Trump achève le climat

Fidèle à lui-même
(Photo AFP)

La décision de Donald Trump de sortir son pays de l’accord mondial de lutte contre le réchauffement climatique a été accueillie par la consternation dans le monde entier. Elle était pourtant prévisible.

LE PRESIDENT américain était guidé par un seul mobile : tout ce qu’il a dit et promis pendant sa campagne est rudement mis en question par les gouvernements étrangers, tout ce qu’il représente est rejeté par ses amis et adversaires là où il va les voir, et, s’il avait dû céder à leurs demandes, il aurait été « normalisé » et commencerait à ressembler à l’un de ses prédécesseurs. Or il a fait de l’originalité de son caractère sa marque de fabrique et il n’y aurait pas renoncé sans perdre un plaisir de gouverner qui, d’échec en échec, tend à disparaître. Jamais il ne s’est si bien retrouvé que dans cette énorme provocation à l’égard de tous les chefs d’État ou de gouvernement, jamais la négation et la contestation ne lui ont paru aussi légers, gratifiants et voluptueux, jamais il n’a autant exprimé sa force personnelle dans cet acte de barbarie à l’égard du climat.

Tordre la vérité.

L’absence américaine de l’accord international sera encore plus compliquée à gérer que sa présence. Avec une inconséquence de république bananière, M. Trump ne cherche même pas à calculer les retombées extrêmement nuisibles, sur les plans climatique, diplomatique et économique, d’une décision dont il sait au fond de lui-même qu’elle est délétère. Il a fallu qu’il torde la vérité comme un torchon à essorer pour donner un semblant de logique à cet incroyable recul historique. Et sa responsabilité devant l’histoire est tellement grande qu’il a peut-être signé son arrêt de mort politique.
En effet, la moitié des Etats américains sont engagés dans une politique environnementale exigeante qu’ils ne voudront pas renverser et les premières réactions des hommes politiques, des hommes d’affaires et de la population en général montrent que les investissements dans les énergies propres seront maintenus. Ensuite, M. Trump ne peut pas partir en claquant la porte, il est tenu par les termes de l’accord d’appliquer une procédure qui court jusqu’en 2020, date à laquelle il risque de ne pas être réélu. Enfin, ses démêlés avec le FBI peuvent fragiliser sa position et l’isoler encore plus. M. Trump encouragera certainement les industries les plus réfractaires aux préoccupations écologiques à polluer à tout-va, il ordonnera la construction de pipe-lines reliant les sables bitumineux du Canada aux ports de Louisiane et il ne s’opposera guère aux agressions contre l’environnement.

Un président marginalisé.

Mais il sera mis en minorité, pour se pas dire marginalisé, par la Chine, qui va logiquement acquérir le leadership de la lutte en faveur de l’environnement, par les milieux d’affaires américains dont il prétend servir les intérêts, par une justice qui lui est de plus en plus hostile, par une presse qui ne cache pas l’hostilité qu’il lui inspire, et même par un Congrès à majorité républicaine qui ne supporte plus ses foucades, ses extravagances sémantiques et ses comportements ubuesques.
Le voyage que Trump vient de faire au Proche-Orient et en Europe était censé lui donner, enfin !, la patine d’un chef d’Etat. Il a été bien accueilli, il a consenti à discuter, même s’il a fait de bien rares concessions. A son retour, il a éprouvé une sorte de libération, comme un homme engoncé dans un costume trop ajusté qu’il ôte avec soulagement. Seul à la Maison Blanche, le voilà soudain en mesure de dire leur fait à des « partenaires » étrangers qu’il n’a pas choisis et auxquels il préfèrerait des potentats affranchis de toute contrainte démocratique. Le voilà libre de proférer ces mensonges et ces justifications fallacieuses qui plaisent tant à son électorat. Le voilà livré à lui-même, comme un lion qui a fui le cirque et attaque les passants. Le coup du climat, c’est du pur Trump. Il lui importe davantage de rester lui-même que de rester président.

RICHARD LISCIA

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