Sur l’usure des discours

Trop de prises de parole (Photo AFP)

Trop de prises de parole
(Photo AFP)

François Hollande a défendu sa politique pendant une heure ce matin sur Europe 1. Hier, après avoir gravi le mont Beuvray en Bourgogne, Arnaud Montebourg n’a pas cru utile d’annoncer sa candidature. Nicolas Sarkozy, dans un entretien en ligne avec « le Monde », a attaqué ses concurrents à la primaire. Pendant ce temps, grèves et manifestations sèment le désordre en France.

LE PRÉSIDENT « ne cèdera pas » sur la loi travail. Il en a assez de la déprime nationale, même si, à sa manière, il l’alimente. Il dit « stop ! » aux casseurs. Devait-il vraiment se lever si tôt pour s’exprimer dans la matinale d’une radio ? Le problème principal de nos grands leaders, c’est qu’ils sont tellement prévisibles. Ils ne peuvent plus rien dire que nous n’ayons prévu. La dévaluation du discours politique s’accroît, dans le cas du chef de l’État, avec l’absence de résultats sur le front de l’emploi. Même quand il insiste sur les progrès économiques du pays, qui sont réels en dépit du chômage, on ne le croit plus. Et quand il affirme que la loi travail sera adoptée in fine, il suffit d’observer les grèves paralysantes, la violence des manifestations, l’irrédentisme de la CGT, le désordre irrésistible de la société française, pour douter et même se demander si, en définitive, pour l’enjeu dérisoire qu’un texte de loi privé de toute efficacité représente, il n’est pas préférable d’en finir.

Ce que Hollande ne dit pas.

M. Hollande ne peut pas dire que, s’il ne cède pas, c’est parce qu’il déjà cédé sur la déchéance de la nationalité et qu’il ne peut pas ajouter un grave échec à ses sérieux déboires. Il ne fait pas campagne, nous dit-il, il est président et il se contente de rendre des comptes aussi souvent qu’il le peut à la nation. Mais la campagne a commencé depuis longtemps et il n’y a plus un seul mot écrit ou prononcé qui ne corresponde à une intention électorale. On voudrait demander à M. Hollande pourquoi il ne se contente pas d’expédier les affaires courantes jusqu’au terme de son mandat, pourquoi il ne renonce pas à se présenter de nouveau, pourquoi il ne reconnaît pas tout simplement que la loi travail aura été l’affaire la plus mal conduite de son quinquennat.

Un jeu de miroirs.

De même, on voudrait demander à M. Sarkozy pourquoi il veut revenir au pouvoir alors que l’opinion a clairement indiqué, et à plusieurs reprises, qu’elle ne veut pas d’un match retour entre M. Hollande et lui. Pourquoi l’ancien président fait courir à la droite le risque d’une défaite en 2017. En quoi les idées qu’il expose sont de nature à redresser la France. Pourquoi toute sa stratégie, loin de servir les intérêts bien compris de la société, ne sert qu’à assurer sa candidature dans les meilleures conditions. La vérité, dans cette campagne effrénée et déjà violente sur le plan verbal, n’apparaît que grâce à un jeu de miroirs. Il faut écouter l’opposition pour savoir ce qui se passe vraiment à gauche et vice-versa. Il faut aller déterrer les arrière-pensées de ces prolixes orateurs dans l’analyse de leurs compétiteurs. Si, comme chez M. Hollande, la présentation des faits est lisse et cohérente, ses détracteurs auront tôt fait de montrer les aspérités, contradictions, inquiétudes qu’elle recouvre.
La crise, aujourd’hui, n’a plus rien à voir avec la réforme souhaitable mais ratée que le gouvernement a entreprise pour le travail. Le ministre de l’Intérieur doit rendre les villes à l’ordre et le plus tôt sera le mieux. Le Premier ministre doit savoir s’il est en mesure de poursuivre sa guérilla avec les syndicats et les jeunes jusqu’à ce que le pays épuisé se déclare défait. Le président de la République doit enfin admettre que ses ambitions ont été mises en échec et qu’il ne saurait ajouter à une angoisse permanente pour l’avenir cette douleur aiguë qu’inflige à nos concitoyens la bataille autour du travail.

RICHARD LISCIA

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Une réponse à Sur l’usure des discours

  1. Marc MARIN dit :

    C’ est la vérité ! Les Français en ont marre.

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