Du mimétisme démagogique

Un Boris pensif (Photo AFP)

Un Boris pensif
(Photo AFP)

Ce XXIè siècle est riche de dangers de toutes sortes. Ils sont aggravés par le comportement de plus en plus irresponsable des leaders politiques. Jusqu’à présent, nos bonnes vieilles démocraties parlementaires avaient échappé à la démagogie, symptôme révélateur des régimes à la fois faibles et répressifs. Voilà maintenant que quelques pays autrefois immunisés contre les débordements sont à leur tour contaminés.

CE QUI vous vaut cette réflexion introductive, c’est un discours de Boris Johnson, ex-maire de Londres, engagé aujourd’hui dans une campagne frénétique en faveur du Brexit. M. Johnson est connu pour ses frasques et ses propos à l’emporte-pièce, ses comportements ludiques et excentriques, et une coiffure qui n’est pas loin de ressembler à celle de Donald Trump. Mais si M. Johnson est un personnage loufoque, ce n’est pas du tout un imbécile. Non seulement il a réussi à se faire élire maire de Londres, ravissant à un autre démagogue, Ken Livingston, un poste convoité, mais il a écrit sur Winston Churchill un livre considéré comme remarquable. Il peut avoir pensé que son succès provenait de ses practical jokes et de ses facéties. Mais, dans sa bataille pour la rupture du Royaume-Uni avec l’Union européenne, qui, en réalité, traduit son désir de remplacer David Cameron à la tête du gouvernement, il semble avoir estimé que quelques palinodies ne suffiraient pas. Le voilà donc qui compare l’Union européenne aux projets qu’ont pu nourrir Napoléon, puis Hitler : le rassemblement par la force et sous un seul dictateur des pays européens. Tollé dans son parti et en dehors, scandale, consternation. Et, lors de la visite de Barack Obama à Londres, il a expliqué que le soutien du président des États-Unis au maintien de la Grande-Bretagne dans l’Union correspondait à « l’aversion ancestrale pour l’Empire britannique d’un président en partie kenyan » .

Purs mensonges.

Jusqu’à présent, Boris Johnson faisait rire. On croyait même déceler dans ses provocations le désir de bousculer le conservatisme empesé des Anglais, la recherche d’une façon plus décomplexée de faire de la politique, une adaptation aux critères modernes de la fonction exécutive. On déchante. M. Johnson ment et sait qu’il ment. Il sait que l’Union européenne n’est née d’aucune contrainte mais d’une volonté d’en finir au contraire avec toutes les dérives autoritaires, d’élargir le concept de citoyenneté à l’Europe, d’accorder de l’importance non plus au simple exercice du pouvoir, mais aux libertés individuelles, à la culture, aux échanges, à la fraternité entre les peuples. Il suffisait de lui clouer le bec, mais M. Cameron, qui s’est lui-même engagé dans cette désastreuse affaire du Brexit, n’a pas trouvé les mots, un peu comme s’il ne voulait pas révéler au public que les déclarations de M. Johnson, c’est la musique accompagnant le match de boxe qui les oppose.

Un modèle : Trump.

Le pire, c’est que M. Johnson n’est pas le seul exemple de cette calamité langagière, où Donald Trump s’est précipité bien avant lui. Comment la plus grande démocratie du monde, aux institutions d’une solidité exemplaire, peut donner naissance à un animal aussi bizarre, c’est un mystère qui ne peut s’expliquer que par le manque d’éducation politique de populations promptes à se satisfaire de la simplification et de l’amalgame, sans en discerner les périls. Le plus ennuyeux peut-être, c’est que le délitement progressif de nos démocraties, européennes et américaine, nous prive de l’efficacité de notre sens critique quand nous avons à juger du mode de gouvernement de Vladimir Poutine où du penchant ultra-conservateur de la Pologne, ou encore du naufrage idéologique autrichien. Allez donc leur donner des leçons quand vous avez vous-même à gérer des clowns comme Donald ou Boris ! Pour convaincre le peuple qu’il ne doit pas se laisser emberlificoter par ces bateleurs de la pire espèce, rappelez-lui seulement que MM. Trump et Poutine éprouvent l’un pour l’autre une estime réciproque. Là, c’est clair : c’est ce que j’appellerai le cynisme à deux têtes.

RICHARD LISCIA

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