La percée de Juppé

Juppé, numéro un (Photo S. Toubon)

Juppé, numéro un
(Photo S. Toubon)

« Le Point » publie aujourd’hui un sondage très intéressant selon lequel Alain Juppé obtiendrait, à la primaire de la droite, 56% des suffrages contre 44 % seulement à Nicolas Sarkozy. Au même moment, « le Figaro » publie un entretien avec M. Sarkozy dans lequel celui-ci expose la politique qu’il souhaite mettre en oeuvre.

LES LEADERS du PS ont largement ironisé sur les propos de l’ancien président. Ce qu’il dit n’est pas négligeable, mais ne simplifie guère la crise de l’immigration déjà si complexe. Une fois de plus, Nicolas Sarkozy veut que les accords de Schengen soient révisés, il souhaite que soient créés des zones de rétention extérieures aux frontières de Schengen, il crée une nouvelle catégorie de migrants, les « réfugiés de guerre », dont on ne comprend pas l’utilité, la distinction entre demandeurs d’asile et migrants économiques étant suffisamment compliquée (et injuste). De même, il veut en finir avec Daech, en envoyant des experts militaires au sol mais pas de l’infanterie, manière quelque peu énigmatique de dire qu’on ne fait pas ce que l’on fait tout en le faisant. Et il défend son action en Libye, dont il ne peut nier pourtant qu’elle n’a pas eu les conséquences souhaitées.

Un programme réchauffé.

M. Sarkozy se prenait pour le candidat naturel de la droite en 2017, il ne l’est plus. On pourrait lui reprocher quelques-unes de ses déclarations, pas toujours cohérentes et toutes frappées au coin de la concurrence avec le Front national plus qu’avec la gauche. Son problème, c’est qu’il se lance dans la bataille avec des idées qui valent ce qu’elles valent mais n’atténuent guère le sentiment qu’il y a du réchauffé dans son programme, dans son comportement, dans une agressivité qui convainc d’autant moins qu’elle n’est pas soutenue par une indignation complètement sincère. Alain Juppé, pour sa part, puise sa force dans sa discrétion. Ses idées sur la réforme scolaire ou ses déclarations, pas toujours heureuses, (par exemple quand il a dit au « Monde » qu’il avait « envie d’être aimé », ce qui est un peu ridicule et pas présidentiel en tout cas), ne semblent pas lui porter préjudice.

Le Front dans un ghetto.

Il faut toujours prendre les sondages avec des pincettes. La campagne des primaires à droite révèlera, ou non, des tempéraments. M. Sarkozy a pour lui sa familiarité avec le leadership et sa détermination. M. Juppé a contre lui sa philosophie nuancée et subtile qui ne fera jamais le bonheur d’un militant, même si, en politique, la simplification est à bannir et la franchise à soutenir. Son avantage, c’est que cet homme qui n’est critiqué que pour son âge, comme si l’expérience des affaires de l’État n’était pas un atout, brise la malédiction qui ferait de 2017 la répétition de 2012 avec un match entre les mêmes. Ce qui serait encore plus passionnant, c’est qu’à un Juppé candidat fût opposé non pas le président sortant mais un autre homme (ou femme) de gauche. Cela apporterait de la vigueur à des institutions que d’aucuns ne cessent de critiquer mais qui assurent pourtant une stabilité politique dont la France a bien besoin.
On ne doit pas désespérer de l’électorat : les Français sont inquiets à juste titre d’une crise et d’une vague migratoire qui risque d’emporter la France et l’Europe, et qu’il faut traiter par une synthèse de l’approche humanitaire et d’une politique réaliste pas facile à mettre en place. Mais ils ont montré aussi, surtout ceux qui souffrent de la crise, qu’ils peuvent faire passer leur générosité avant leurs propres soucis. Si le mouvement, tout à fait extraordinaire, en faveur des immigrés a du bon en dépit de ce qu’il a d’irrationnel, c’est qu’il isole le Front national, coincé, en quelque sorte, dans une sorte de ghetto réservé à la haine ou à l’égoïsme. Pour la première fois, Marine Le Pen doit se demander si sa stratégie, fondée sur le rejet de l’autre, ne risque pas de lui aliéner des électeurs.

RICHARD LISCIA

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Une réponse à La percée de Juppé

  1. La percée de Juppé, dans les récents sondages, témoigne du besoin de la majorité de nos concitoyens – qu’ils soient, à l’heure actuelle, électeurs potentiels à la primaire du centre droit ou/et électeurs potentiels lors de la présidentielle – d’avoir un président expérimenté et apaisé. Pour être concis, ces qualificatifs éloignent le candidat Juppé, de Hollande pour le premier et de Sarkozy pour le second.
    Juppé dit qu’il a besoin d’être aimé. Il a été détesté, depuis la droite jusqu’à la gauche, lors de la mise en place partielle voire partiale – pour le praticien que je suis – du « plan » qui porte son nom. Il a été honni, lorsqu’il a été condamné dans l’affaire des « emplois fictifs » de la mairie de Paris, alors que ces faits remontent à l’époque où Chirac était maire de Paris et que Juppé était son bras droit.
    Vouloir être aimé, dans ce contexte, n’est pas puéril et le dire peut être, aussi, une excellente communication positive car nombre de nos concitoyens se sentent, plus à raison qu’à tort, en mal de reconnaissance. Mes confrères – cliniciens de terrain – qui parlent avec leurs patients et qui voient leur façon de vivre, me rejoindront sans aucun doute.
    De même, il est patent que la majorité de nos concitoyens, même en mal de reconnaissance, voire du fait de ce mal de reconnaissance, sont prêts à accueillir des réfugiés de tout genre; même si d’aucuns s’inquiètent de l’importance de la « vague ».
    Enfin, il est indécent de continuer à polémiquer entre « migrant » , « réfugié politique » et « réfugié de guerre ». Un réfugié est un réfugié.

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