Les larmes d’Obama

Une avance au Collège électoral

L’émotion d’un discours
(Photo AFP)

Il est rare qu’un chef d’Etat verse des larmes pendant un discours. C’est ce qui est arrivé à Barack Obama hier alors qu’il lançait son plan pour un contrôle accru des ventes d’armes aux Etats-Unis. Il appuie sa campagne sur le nombre incalculable d’assassinats par armes à feu dans son pays et c’est en évoquant l’attaque où des enfants du cours primaire ont perdu la vie à Newton qu’il est mis à pleurer.

L’EMOTION du président aura sans doute associé un grand nombre de ses concitoyens à ses efforts, dont l’efficacité reste à prouver. Le président, minoritaire dans les deux chambres du Congrès, a décidé de progresser par décrets, ce qui risque de soulever une polémique assez intense pour que l’affaire soit réglée en justice, c’est-à-dire au moyen d’une procédure extrêmement longue qui ira sans doute jusqu’à la Cour suprême, où il n’est pas davantage assuré d’obtenir une majorité en sa faveur.

Un commerce florissant.

Le droit de porter une arme est inscrit dans le deuxième amendement de la Constitution, elle-même inspirée par l’accès de tout citoyen à un maximum de libertés. La nation américaine s’est construite par la violence, d’abord par la guerre d’indépendance, ensuite par la guerre civile. La conquête des terres de l’ouest s’est déroulée dans un climat marqué par la loi du plus fort (et par le génocide des Indiens). Le droit de posséder des armes à feu n’est pas absolu. L’achat d’une arme fait l’objet de contrôles dans les magasins spécialisés, il est totalement libre sur Internet et dans les foires aux armes. Le président Obama souhaite donc que toute transaction soit signalée à des services officiels, habilités à l’empêcher dans les cas où ils le jugent nécessaire.
La persistance d’un commerce des armes florissant et insuffisamment surveillé semble absurde aux Européens, de même que leur semble étrange la présence de lobbies, comme la National Rifle Association (NRA) qui ont réponse à tout dans les débats sur le port d’armes. Confiées aux Etats, les législations sont diverses et, si le port d’arme est rare dans beaucoup d’entre eux, il est très répandu dans d’autres, comme le Texas. Il demeure que, chaque jour, 90 Américains sont tués par balles et que le commerce des armes atteint le prodigieux chiffre d’affaires de 8 milliards de dollars par an.

Rude bataille à venir.

Les républicains se hâteront de dire que M. Obama va bafouer la Constitution par des stratagèmes proches de l’illégalité. Ils lanceront une contre-campagne où, comme d’habitude, les pires accusations contre le pouvoir seront prononcées. Le débat coïncidera avec la campagne des primaires, ce qui risque de modifier son cours et de mettre en avant un sujet, certes essentiel, mais qui n’était pas nécessairement à l’ordre du jour des candidats. Enfin, si on pouvait légitimement nourrir l’espoir que, avec les premiers scrutins dans les deux partis, l’hystérie créée par certains candidats comme Donald Trump allait s’affaiblir, on craint maintenant que l’hostilité entre les deux camps prenne l’aspect d’une guerre civile.
Il est courant, surtout de ce côté-ci de l’Atlantique, de dénoncer la passivité du président Obama, ses hésitations et ses tergiversations. Il n’en a pas moins suivi une ligne de conduite très ferme et très constante. Il a refusé d’envoyer des troupes sur les théâtres de guerre au Proche-Orient car il y a longtemps que les conséquences des interventions militaires à l’étranger sont profondément négatives. Ceux qui lui reprochent aujourd’hui de se laver les mains de la guerre en Syrie sont ceux qui ont haï George W. Bush parce qu’il est parti à la conquête de l’Irak. M. Obama s’est efforcé, souvent avec succès, de donner à la société américaine un visage plus humain, notamment en lui offrant un système d’assurance-maladie digne de ce nom. Il a renoué les liens avec Cuba. Il mène au Proche-Orient une « guerre des drones » qui déstabilise, quoi qu’on en dise, les mouvements terroristes. Sa politique économique a réussi, avec une substantielle réduction du déficit, un taux de chômage ramené à 5 % (moins de la moitié du taux français), une croissance de 2,5 % et un meilleur contrôle des mouvements de capitaux. Il tente de régulariser la situation de 11 millions d’immigrés clandestins. Il a, en toute occasion, opposé son humanisme au cynisme et aux calomnies de ses opposants. Contrairement à ce que l’on prétend, il laissera une trace.

RICHARD LISCIA

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Une réponse à Les larmes d’Obama

  1. JMB dit :

    À cet éditorial très positif et totalement partagé envers Obama, on regrettera de mettre un bémol compte tenu de la qualité de l’homme politique, mais non dénué de sens en fonction de l’actualité.
    Obama assista avec son épouse aux obsèques du roi Abdallah. Michelle Obama, non voilée, a été ostensiblement ignorée par les autorités saoudiennes, évidemment uniquement masculines. Obama est absent lors de la commémoration pour les 70 ans de la libération d’Auschwitz à une période proche.
    Par contre, la Suède a rompu ses relations militaires avec l’Arabie saoudite, ce pays ayant obtenu que Margot Wallström, sa ministre des Affaires étrangères, ne prononce pas son discours prévu devant la Ligue arabe. Elle avait évoqué auparavant des « méthodes moyenâgeuses » dans ce pays.

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