Réforme et impopularité

Un Macron moins persuasif
(Photo AFP)

On a fait grand cas de la baisse de popularité du président de la République et du Premier ministre. Ils ont certes commis des erreurs tactiques, mais ils ne sauraient engager des réformes structurelles sans en payer le prix dans les sondages.

LE GOUVERNEMENT a décidé de baisser l’aide au logement (APL) de 5 euros par mois. L’APL est versée à 6,5 millions de foyers. Il est toujours licite de dire que 5 euros, pour des ménages qui ne parviennent pas à joindre les deux bouts, c’est trop. Mais, d’une part, l’aide au logement produit des effets pervers, notamment en favorisant la hausse des prix, de sorte qu’une partie de l’APL va dans la poche du propriétaire plutôt que dans celle du locataire. D’autre part, la somme de 5 euros peut être considérée comme la contribution que l’on peut demander à tout foyer, de la même manière que l’exonération de l’impôt sur le revenu (IR) concerne 6 ménages sur 10, ce qui concentre le paiement de l’IR sur un nombre toujours moins élevé de familles, alors que même un paiement symbolique, y compris par les plus pauvres, les inclurait dans les efforts de la collectivité nationale.

Budget militaire : Macron tente l’apaisement.

On connaît la contre-analyse : tout le monde paie l’IR par le biais de la CSG. C’est absolument vrai. Mais elle est devenue une machine à broyer la classe moyenne. On la juge juste parce qu’elle s’applique à tous les revenus ; en réalité, ses hausses successives l’ont rendue injuste. Le gouvernement n’est pas toujours bien inspiré dans sa chasse aux recettes et il a certainement commis une erreur en s’en prenant au budget de la Défense. C’est si vrai que Florence Parly, ministre des Armées, a annoncé pendant le week end qu’elle débloquait 1,2 milliard en faveur de la Défense. Ce geste montre que le chef de l’État, conscient d’avoir provoqué une crise inutile avec nos militaires, essaie maintenant par tous les moyens de rattraper le coup. Il n’empêche qu’il n’y aura pas de miracle : les dépenses publiques doivent être réduites et, si on veut les réduire, on ne peut qu’exiger des sacrifices. Or, dès que le gouvernement touche à une niche fiscale ou à un avantage acquis, il est certain de déclencher une levée de boucliers, comme cela a été le cas avec l’APL qui a servi de détonateur à une explosion de critiques et condamnations, ponctuée par les soupirs et les larmes qu’une telle injustice doit évidemment entraîner. Ce qui montre que, quel que soit le secteur choisi, la moindre mesure entraîne une crise collective d’épilepsie.

Les oppositions vent debout.

Un récent sondage montre que la popularité d’Emmanuel Macron est en berne (moins dix points, de 56 à 46 %), de même que celle d’Édouard Philippe. Ce qui est largement souligné par les médias dont on ne sait s’ils lui accordent trop d’importance ou s’en réjouissent. Dans le monde politique, toutes les oppositions sont vent debout, la droite, la gauche, l’extrême droite, l’extrême gauche et même les militants (sinon les élus) de la République en marche, qui ne sont contents ni de la loi de moralisation de la vie publique ni de la loi travail. Les « marcheurs » ont quelques bonnes raisons de ne pas aimer la façon dont le pouvoir exige d’eux une discipline absolue qui nuit à leur libre-arbitre. Ils veulent pouvoir choisir entre les diverses dispositions annoncées par le gouvernement. Ils oublient un peu vite qui les a faits rois. D’autres contestations, venues de l’opposition, (par exemple, le refus de voter la suppression de la réserve parlementaire, privilège féodal qui coûte cher au pays) ne sont pas marquées au coin du bon sens. En période de vaches maigres, il n’y a pas de petites économies, de même que moraliser n’est pas passer des compromis avec des élus qui n’ont toujours pas compris que la France a le choix entre le changement et la stagnation.
Le chef de l’État est capable de céder parfois devant une colère populaire justifiée, comme il vient de le montrer avec le budget militaire. Il est donc impératif qu’il se donne le temps de la réflexion sur une méthode de gouvernement qui indigne ses partisans les plus fidèles. Il n’empêche qu’il a été capable en deux mois de lancer deux très grandes réformes, chantiers amorcés mais encore inachevés, et qu’il a su se montrer intraitable sur la nécessité de réduire la dépense publique pour ne pas devoir augmenter les impôts au delà de sa hausse de la CSG. La moitié de la population est hostile aux réformes, même si elles représentent notre ultime planche de salut. L’électorat, en mai et en juin, aurait pu faire un autre choix, essayer une autre forme de gouvernance, prendre des risques immenses avec la stabilité politique, financière et monétaire. Il a préféré Macron. Deux mois, c’est un peu trop tôt pour porter un jugement.

RICHARD LISCIA

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7 réponses à Réforme et impopularité

  1. Michel de Guibert dit :

    « Il faut prendre l’argent là où il se trouve, c’est-à-dire chez les pauvres. Bon d’accord, ils n’ont pas beaucoup d’argent, mais il y a beaucoup de pauvres. »
    Alphonse Allais

  2. Num dit :

    M. Castaner, qui en ajoute une couche vendredi dernier, c’est pour le moins indigne et ça met de l’huile sur le feu. On voit bien que même si on nous promet une nouvelle façon de gouverner – moins sectaire, plus pragmatique, les vieux réflexes politiciens reprennent le dessus.
    Macron ferait mieux de se concentrer sur les réformes prioritaires (droit du travail, fiscalité, institutions) plutôt que perdre son crédit dans des démonstrations d’autorité inutiles qui le desservent et vont finir par impacter sa capacité à mener à bien ces réformes indispensables pour la France.

  3. VJ dit :

    Qu’est-ce que 5 euros, même pas un paquet de cigarettes par mois ? La dégringolade serait plutôt le fait des promesses vite reportées, c.a.d. à oublier, comme la suppression de la taxe d’habitation (par ailleurs en double-emploi avec la taxe foncière) que tous attendaient. On aurait pu s’éviter aussi la mascarade de la promenade militaire, puisque nos bidasses vont finalement toucher 50 % de plus que ce qu’on voulait leur sucrer, un chef décapité au passage.

  4. Cassandre dit :

    En réalité, 1,2 milliard n’a pas été débloqué. Le gouvernement précédent avait gelé 1 milliard 9 sur le budget 2017 de l’armée de façon à le distribuer plus tard au cours de l’année. Florence Parly a simplement « dégelé » 1,2 milliard sur un budget qui avait été accordé à l’armée. Au total il manque toijours 850 millions d’euros amputés par M. Darmanin à nos militaires, ou plus égoïstement à notre défense, plus 700 millions, reliquat encore gelé. Ce qui nous amène à la modique somme de 1 milliard et 550 millions.
    Un militaire sans matériel, c’est comme un chirurgien sans instruments.

  5. Yvon Aerdeman dit :

    On oublie un peu vite que, pendant qu’il retire 5 euros aux plus démunis, il exonère l’ISF pour bon nombre de nantis ?
    Est-ce là la justice qu’il convient d’appliquer au redressement des finances publiques ?

  6. JB7 dit :

    Merci d’avoir osé dire que l’APL favorisait la hausse des prix des loyers, c’est malheureusement totalement exact. Le directeur d’une agence immobilière m’avait tenu les mêmes propos, lors de la signature du contrat de location d’un studio pour ma fille étudiante.
    Bien entendu, on va monter en épingle les quelques cas douloureux de personnes ayant des difficultés (ou l’impossibilité) à trouver ces cinq euros. Mais pour les étudiants, c’est 2 à 3 soirées de baby-sitting par an, ou quelques convoyages de voiture (pour Avis, Europcar, Hertz, etc), ou quelques heures de ménage (ou de repassage) par an. Pour les personnes au RSA, c’est moins qu’un paquet de cigarettes, moins que l’abonnement mensuel du téléphone portable de chaque enfant. Enfin, il y a souvent moyen de réduire la facture d’eau ou d’électricité. Après, il restera toujours quelques cas tragiques, mais quand même moins tragiques que celui des agriculteurs qui travaillent 90 heures par semaine, n’arrivent pas à joindre les deux bouts et se suicident.

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