Syrie : Poutine évacue

Une annonce surprise (Photo AFP)

Une annonce surprise
(Photo AFP)

La guerre civile de Syrie a commencé jour pour jour il y a cinq ans. Elle a fait près de 300 000 morts, des blessés innombrables, quelque 5 millions d’exilés, des destructions qu’il est impossible de chiffrer. C’est aussi le jour que Vladimir Poutine a choisi pour commencer à évacuer les troupes russes.

L’État islamique (EI) n’a pas tardé à annoncer que, profitant du départ des Russes, il allait lancer une offensive. Annonce de pure propagande car, si c’est le cas, les avions russes sont encore là. D’ailleurs, Poutine a fait savoir que les bombardements se poursuivraient contre les « terroristes ». En réalité, la Russie s’est battue et se bat encore principalement contre les forces de l’opposition syrienne. Une chose est sûre: Bachar Al Assad se maintiendra au pouvoir tant qu’il sera soutenu par Moscou qui tient à garder ses bases militaires à Lattaquié et à Tartous.

Gagné par la sagesse.

L’annonce de l’évacuation a pris toutes les chancelleries par surprise. Personne ne s’y attendait mais Poutine a voulu couper court à une aventure qui risquait de lui coûter cher, du point de vie financier bien sûr, mais aussi du point de vue de sa popularité. Une présence trop longue des forces russes en Syrie aurait fait des victimes, ce qui est toujours difficile à expliquer à une opinion, même quand elle n’a pas la liberté de s’exprimer vraiment. D’une part, la Russie est intervenue avec une vigueur suffisante en Syrie pour inverser le rapport de forces en faveur de Bachar ; d’autre part, tirant la leçon des expériences américaines en Irak et en Afghanistan (et celle de l’URSS dans ce pays), le président russe a décidé de ne pas s’attarder dans la contrée la plus violente et le plus dévastée du monde. Preuve que, en dépit de son plaisir à montrer ses muscles, M. Poutine est parfois gagné par la sagesse.

Le cessez-le-feu tient bon.

En réduisant les risques financiers et militaires de l’aventure russe en Syrie, il prend des risques politiques. Pour une fois peu futé, l’EI aurait dû attendre que la présence russe diminue ou disparaisse avant de reprendre les hostilités à grande échelle. Il n’est pas impossible toutefois qu’une diminution des bombardements permette aux forces de l’opposition syrienne de se regrouper et de se renforcer après les revers qu’elles ont subies sous l’effet d’une offensive des loyalistes appuyés par les Russes et le Hezbollah. D’une façon générale, les parties prenantes au cessez-le-feu décrété il y a quelque temps à peine estiment qu’il n’est que rarement violé. Ce qui permet d’engager des négociations dans un climat plus serein. Le point central d’achoppement, c’est que la survie politique de Bachar n’est pas négociable aux yeux des Russes, alors qu’il leur est possible de l’abandonner à son sort et de négocier le maintien de leurs bases avec les Occidentaux qui n’ont nullement la capacité d’humilier le Kremlin. Poutine se grandirait s’il décidait de lâcher Bachar. Car le maître de la Syrie n’a aucune excuse : pour rester au pouvoir, il a a littéralement rasé son pays et infligé des pertes incommensurables à son propre peuple. Il est indigne de chaque minute qu’il passe encore au pouvoir.
Il faut reconnaître toutefois que la Russie a réussi à s’imposer comme un partenaire indispensable. On n’est pas aveugle à ses manoeuvres : elle a cyniquement protégé un potentat sanguinaire et l’a aidé à détruire son opposition. Les bombardements russes n’ont d’ailleurs pas épargné les civils. Pour se débarrasser de tous ceux qui présentaient un danger pour le pouvoir syrien, les avions russes ont pratiqué le tapis de bombes sans hésiter à raser des hôpitaux et à éliminer tous les services médicaux ou sanitaires qui survivaient encore dans le chaos. Mais on ne négocie pas qu’avec des gens recommandables.

RICHARD LISCIA

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2 réponses à Syrie : Poutine évacue

  1. Michel de Guibert dit :

    Parce que bien sûr « les forces de l’opposition syrienne » ne sont responsables d’aucune destruction et n’ont infligé aucune perte dans la population syrienne ?
    Dans une guerre civile, il y a rarement un seul coupable…
    Tout ce qui est excessif est insignifiant !

  2. A3ro dit :

    Dire que les destructions et morts en Syrie sont le seul fait du régime/des russes serait excessif. (ce que R. Liscia n’a pas fait, d’ailleurs). Mais, sur ce seul critère, il est tout autant excessif de mettre le régime et les rebelles (ou même l’EI) sur le même plan. Ce qui est assez logique : quand un camp a des chars, des hélicoptères, des avions de chasse, des bombardiers stratégiques, et de l’artillerie lourde, et l’utilise de facon assez indiscriminée, forcément, il va faire plus de dégâts et de morts civils.

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