Le rapport qui tue

Chute de productivité
(Photo Phanie)

« Le Monde » d’hier publie l’essentiel d’un rapport non encore publié du Conseil d’analyse économique (CAE), qui fait froid dans le dos : les auteurs du document estiment en effet que l’insuffisance du progrès technologique en France limitera la croissance annuelle à 0,9 % par an (au lieu du 1,6 souhaitable) jusqu’en 2040, ce qui ne permettrait pas à notre pays de rembourser sa dette et de diminuer son déficit budgétaire.

LE RALENTISSEMENT de la croissance nous ferait perdre près de 25 points de produit intérieur brut (PIB) en un quart de siècle. Il aboutirait à un déficit public de 15 % du PIB et à une dette de 180 % du PIB en 2040. Cependant, les auteurs pensent que les nano-technologies pourraient prendre le relais du numérique et donner un coup de fouet à l’économie. Le rapport fait l’effet d’une douche froide sur l’espoir que nous pouvions nourrir d’une sortie de crise cyclique, celle sur laquelle le président Hollande comptait dès 2012 et qui risque de ne se produire ni avant le terme de son mandat ni au-delà. En réalité, la crise qui a commencé en 2007-2008 semble avoir mis au jour des problèmes structurels de l’économie qui n’ont rien à voir avec les hauts et les bas d’une croissance capricieuse. Si, selon le rapport du CAE, la stagnation actuelle est sans rapport avec le temps de travail, qui ne serait pas responsable du manque de productivité, les perspectives pour l’emploi seraient dramatiques.

Tempérer le pessimisme.

Les gains de productivité obtenus au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale grâce au développement industriel sont supérieurs à ceux qu’ont apportés l’ordinateur , le numérique et Internet, lesquels, avec le temps, jouent un rôle de moins en moins grand dans la croissance. Pour donner du travail à tout le monde et augmenter les salaires, il faut donc de nouvelles techniques capables d’accroître la valeur ajoutée et de réduire le temps nécessaire à la production. Cependant, si les auteurs du rapport placent quelque espoir dans les nano-technologies, ils ne savent pas aujourd’hui quelles découvertes la société humaine fera dans d’autres domaines, pas plus qu’ils ne peuvent affirmer que le numérique n’est pas en mesure d’offrir de nouvelles applications industrielles. Il faut donc tempérer le pessimisme du document.

Sinon, la poussée démographique nous contraindra à partager le temps de travail, non pas comme on l’a fait jusqu’à présent, mais en répartissant entre les salariés non seulement le nombre d’heures travaillées mais aussi les salaires, qui, en conséquence, diminueront d’autant.. Le vice de forme de la semaine de 35 heures, c’est qu’elle ôte quatre heures au temps hebdomadaire sans diminution parallèle des compensations. D’ailleurs, comme il n’y jamais de miracle, il a fallu trouver ailleurs l’argent des salaires et, encore aujourd’hui, l’État verse aux entreprises, sous diverses formes, les sommes correspondant au différentiel. Ce qui est intéressant sur le plan philosophique, c’est qu’un ralentissement irrésistible de la croissance pour des raisons structurelles et durables satisferait les écologistes hostiles à ce qu’ils appellent le productivisme. Moins de croissance,  moins de travail, moins de déchets, et une société pacifiée. En même temps, le rapport relativise la responsabilité du gouvernement dans l’absence de croissance. Il en fait le conducteur impuissant d’une machine qui s’enraye.

RICHARD LISCIA

 

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Une réponse à Le rapport qui tue

  1. leroy dit :

    Ce scénario est très bien développé par Nicolas Baverez dans
    Lettres béninoises, Albin Michel, 2014.
    Cela se passe justement en 2040

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