Le mystère, c’est l’angoisse

Mobilisation immédiate (Photo AFP)

Mobilisation immédiate
(Photo AFP)

Le crash de l’Airbus 320 de Germanwings n’est pas sans rappeler la perte corps et biens de l’appareil malaisien, il y a un peu plus d’un an, qui a disparu du ciel, dans la nuit, sans laisser la moindre trace. À ce jour, on ne sait toujours pas ce qui a provoqué la chute désormais certaine de l’avion, qui aurait volé pendant plusieurs heures dans une direction dont personne n’est vraiment sûr et qui se serait abîmé en mer sans que le moindre débris ou une seule victime aient été retrouvés.

DANS L’ACCIDENT du Germanwings, on dispose, certes, d’éléments sûrs qui aideront les enquêteurs tôt ou tard. Mais, pour le moment, personne ne peut expliquer pourquoi l’avion s’est progressivement rapproché du sol, sans diminuer sa vitesse et pourquoi son pilote n’a pas fait une manoeuvre pour éviter la montagne sur laquelle il s’est écrasé, ce qui fait qu’il a été haché menu par le choc et ne laisse plus aujourd’hui que des traces difficiles à interpréter. Grand amateur des voyages aériens, le public a besoin de trouver un minimum de rationalité dans la séquence de l’événement. Il ne comprend pas, par exemple, qu’aucun signal de détresse n’ait été envoyé par les pilotes et qu’ils aient dérogé aux consignes de sécurité les plus élémentaires en ne changeant pas de direction en même temps qu’ils se rapprochaient du sol. Tant que les fameuses boîtes noires n’auront pas fourni des éléments d’appréciation, nous resterons confondus par le mystère d’un appareil qui, quelques instants avant l’accident, semblait livré à lui-même, comme contraint par une force magnétique à descendre au mépris de toutes les règles de vol, et à se rendre, au terme de la fatalité, au point de sa trajectoire où la mort de ses 150 passagers devenait inéluctable.

Il nous faut une explication.

Le mystère entourant les derniers moments de l’avion et de ses passagers augmente l’inquiétude de tous les voyageurs potentiels qui ne peuvent pas inclure dans leurs calculs un facteur de danger qu’ils ignorent. Si les pouvoirs publics des pays concernés se mobilisent sans compter les moyens, c’est justement parce qu’une description exacte des conditions dans lesquels le crash est survenu permettrait de prendre ensuite les mesures préventives assurant que l’accident ne peut plus se reproduire. On nous dit qu’aucune piste n’est exclue, même si l’hypothèse terroriste est la plus éloignée. Le problème vient de ce que le rejet de cette hypothèse écarte en même temps toute influence de la volonté humaine sur le sort de l’appareil. On a beaucoup de mal à imaginer un avion dont l’équipage et les passagers seraient tout à coup inconscients, frappés de mutisme ou paralysés. On est donc conduit à imaginer une sorte de malédiction qui aurait frappé les victimes de stupeur et n’aurait soulevé en eux aucun instinct de conservation. Il nous faut une autre explication.

Question de confiance.

Pa rapport à l’affaire de l’avion de ligne malaisien qui, lui, n’a, à ce jour, laissé aucune trace visible, celui de Germanwings offre aux enquêteurs assez d’indices pour que, avec le temps et la patience, ils puissent reconstituer les circonstances de l’accident. Qu’il s’agisse d’un problème technique ou d’une erreur de pilotage, la vérité est indispensable à la croissance du transport aérien, qui ne peut pas se poursuivre sur un chemin jalonné d’énigmes. Il ne s’agit pas seulement du travail de deuil, dont les familles des victimes ont, comme toujours, un impérieux besoin. Il s’agit de la confiance que tout passager fait à l’avion et à son pilote et qui ne saurait être accordée si le brouillard n’est pas enfin levé.

RICHARD LISCIA

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