l’étranger. En 2004, un ministre des Finances nommé Sarkozy, la sauva de la faillite en introduisant l’État dans le capital (par la suite, l’État s’est désengagé) et en obtenant de Bouygues qu’il investisse dans Alstom à hauteur de 29 % des parts. Bouygues semble y être allé à contrecoeur, et, aujourd’hui, il veut reprendre ses billes. Nouvelle crise. L’américain General Electric (GE) souhaite acheter l’activité énergie d’Alstom. L’allemand Siemens se porte candidat au rachat, probablement à la demande d’Arnaud  Montebourg, ministre de l’Économie.

Séduisante Siemens.

M. Montebourg est monté au créneau pour exalter la recherche d’une solution « patriotique » et rêver d’un « Airbus de l’énergie », un peu comme si la crise d’Alstom contenait la semence d’un avenir radieux. C’est clair : pour le gouvernement, la solution devrait être européenne et il préfère Siemens à GE. Problème : il faut aussi assurer l’emploi. Les  Américains seraient disposés à ne pas licencier pendant trois ans. Ce qui signifie que, quoi qu’il arrive, des emplois, à terme, seront supprimés. Je suis prêt à prendre le pari que, quel que soit le vainqueur de la compétition, on nous jurera qu’il n’y aura pas de casse de l’emploi mais que ce serment, in fine, sera trahi.

L’État, il est vrai, ne peut plus se permettre d’investir dans Alstom, il n’en a pas les moyens. De sorte que ceux qui, une fois de plus, suggèrent la nationalisation « temporaire » de la société, sont plus dans le rêve que dans la réalité. L’expression d’un regret traduit toujours une forme de faiblesse du caractère, mais nous qui ne prétendons pas tout prévoir et ne savons pas comment on protège une société contre l’adversité, nous demandons tout de même pourquoi et comment on en est arrivé là. S’il fallait faire un montage de type « Airbus de l’énergie », que ne s’y est-on pas pris plus tôt, quand Alstom n’était pas menacé et que nous pouvions encore défendre les intérêts de la société et de ses salariés ? On a mentionné une solution prometteuse au moment même où on n’avait plus les moyens ou une position assez solide pour dicter nos conditions.

Au secours du CAC 40 ?

Tout cela est très inquiétant. Nous n’ignorions rien de la désindustrialisation du pays. Nous assistons tous les jours à des disparitions d’usines, à des licenciements massifs, à des rattrapages provisoires et très incertains. Mais Alstom, fleuron de l’industrie française, qui a encore des carnets de commandes, qui travaille dans tous les coins du monde ! Ces derniers temps, on a beaucoup critiqué le CICE, sous le prétexte qu’il abaisse le coût du travail aussi pour les multinationales du CAC 40 qui, selon ses détracteurs, n’ont pas besoin de gagner plus d’argent. Vraiment ? C’est l’endettement d’Alstom qui a provoqué ses difficultés en 2004, et, avec des marges meilleures, la société aurait peut-être pu se développer sans aide extérieure.

Allons-nous au moins tirer la leçon de cette étrange déconfiture ? Mais non. Les plus grands défenseurs de l’emploi en France sont aussi ceux qui refusent de diminuer la dépense publique. Ils n’ont toujours pas compris que le travail n’est pas créé par la solidarité nationale mais par les entreprises. Si elles se développent, elles finissent par embaucher. Si elles périclitent, on sait comment ça finit.

RICHARD LISCIA

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Une réponse à Alstom : le gâchis

  1. Levadoux dit :

    Les « défenseurs de l’emploi en France sont aussi ceux qui refusent de diminuer la dépense publique ».
    Vos analyses sont toujours remarquables.

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