Une gauche suicidaire

Christian Paul, l'un des frondeurs (Photo AFP)

Christian Paul, l’un des frondeurs
(Photo AFP)

Si ceux qui, à gauche, s’opposent au pouvoir, ont pris la mesure de leur capacité de nuisance, peut-être sont-ils satisfaits. S’ils visaient un changement de politique, ils mesureront dans un an les conséquences de leur action avec la victoire de la droite.

LA JOURNÉE de mercredi a été celle de quelques phénomènes sans précédent : sans précédent, la vaine recherche d’un nombre de députés suffisant (58) pour présenter une motion de censure de gauche contre un gouvernement de gauche ; sans précédent, les communistes, réalisant qu’ils ne font pas le poids à l’Assemblée, vont voter aujourd’hui avec la droite la motion de censure ; sans précédent, des élus socialistes ont envisagé de voter eux aussi avec la droite (puis, ils ont renoncé). Sans doute ces députés ont-ils la conscience claire, leur objectif étant d’empêcher la loi Travail d’être adoptée. Mais il existe aussi un problème de cohérence politique, à laquelle répond l’article 49 alinéa ter de la Constitution : si vous êtes à ce point hostile au programme du gouvernement, ne vous gênez pas, votez contre lui, mettez en jeu votre propre situation et procédons à des élections anticipées.

Un langage apocalyptique.

Ce courage, ils ne l’ont pas. Ils s’en expliquent fort bien en disant que, pour attaquer la loi El Khomri, ils n’en désirent pas pour autant l’avènement de la droite qui ferait « pire », bien sûr. Dans leur ardeur idéologique, qui confine à la passion religieuse, ils ne se demandent même pas s’ils peut y avoir une cohérence dans une réforme du travail censée ouvrir le marché de l’emploi à tous les citoyens. Pour décrire le texte, leur langage, comme celui des communistes et des syndicats, est apocalyptique. C’est une démarche dangereuse, honteuse, destructrice, scandaleuse, misérable. Dans ce cas, pourquoi le gouvernement se complairait-il dans le rôle du père Fouettard ? On perçoit, dans les comportements de l’opposition interne à la gauche prise dans son sens le plus large, une sorte de vertige suicidaire, la remise au goût du jour d’une forme archaïque de révolution que le différend sur le travail ne justifie même pas, que le texte édulcoré et insuffisant pour correspondre à une réforme ne justifie pas davantage, et que l’état actuel du pays ne peut pas tolérer.

Le peuple gronde.

Or que voit-on ? Que les opposants de gauche à la loi ne cèderont pas, que les cheminots feront grève deux fois par semaine, que Nuit debout se poursuit, et que cette agitation, ce désordre, cette révolte alimentée par l’auto-suggestion vont déboucher sur des désordres de plus en plus dévastateurs pour l’économie et pour la stabilité politique. Les plus coupables, dans cette affaire, sont les députés dits frondeurs qui se révèlent incapables de changer le cours institutionnel des choses, mais ont donné à la loi une si mauvaise réputation que le mouvement d’hostilité dont ils ont pris la tête va finir par bloquer le pays. Qu’est-ce que c’est que ce groupe de députés qui ne sont dans l’hémicycle que parce que M. Hollande a été élu président de la République en 2012 mais qui, depuis deux ans, ne pensent qu’à le combattre ? Ils affirment qu’ils n’ont pas changé et qu’il les a trompés lorsqu’il a renoncé à ses promesses électorales. C’est vrai, mais en même temps, nous vivons sous le régime de la Vè République et ils se conduisent comme des élus de la IVè.
Ce mélange de passion idéologique, d’idées caduques, de nostalgie d’un monde dont ils refusent d’accompagner le changement est ce qui fait le plus de mal à la France. S’il est impossible de réformer l’emploi, comment pourrions-nous passer aux autres réformes qui attendent ?

RICHARD LISCIA

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