IL N’A PAS toujours recherché le renforcement systématique de ses pouvoirs qui, aujourd’hui, sont sans partage. Il a jugulé une armée qui dominait la vie politique et procédait à un coup d’État chaque fois que le gouvernement lui déplaisait ; il a assuré le développement de la Turquie, aujourd’hui en plein essor même si l’économie commence à patiner ; il y a quelques années encore, la candidature de son pays à l’adhésion à l’Union européenne était crédible. Mais M. Erdogan, qui avait pourtant ouvert des négociations avec le PKK (parti kurde) pour mettre fin à une guerre civile larvée dans le sud-est de la Turquie, a choisi la répression. La liberté de la presse a pratiquement disparu. La référence à l’islam est devenue obsessionnelle. Au lieu de faire la paix avec les Kurdes, minorité de quinze millions de personnes, il les bombarde copieusement. Sans broncher, il a laissé la ville de Kobané, à la frontière syro-turque, tomber aux mains de Daech. Puis, les Kurdes ont repris la ville au prix d’un sanglant effort. Les élections en Turquie sont libres, mais leur résultat instaure un ordre de type dictatorial.
La stratégie de la peur.
Comment M. Erdogan s’y est-il pris pour convaincre l’électorat ? D’abord en lui faisant peur. L’attentat pré-électoral qui a fait une centaine de morts dans les rangs kurdes a été attribué aux djihadistes. Quels que soient ceux qui l’ont commis, ils ont créé une atmosphère telle que les Turcs ont préféré se rassembler autour de leur président. Pour autant le parti pro-kurde n’est pas éliminé puisqu’il disposera de quelque cinquante sièges dans la nouvelle assemblée. Mais, muni d’une majorité qui ne laisse pas la place au débat politique, M. Erdogan entend bien donner à la présidence de la République une fonction exécutive, alors que, jusqu’à présent, elle était plutôt protocolaire. Voici donc le président turc sur le point de disposer de tous les pouvoirs, ce qui lui permettra sans nul doute d’ignorer l’opposition, de réprimer toutes les tentatives de révolte, de régler la question kurde par la guerre, et d’étouffer toutes les voix dissonantes, journalistes, artistes, écrivains, intellectuels. Le tout en donnant à la religion une importance dont la Turquie kémaliste a toujours voulu se défaire dans le cadre de la modernisation de ses institutions.
Maître chez lui.
M. Erdogan ne réunit plus les conditions qui auraient permis à une Turquie démocratique d’entrer dans l’Union européenne. Il va moins combattre les islamistes de Syrie que les Kurdes de Turquie et d’ailleurs. Il ne va pas rendre aux Turcs les libertés qu’ils ont perdues. Et il va littéralement régner en augmentant son rôle messianique, celui du seul Turc capable de protéger ses concitoyens contre les menaces venues de l’étranger. Pour le moment, il est en pleine forme politique. Plus tard, surtout si l’économie continue à décliner, il devra expliquer à ses concitoyens pourquoi il s’est construit un palais pharaonique, pourquoi il ne tente pas de normaliser ses relations avec les Kurdes sur la base de la négociation, et pourquoi il préfère être maître chez lui plutôt que membre prospère de l’Europe.
RICHARD LISCIA
Bravo, pour le triomphe d’Erdogan.
La démocratie a gagné, le terrorisme a pris une claque,
une grosse dédicace à tous les râleurs.
Les médias ont voulu faire croire que le grand Erdogan n’allait pas dépasser les 41 %, et pourtant il a fait 50 %. Les Turcs c’est un grand peuple qui tient toujours tête, à ne pas oublier.