Les embardées de l’exécutif

Gérard Collomb
(Photo AFP)

Le ministre de l’Intérieur, Gérard Collomb,  souhaitait démissionner de ses fonctions pour se consacrer à la mairie de Lyon, et donc aux élections municipales de 2020. Il a d’abord annoncé son départ prochain, dans « l’Express » du 19 septembre, puis a décidé de partir immédiatement, ce qu’Emmanuel Macron a refusé, puis il a maintenu sa démission dans un entretien avec « le Figaro » de ce matin. Une séquence incohérente.

M. COLLOMB n’a respecté aucune règle. Un ministre n’annonce pas sa démission, il attend que l’Elysée ou Matignon en parlent publiquement. Un ministre, surtout un ministre d’Etat occupant un poste régalien, ne part pas à sa convenance. Il a d’abord pensé qu’il pouvait se maintenir place Beauvau pendant quelques mois, puis, face aux critiques, toujours plus nombreuses et virulentes dans la classe politique, il a exprimé le désir d’en finir très vite. Sûr de lui, comme à son habitude, Emmanuel Macron l’a convaincu lundi de rester au gouvernement. M. Collomb n’avait pas plus tôt terminé sa conversation avec le chef de l’Etat qu’il annonçait au « Figaro » qu’il maintenait sa démission.

Coups de boutoir.

Dans cette affaire, encore une, les coups de théâtre ont été multiples, mais c’étaient autant de coups de boutoir portés à la cohésion gouvernementale et au fonctionnement de l’exécutif. De bout en bout de cette surprenante histoire, l’ancien ministre de l’Intérieur s’est conduit avec un mépris absolu de la hiérarchie. Il a bafoué les règles constitutionnelles qui régissent l’action politique en France. Il a traité les fonctions élevées à lui octroyées par le président de la République et par le Premier ministre avec une désinvolture telle qu’on en vient à se demander s’il a compris qu’il était le chef de la police et de la sécurité nationale.

Il existe, à n’en pas douter, une explication à son comportement. Il a très mal vécu  l’affaire Benalla et il en est la victime collatérale. Mais il est le seul responsable de ce qui lui arrive. Devant les commissions parlementaires, il a prétendu qu’il connaissait à peine Alexandre Benalla et qu’il n’a jamais su vraiment le rôle qu’il jouait. Ses explications embarrassées et hésitantes ont donné aux députés et sénateurs l’impression  qu’il leur cachait une partie de la vérité. Une telle impréparation à des auditions annoncées bruyamment rend perplexe : M. Collomb est-il un amateur qui, en dépit d’une longue carrière politique qui l’a conduit au cœur de l’exécutif, n’avait pas les compétences requises pour sa tâche ? Croyait-il, du haut de son âge et de son expérience, pouvoir enfumer ses interlocuteurs à sa guise ? Toujours est-il qu’il n’a pas accepté, et c’est là que le bât blesse, les commentaires qui remettaient en cause son habileté et son jugement.

Lâché par le pouvoir ?

M. Collomb est donc celui, au gouvernement, qui, à ce jour, a le plus souffert de l’affaire Benalla. Il a cru comprendre, dans l’évolution négative de cette crise, qu’il était lâché par le pouvoir au moment précis où il commençait à prononcer de petites phrases qui égratignaient Emmanuel Macron. L’effondrement de sa loyauté à l’égard du président est une sorte de tempête dans un crâne. M. Collomb vient du parti socialiste, il a cru en la candidature de M. Macron et il a été son premier grognard, l’homme, peut-être, qui a le plus fait pour que le jeune ancien ministre de l’Economie fût élu président de la République. Il a pleuré en public le jour de l’investiture de Macron.

Que, brusquement, en tout cas en quelques semaines, il ait conçu une telle aversion pour le métier qu’il exerçait, qu’il ait pris ses distances avec le président, qu’il ait organisé son départ au mépris des convenances et des dispositions constitutionnelles, que sur la forme et le fond de sa démission, il ait changé d’avis trois ou quatre fois, qu’il ait fait de son entêtement une crise politique, que son arrogance personnelle, ses propres désirs, sa volonté farouche de ne faire ce qui lui plaît sans tenir compte de sa relation avec le président et le Premier ministre, aient vaincu les pressions exercées sur lui par le chef de l’Etat, rien de tout cela n’est acceptable ou même compréhensible. Il y avait évidemment une manière infiniment plus discrète de quitter le gouvernement.

Macron et Philippe pas d’accord.

D’autant que les modalités invraisemblables de cette démission cachent, pour la première fois, une querelle au sein de l’exécutif. Edouard Philippe, qui occupe aujourd’hui les fonctions de ministre de l’Intérieur par intérim, estimait que les déclarations à « l’Express » de M. Collomb devaient se traduire par un départ immédiat. M. Macron n’a pas voulu que, après Nicolas Hulot et Laura Flessel, un troisième ministre, et pas des moindres, claque la porte. Une fois de plus ou de trop, il a cru à son pouvoir de persuasion, il s’est trompé, preuve qu’il ne connaissait pas Gérard Collomb aussi bien qu’il le croyait. Alors, bien sûr, après Benalla, après Hulot, le désordre réapparaît. En fait, il est apparu si souvent depuis la rentrée que l’opposition n’a pas besoin d’un porte-voix pour clamer son indignation. Il est vrai que M. Collomb a agi comme s’il se moquait de son travail, donc de la sécurité des Français. Il est vrai que sa maladresse n’a pas de limites. Il est vrai que l’on se demande aujourd’hui s’il était taillé pour le job. Je ne vois qu’un espoir : la reprise en main rapide et efficace de l’exécutif par le Premier ministre.

RICHARD LISCIA

Ce contenu a été publié dans Non classé. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

7 réponses à Les embardées de l’exécutif

  1. Scalex dit :

    Une fois de plus, je suis entièrement d’accord avec vous. Gérard Collomb est tombé de son piédestal. Il avait fait certains commentaires négatifs sur Emmanuel Macron. Mais finalement, c’est lui qui a manqué de modestie et d’humilité.

  2. Andrè Mamou dit :

    Gérard Collomb doit son fauteuil de maire de Lyon à Raymond Barre qui le trouvait d’un plus haut niveau que les représentants de la droite lyonnaise. Il doit son poste de ministre de l’ Intérieur à Emmanuel Macron qu’il a aidé à se hisser au pouvoir. Mais la façon dont il s’est conduit depuis l’épisode Benalla démontre qu’il n’a pas la carrure d’un homme d’Etat . Affolement, trouille et lâcheté … consternant ! Il faudrait que les Lyonnais le renvoient dans ses foyers.

  3. claude ostré dit :

    On peut quand même se poser des questions sur les relations du président qui finit par se faire lâcher par ses plus proches et peut-être bientôt par tous les Français.
    Réponse
    Certainement, mais en 2022.
    R.L.

  4. vultaggio-lucas dit :

    La dernière « proposition de démission » de M. Collomb a été exaucée. La majorité des médias considère cette démission comme une trahison et les jugements négatifs en tout genre à son endroit, ne cessent de tomber. Mais ne serait-il pas possible que, compte tenu de certains de ses propos et de toutes les « péripéties » survenues depuis trois mois, cette démission ne soit pas une trahison, mais une fuite ? La fuite d’un homme qui reproche, en y mettant les formes, la mégalomanie ou « l’hubris » de l’Autre, donc son total manque d’humilité que M. Collomb généralise malgré tout à l’ensemble de l’exécutif. De la part d’un homme mûr, cette démission/fuite, après trois années d’une relation des plus « amicales » ou « filiales », n’est pas anodine et ne ressemble pas à celle de l’ex-ministre des sports, par exemple, ni à celle de M. Chevènement en son temps.

  5. Jacques T dit :

    Lyon est une ville plutôt fidèle, Gérard Collomb a donc de fortes chances d’être à nouveau élu maire de Lyon. Mais, le comportement du ministre de l’Intérieur me scandalise et comme vous le dites, il se moque de la sécurité des Français ! En revanche, le Premier ministre a fait preuve d’une excellente stratégie en reprenant lui-même le poste de ministre de l’Intérieur.

  6. Picot François dit :

    M. Collomb ne veut sans doute pas être impliqué davantage dans cette scandaleuse saga de M. Macron. Il quitte peut-être le navire parce qu’il s’est peut être rendu compte, comme Nicolas Hulot, qu’on ne lui laissait pas faire ce qu’il voulait. Ou alors, oui, il a reculé devant l’ampleur de la tâche.

    Réponse
    Pures hypothèses sur une affaire qui n’est pas scandaleuse.
    R.L.

  7. chretien dit :

    Je suis toujours admiratif par votre art de la dissection des faits et gestes de chacun et par votre façon de passer au crible de votre sagacité les événements.
    J’ai une autre interprétation qui n’excuse pas le comportement de Gérard Collomb d’autant plus qu’il aurait déclaré qu’il ne voulait pas se présenter sous l’étiquette d’En marche aux prochaines élections, lui le premier grognard de ce mouvement.
    Devant la situation explosive à venir des banlieues (drogue, règlements de compte, et islamisme) il n’a pas voulu assumer sa fonction craignant le pire dans les mois et années à venir. Plus trivialement il souhaitait dormir tranquille et ne pas être « sur le pont » toutes les nuits !

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.