LES POLITOLOGUES et dirigeants d’instituts de sondages estiment que, tant que le Front national ne sera pas en mesure de former des alliances avec d’autres partis, il ne pourra pas espérer gouverner un jour. Mais la vraie question est : pourquoi ne trouve-t-il pas d’alliés ? Il n’en trouve pas parce qu’il est resté, malgré diverses réformes lancées par Marine Le Pen, un parti paria, une formation qui, même si elle séduit quelque 30 % de l’électorat, s’appuie sur des idées qui font peur. On conviendra que ce ne sont pas ses solutions en matière d’immigration, de sécurité, ou la xénophobie qui anime nombre de ses militants qui inquiètent le plus les Français. La crise des migrants, provoquée par les déchirements du Proche-Orient, entraîne des réflexes que le FN peut partager avec la droite ou même la gauche. Mme Le Pen a réussi à réduire le langage intolérant et raciste du FN et si elle se contente de dire que la France, comme tous les États européens, ne peut pas accueillir autant d’immigrés, elle ne scandalise personne. Mais soyons réalistes : elle n’est toujours pas parvenue à faire taire les plus enragés des militants de son parti et elle ne peut pas tous les exclure.
Trois points essentiels.
Le Front a un problème de crédibilité sur trois points essentiels de son programme : il continue à préconiser la sortie de la France de l’euro, la retraite à 60 ans et la semaine de 35 heures. Constatons d’abord que les deux dernières propositions pourraient être partagées avec la gauche. On remarque, avec un vif intérêt, que les « valeurs » auxquelles la gauche de la gauche s’accroche désespérément sont, à ce jour, défendues par le parti le plus à droite du pays. Cela signifie que pratiquement plus aucun Français ne croit sérieusement qu’il est possible de ne pas travailler davantage pendant la semaine, pendant l’année et pendant une vie. C’est si peu crédible que le FN songe à se débarrasser d’idées que certains de ses dirigeants considèrent comme un boulet.
Certains, mais pas tous. Interrogé au sujet de l’euro, Florian Philippot, le numéro deux du parti, a déclaré avec agacement que le « FN est un parti souverainiste » et que, en tant que tel, il défendait la souveraineté française. C’est dire que, pendant ce week-end on va assister à des échauffourées entre les partisans frontistes de la zone euro et ceux qui veulent que la France la quitte. M. Philippot va devoir combattre contre les « libéraux » du FN, ceux qui pensent qu’il n’est plus possible de garantir la semaine des 35 heures et la retraite à 60 ans. En effet, il croit être en mesure de protéger le microcosme français contre la mondialisation. Il n’est pas sûr qu’il recule sur les trois points, mais rivalités d’hommes et choc des principes vont continuer à alimenter les divisions internes au parti.
Dilemme frontiste.
Simple question : si le FN renonce à la sortie de la zone euro, aux 35 heures et à la retraite à 60 ans, et si, de surcroît, il poursuit son ravalement, en éliminant par exemple la haine de son langage, s’il adopte une façon de s’exprimer plus tolérante, et s’il introduit quelques mots de compassion dans ses commentaires sur l’immigration, en quoi sera-t-il distinct de la droite classique ? Le FN occupe un créneau de plus en plus large et, s’il change, il risque de se normaliser au point qu’il pourrait être coopté par la droite. Ce n’est pas du tout ce qu’il veut. Il veut garder sa spécificité, ce qui signifie qu’il continuera à horrifier des millions de Français irréductibles. Et il va devoir combattre avec une argumentation rejetée par 70 % de Français. Ce n’est pas à cause de l’euro ou du temps de travail qu’il est insupportable à la plupart d’entre nous, c’est parce qu’il véhicule les débris historiques du pétainisme, parce que ceux qui le rejoignent utilisent des mots d’une brutalité extrême pour toutes les minorités, parce qu’il a été fondé, qu’il a prospéré et qu’il s’est imposé en s’appuyant sur des notions anti-républicaines. S’il les garde, il restera indéfiniment à la porte du pouvoir. S’il les abandonne, il disparaîtra.
RICHARD LISCIA
Il est difficile de prévoir l’avenir. Mais vu l’état actuel de ce pays : grèves en tous genres, routes barrées, de plus en plus de chômeurs, la crise de l’Euro qui est loin d’être terminée (voir ce qui se passe au Portugal et en Grèce), il faudra voir aussi le résultat du référendum anglais. L’annonce pour 2016-2017 de 2 millions de réfugiés en plus, et le risque de deux ou trois 13 novembre jusqu’en 2017 (c’est loin).
Enfin, avec la misère qui s’installe dans ce pays et que je vois en Thiérache par exemple, rien n’est prévisible, d’autant que je ressens une exaspération et une colère qui monte avec je dirais presque « une haine » de nos élites.
Il est donc possible que la logique des choses n’existe plus en 2017 et que les évènements soient plus profitables au FN que toutes leurs réunions.