Prisons : question d’argent

Nicole Belloubet
(Photo AFP)

La crise des prisons se prolonge dangereusement, soit parce que le gouvernement ne prend pas la mesure de la colère des gardiens, soit parce que, s’il leur donne satisfaction, il va se retrouver avec une dépense énorme, et qu’il n’a pas prévue.

ON SAIT TOUT sur les prisons. Depuis que Valéry Giscard d’Estaing a déclaré solennellement il y a une quarantaine d’années que « la peine, c’est uniquement la détention », on a vu le système carcéral français se dégrader, puis devenir, dans certains cas, parfaitement immonde, infesté de rats et d’insectes, congestionné par l’entassement des détenus, au bord de l’explosion. Les prisonniers constatent que la peine, c’est bien sûr le manque d’hygiène, le manque de respect, le manque d’un minimum vital de confort ; les gardiens sont confrontés à un enfer quotidien et subissent en partie les conditions iniques faites à ceux qu’ils surveillent. Un scandale sur lequel l’opinion, qui se moque un peu du sort des repris de justice, a jeté un voile.

Une indignité nationale.

Les surveillants ont lancé l’alarme à plusieurs reprises. La dégradation des conditions de vie dans nos prisons a été lente mais sûre. Elle traduit une indignité nationale qui ne soulève que l’indifférence. C’est une crise qui, depuis très longtemps, mérite un  effort financier considérable, la construction de prisons neuves et fonctionnelles, la rénovation des anciennes, et surtout un peuplement raisonnable des cellules où il n’est pas rare, aujourd’hui, que des détenus dorment sur des matelas ou qu’ils se retrouvent à plusieurs dans une boîte à sardines. Il ne s’agit pas de traiter la détention par l’angélisme : si les doléances des prisonniers sont justifiées, la violence qui en découle ne l’est pas. En outre, mettre dans les mêmes prisons détenus de droit commun et anciens djihadistes décidés à faire le mal quoi qu’il leur en coûte, est une mauvaise idée. On a tenté de séparer les terroristes islamistes des autres, on a renoncé à l’expérience. Le terrorisme reste en France un sujet grave, qu’il faut traiter d’une manière spécifique. On ne le combattra pas en laissant les djihadistes contaminer les prisonniers qui ne sont pas concernés par l’islamisme.

Belloubet dans la nasse.

Le résultat est que la prison est devenue le lieu géométrique de tous les immondices du monde, de toutes les violences, de tous les dangers. Et que ceux des condamnés qui souhaiteraient purger leur peine pour repartir d’un bon pied et se réinsérer dans la société deviennent souvent des criminels endurcis qui, n’ayant plus aucun espoir, sont prêts à commettre de nouveaux méfaits. Le gouvernement actuel n’est que l’héritier de quatre décennies de descente aux abîmes, alors que nos voisins européens ont compris, eux, que la détention n’empêche pas d’accorder aux détenus le droit d’avoir une vie saine favorisant  leur retour dans la vie civile. Bien entendu, ce qui manque, c’est le nerf de la guerre et, si la ministre de la Justice, Nicole Belloubet, refuse de céder aux revendications des gardiens, c’est parce qu’elle fait son travail sous l’oeil vigilant de Bercy. Si elle énonçait des promesses coûteuses, elle serait aussitôt rabrouée par le Premier ministre, à la suite de quelques grognements du ministre de l’Economie. Mme Belloubet a un budget, mais la crise des prisons se présente aujourd’hui comme un problème politique qui nécessite une augmentation, probablement considérable, de son enveloppe budgétaire.

Les gardiens de prison sont les mieux placés pour dire ce qui se passe dans cette zone de non-droit que sont devenus certains pénitenciers, et pour proposer des solutions susceptibles d’apaiser des détenus dont le comportement est souvent de type insurrectionnel. La crise est d’autant plus grave que la violence entraîne la violence et que, face à une émeute éventuelle, les pouvoirs publics n’auront pas d’autre choix que de réprimer. Ils doivent se souvenir que la peine de mort a été abolie en France et qu’une riposte ferme risque de faire des morts et des blessés.

RICHARD LISCIA

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Une réponse à Prisons : question d’argent

  1. Atarax dit :

    Un article parfaitement documenté sur l’enfer des prisons. Les conditions de détention sont intolérables, et les gardiens ne sont ni écoutés, ni payés correctement, ni considérés, ce qui est tout aussi indigne d’un pays qui « respecte les droits de l’homme » et qui laisse s’installer une telle incurie.

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