Le nouveau paysage politique

Valls en campagne à Tulle (Photo AFP)

Valls en campagne à Tulle
(Photo AFP)

Ces élections départementales qui n’intéressent pas grand monde, où l’abstention risque d’atteindre un sommet, que les médias eux-mêmes craignent de commenter tant elles semblent lasser l’opinion, vont pourtant apporter la confirmation d’une événement historique : le passage du bipartisme au tripartisme, l’apparition d’un nouveau premier parti dont l’idéologie était naguère réprouvée, sans compter l’effondrement probable non seulement du PS mais de la gauche dans son ensemble.

LES DERNIERS sondages d’opinion (Harris Interactive et Ifop) avant le premier tour donnent des chiffres à peu près identiques. À 29% ou 30%, le Front national arriverait en tête, devançant d’un point l’UMP-UDI qui obtiendrait 28 ou 29 % des suffrages, ce qui relègue le PS à 19 ou 20%. Mais l’affaiblissement du PS n’apporte aucune force supplémentaire aux écologistes ou à l’extrême gauche. Le total droite serait compris entre 33 et 35 %, tandis que l’ensemble de la gauche ne recueillerait qu’un maximum de 33% des voix, alors que, aux dernières élections cantonales, en 2011 (cette année-là, le vote ne concernait que la moitié des cantons), elle obtenait 49% des votes, soit une chute considérable de 16  points dont elle aura beaucoup de mal à se relever, et qui semble signifier soit  un déport massif d’une partie du vote de gauche vers le Front national, soit une énorme abstention dans le camp de la gauche. En outre, le Front fait l’effet d’un siphon : par rapport à 2011, la droite ne progresse que de deux points.

Le FN au sommet, mais isolé.

Nicolas Sarkozy a juré que tout accord électoral avec le FN était exclu. On verra si ce serment sera tenu entre les deux tours par les élus locaux. La formidable progression du Front ne l’empêchera pas de se retrouver plutôt isolé avant le second tour, alors que l’UMP pourra encore passer des accords de désistement avec des divers droite ou avec des centristes. Le Front aura donc une forte représentation au niveau des conseillers départementaux, mais il ne semble pas en mesure d’obtenir plus que quelques présidences de départements, le maximum prévu par les politologues étant de quatre. Comme d’habitude, il criera à l’injustice des institutions, mais le scrutin majoritaire à deux tours est le dernier rempart des partis républicains contre la progression du Front, et François Hollande ne serait pas inspiré s’il cédait à la pression des « petits » partis, MoDem, PC, EELV qui, paradoxalement, semblent prêts à assurer une victoire décisive du Front pourvu qu’eux-mêmes augmentent le nombre de leurs sièges, à la faveur du scrutin proportionnel qu’ils réclament depuis de longues années.

Un scrutin juste et dangereux.

La proportionnelle, même à petite dose, est foncièrement en contradiction avec les institutions de la Vè République, qui a été rédigée pour extraire des majorités solides du multipartisme et d’assurer ainsi la stabilité gouvernementale et parlementaire. À 30 %, le FN ne souffre pas du scrutin majoritaire, mais de sa propre nature, qui en fait un parti à part avec lequel pratiquement personne ne veut s’allier, ce qui n’est pas le cas chez les partis classiques de droite et de gauche. Marine Le Pen s’efforce, à grands coups de menton et de discours percutants, de dénoncer l’ostracisme dont souffrirait son parti, sans jamais se demander, bien sûr, pourquoi cet ostracisme se manifeste sinon parce qu’il est inspiré par l’aversion que soulève le Front chez les 70 % d’électeurs qui ne votent pas pour lui. Sauf dans le cas du MoDem, dont le leader, François Bayrou, réclame la proportionnelle avec la même insistance que Marine Le Pen, l’adoption du scrutin certes le plus juste mais aussi le plus dangereux ne favoriserait que les partis extrémistes.

RICHARD LISCIA

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