Délire médiatique

Castaner et Bas
(Photo AFP)

La journée politique d’hier aura été tout ce qu’il ne faut pas faire dans le domaine de l’information instantanée. L’actualité politique devrait suffire.  La distorsion dans la hiérarchie des informations devient absurde et ridicule. 

LE RÔLE d’Alexandre Benalla dans les fonctions qu’il a exercées à l’Élysée est un sujet politique nourri par les fautes qu’il a commises, précisément à propos de l’interprétation qu’il a accordé souverainement, sans consulter ses supérieurs, à ce rôle. Jamais, cependant, aucune autorité législative ou exécutive de l’État n’a dit ou laissé entendre qu’Emmanuel Macron lui avait ordonné ou suggéré d’aller sur la place de la Contrescarpe tabasser des manifestants. Il ne fait plus aucun doute, enquête judiciaire ou pas, enquêtes parlementaires ou pas, que le chef de l’État a été séduit par l’immense disponibilité et par le dévouement de M. Benalla, que celui-ci a été gagné par l’ivresse de son étroite proximité avec le pouvoir, qu’il a pu croire, dans l’hubris qui l’a gagné, que rien ne lui était interdit, qu’il était autorisé à s’imposer dans tous les milieux politiques et policiers, et qu’il pouvait laisser libre cours à ses penchants, notamment l’expérience de la castagne dans les manifestations. Les actes qu’il a commis n’ont cependant fait ni mort ni blessé et ils ne mettent pas en cause le président lui-même, qui s’attache en ce moment à réorganiser les services de l’Élysée.

Préoccupation maladive.

Ce qui veut dire très clairement que les questions de la presse et celles des oppositions font partie intégrante de la dialectique politique, qu’elles ont été utiles. Mais aussi que toute enquête, de quelque autorité qu’elle vienne, doit avoir un objectif clair. Au lieu de quoi nous avons eu droit à un spectacle de cirque invraisemblable, avec des journalistes levés à 5 heures du matin et faisant le pied de grue devant le Sénat, et presque 24 heures d’affilée consacrées à Benalla, sa vie, son œuvre. Le passé de ce jeune homme dont on pensera ce que l’on veut mais qui se défend fort bien quand il est cerné par les projecteurs des médias, a été épluché, son parcours recomposé heure par heure, son éducation, son comportement, les vidéos innombrables que l’on ne cesse de diffuser et montrent une certain tendance à l’autoritarisme soutenu par la force physique, tout cela conduit à faire de cette personne la seule préoccupation du pays, ce qui est excessif et même maladif. Alors, pourquoi ce déploiement tous azimuts de l’information, sinon pour tenter d’associer Emmanuel Macron à Alexandre Benalla et tenter d’en faire le couple infernal qui accroîtrait encore la méfiance des Français à l’égard du président qu’ils ont élu ? L’excellent Philippe Bas, président de la commission d’enquête sénatoriale, un modèle de discrétion, de calme et de modestie, n’a pas pu nier qu’en dehors de la fameuse « recherche de la vérité », il ne savait pas très bien à quoi avait servi la séquence d’hier. Mais il propose une solution : d’enquêter davantage et, peut-être, de réinterroger Benalla.

Et la justice, alors ?

Le pouvoir, la semaine dernière, avait eu le pressentiment de ce qui allait se produire le 19 septembre et, en prononçant le mot de destitution, Christophe Castaner a tenté de déminer l’opération des sénateurs  pour obtenir en fait l’inverse de ce qu’il recherchait. Quand on lui parle de destitution, M. Bas lève les bras au ciel : a-t-il jamais prononcé ce terme ? Non, bien sûr. Mais alors ne peut-on pas soupçonner la commission sénatoriale d’hypocrisie, quand elle déclenche un tel spectacle qui laisse bouche bée nos voisins étrangers, plongés dans une durable perplexité par cette séquence d’ivrognerie nationale, mais qu’importe le vin, n’est-ce pas ?  La vérité est la suivante : le Sénat a plus de succès dans l’affaire que l’Assemblée parce qu’il est dominé par les Républicains. Il existe une lutte entre le RN, LFI et LR pour le titre de premier opposant au pouvoir et les sénateurs espèrent obtenir ce trophée. Ce qui ne nous dit rien de ce que LR ferait s’il accédait au pouvoir, rien de son programme, rien d’une triste réalité, à savoir que la droite est au moins aussi divisée que la gauche, aussi incapable d’exposer un projet gouvernemental qui ait la moindre signification. La gestion du pays par M. Macron mérite, assurément, d’être décortiquée et critiquée. Le débat doit avoir lieu sur tous les aspects de la politique économique, intérieure et étrangère. Ce n’est pas ce à quoi nous assistons. Nous assistons à un usage des institutions, certes parfaitement légitime, mais dévoyé par les réseaux sociaux et par des médias plus soucieux de révéler un faux scandale que d’exposer aux spectateurs et auditeurs la réalité sociale du pays.

Zones d’ombre, aires obscures que la lumière sénatoriale ne parvient pas à éclairer. Mais la justice traite l’affaire, que diable ! Nous finirons par tout savoir, pour autant que nous devions être intéressés.

RICHARD LISCIA

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Une réponse à Délire médiatique

  1. Michel de Guibert dit :

    Je dois dire qu’Alexandre Benalla a fait preuve d’une grande maîtrise et d’une grande honnêteté devant la commission du Sénat.
    On aurait aimé qu’il en aille de même chez les politiques et porte-parole de l’Elysée.

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