Le vol de la primaire

Juppé et Sarkozy à couteaux tirés (Photo AFP)

Juppé et Sarkozy à couteaux tirés
(Photo AFP)

Nicolas Sarkozy reproche à Alain Juppé de vouloir se faire élire avec le concours des voix de gauche. Un sondage récent (Ipsos-Sopra-« le Monde ») estime à 6 ou 7 % la proportion d’électeurs de gauche qui sont décidés à voter Juppé à la primaire pour faire barrage à l’ancien président.

M. JUPPÉ n’a jamais caché qu’il voulait la primaire la plus ouverte possible car il sait que, si elle se limite aux militants, Nicolas Sarkozy le devancerait. C’est ce qui lui vaut les remarques désagréables de M. Sarkozy, selon lequel si on accepte les voix de gauche, c’est qu’on s’apprête à appliquer un programme de gauche. Cette OPA, d’ailleurs très limitée, à laquelle l’ancien Premier ministre se livrerait sur la majorité actuelle n’est du goût de personne. Quelques voix se sont élevées à gauche pour dénoncer le candidat Juppé, considéré comme réactionnaire, ce qu’il n’est pas. Le débat n’est nullement idéologique, il est stratégique. La question porte uniquement sur les candidats que l’on trouvera au premier tour de la présidentielle. La gauche peut souhaiter que M. Sarkozy représente son camp parce qu’elle pense qu’il est plus facile à battre que M. Juppé. C’est en tout cas ce que suppose M. Hollande. Il se trompe néanmoins sur un point : beaucoup d’électeurs de gauche ne croient pas que le président obtiendra un second mandat. Ils sont convaincus que le second tour opposera Marine Le Pen au candidat de la droite et, dans ces conditions, ils préfèrent Juppé à Sarkozy.

Les primaires compliquent le jeu.

Les enquêtes d’opinion ont montré à plusieurs reprises que les électeurs ont leur propre idée du match final. Ils ne veulent ni de François Hollande ni de Nicolas Sarkozy. Ce souhait est-il assez fort pour les inciter à participer à toutes les primaires, seul moyen d’écarter les candidats qu’ils récusent ? Ce qui est sûr, c’est que les primaires, finalement adoptées par tous les partis ou presque, introduisent dans le processus démocratique une complication supplémentaire. On l’a vu aux États-Unis où Donald Trump, contre toute attente, a été investi par le parti républicain alors qu’il n’était pas le candidat le plus éligible. Certes, il peut encore l’emporter, mais seulement s’il parvient à discréditer sa rivale, ce qu’il s’efforce de faire avec une obstination qui se nourrit des méthodes les plus contestables. Des primaires « fermées », c’est-à-dire limitées aux militants et sympathisants, favoriseraient peut-être les candidatures de M. Hollande et de M. Sarkozy. Des primaires « ouvertes » feraient l’affaire d’Alain Juppé, et, à gauche, des challengers de M. Hollande.

L’abandon des dogmes.

Cependant, les primaires n’empêcheront pas des candidats, déclarés, comme Jean-Luc Mélenchon, ou potentiels, comme Emmanuel Macron, de participer à l’élection présidentielle. Leurs scores dans les sondages indiquent qu’ils peuvent changer la donne et font donc peser une sérieuse incertitude sur l’issue du second tour. Pour autant, ni l’un ni l’autre ne sont classés à droite et ils rassembleront des suffrages sur leur seul nom, bien plus que sur leur programme, comme semble le penser M. Macron, dont on peut croire tout de même qu’il mordrait sur l’électorat de M. Juppé. Au moment où les Français souhaitent des changements en profondeur, et réclament parfois une réforme constitutionnelle, l’homme qui répond le mieux à cette exigence, c’est l’ancien ministre de l’Économie, bien plus que les Mélenchon, Montebourg, Hamon, Duflot qui, tous, se réclament d’une idéologie spécifique, connue, déjà expérimentée alors que M. Macron, même s’il n’a encore rien prouvé, propose de faire sauter les verrous de la société française, d’en finir avec les tabous et d’essayer enfin les techniques que nous nous sommes interdites sous le prétexte qu’elles ne correspondent pas à la sagesse conventionnelle.
C’est le mélange des idées, ou l’abandon des dogmes d’où qu’ils viennent, que les Français demandent aux candidats. Je dirais que le prochain président sera élu sur cette base si je ne devinais que la force d’inertie de la société ne mettra pas au pouvoir un révolutionnaire.

RICHARD LISCIA

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