Radio France en péril

Mathieu Gallet (Photo AFP)

Mathieu Gallet
(Photo AFP)

L’affaire de Radio France, dont les salariés sont en grève depuis quinze jours, se présente mal. Le P-DG, Mathieu Gallet, qui a pris ses fonctions il y a un an, est contraint d’équilibrer les comptes, en déficit de 21 millions en 2014. Les 4 600 salariés luttent pour éviter des licenciements ou changements d’affectation qui pourraient concerner 300 d’entre eux. « Le Canard enchaîné » poursuit le jeune et brillant patron nommé par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) de ses révélations sur son goût de la dépense, notamment dans la réfection de ses bureaux, ce qui affaiblit la capacité de M. Gallet à négocier.

ENFIN, la grève est suicidaire : ceux qui, comme moi, écoutent France Info en continu, ne peuvent calmer leur frustration qu’en allant écouter d’autres radios. Car on s’habitue à tout, même à se passer d’une radio que l’on vénère. Ma longue expérience de journaliste qui a fait toutes sortes de journaux m’a appris qu’il existe dans notre profession un devoir sacré : il faut paraître à dates fixes et à l’heure, sinon la publication que l’on fabrique va mourir de ne plus être lue. Le même principe est valable pour Radio France : ne diffuser que des programmes courts à des heures qui ne sont pas prévues à l’avance ne saurait satisfaire l’auditeur qui se reportera vers les radios privées. Radio France bénéficie d’un avantage imbattable : l’absence de publicité. C’est ce qui fait que l’on écoute France Inter ou France Info. Pour les journalistes, qui ne peuvent pas rester plantés devant la télévision, France Info est un instrument de travail, une source d’informations immédiates qui servent de matériau au commentaire, ou aux enquêtes plus approfondies, ou à des réflexions plus générales. Faire grève, c’est habituer l’auditeur à la concurrence, c’est disparaître sous le prétexte que l’on veut continuer à vivre, c’est aller à un combat que l’on est sûr de perdre.

Talent et savoir.
Les journalistes et les techniciens de Radio France pensent qu’ils ont du talent et du savoir. Ils ont raison. Ils sont très utiles. Mais ils ne le sont plus s’ils ne sont pas là. Le talent et l’expérience existent dans les autres radios dont la concurrence est féroce ; de surcroît, elles ne sont pas soumises à des règles sociales qui, visiblement, ont conduit Radio France à des coûts insoutenables, payés par le contribuable. Je perçois très bien l’inquiétude de mes confrères de Radio France, je devine qu’en leur opposant des questions d’argent, on ne rend guère hommage à la qualité de leur travail, j’imagine leur angoisse face à la perspective d’une destruction lente de leur instrument de travail. Je crois néanmoins qu’ils doivent se défaire de quelques mauvaises habitudes, contrats très favorables qui leur accordent des congés payés interminables, par exemple ; et réaction syndicale pure, avec grève et manifestations, à propos d’un métier qui n’est pas celui de métallurgiste.

Radio France a les vertus du système construit en dehors de toute influence de l’argent. Ce statut est son honneur et devient sa tare quand l’État exsangue ne peut plus lui offrir des conditions de travail confortables. Ses salariés doivent se poser les bonnes questions et se demander si ce qui leur arrive n’est pas inscrit dans la crise économique générale que la France n’a pas encore maîtrisée, s’il n’est pas temps de reconnaître à l’argent l’importance qu’il a et si des radios à fort contenu culturel peuvent survivre avec des comptes dans le rouge.

RICHARD LISCIA

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Une réponse à Radio France en péril

  1. phban dit :

    Je suis toujours stupéfait de constater que des journalistes, dont le métier est de rendre compte de faits, peuvent aussi obstinément refuser d’affronter la réalité dès qu’il s’agit des finances de l’organisation qui les fait vivre.

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