Terrorisme à Strasbourg

Policiers français et allemands
(Photo AFP)

Préoccupée par ses conflits sociaux, la France avait très momentanément oublié le terrorisme. Il a de nouveau frappé hier soir près du marché de Noël à Strasbourg. Il n’a pas entraîné le mouvement de solidarité nationale que l’on pouvait espérer.

UN HOMME de 29 ans, Chérif C., né à Strasbourg, connu des services de police, repris de justice pour 27 délits de droit commun et fiché S, a tiré sur la foule avec une arme de poing, faisant trois morts et treize blessés, dont huit en urgence absolue. Le marché de Noël de Strasbourg a souvent été identifié comme une cible vulnérable. Il a lieu chaque année et fait l’objet d’une surveillance exceptionnelle qui n’a pas empêché l’attentat d’hier soir. Le matin même, des policiers s’étaient rendus chez l’individu pour l’arrêter. Il devait répondre, en effet, de faits de braquage et de tentative d’homicide, mais son appartement était vide. On y a trouvé des armes et une grenade. Le soir, il a tiré sur des patrouilles de sécurité, mais toutes ses victimes étaient des civils. Une chasse à l’homme a été lancée et l’assassin s’est retrouvé nez-à-nez avec les forces de l’ordre. Il a pu fuir au terme d’un échange de coups de feu. Une balle l’a blessé au bras. Le secrétaire d’Etat à l’intérieur, Laurent Nunez, pense qu’il a pu passer la frontière et se trouver maintenant en Allemagne.

Neutraliser l’assassin.

Le maire de Strasbourg, Roland Ries, annonce une journée de deuil à Strasbourg et refuse d’entrer dans la polémique permanente sur les fichés S, que la droite et le Rassemblement national n’ont pas hésité à ranimer dès hier soir, reprochant au gouvernement de ne pas avoir jeté l’assassin en prison préventivement et exigeant que tous les fichés S soient parqués dans des centre de rétention. M. Nunez, pour sa part, estime que les motivations terroristes ne sont pas certaines et qu’il n’était connu que pour des crimes et délits de droit commun. Mais il n’y a personne qui ressemble plus à un terroriste qu’un homme qui tire à l’aveugle dans la foule et il n’est pas impossible que, traqué par nos services de sécurité, il ait décidé de passer à l’acte pour se venger de la justice française. Bien entendu, la première chose à faire est de l’arrêter, donc de le neutraliser définitivement. S’il est en Allemagne, nos voisins d’outre-Rhin feront de leur mieux pour le capturer.

Il s’agit aussi de nos libertés.

Quant à savoir s’il était possible d’agir préventivement, la réponse est affirmative. Les policiers ne se doutaient pas qu’il avait décidé de passer au terrorisme et seule la malchance les a empêchés de s’emparer de lui avant l’attentat. Quant au sempiternel débat sur les fichés S, le public sait maintenant qu’il s’agit d’un classement destiné à concentrer la surveillance sur certains individus plutôt que d’autres, mais pas d’un moyen de répression. Quelque dix à quinze mille personnes sont classés S, mais il est impossible de les considérer toutes comme des criminels, d’autant que la plupart d’entre elles sont radicalisées mais n’ont pas enfreint la loi.

Ce nouvel acte grave de terrorisme endeuille le pays tout entier et rappelle que nous n’en avons pas fini avec la menace qui pèse sur la cohésion de notre société et sur nos institutions. Aussi bien les partis politiques auraient-ils pu prendre le temps du deuil au lieu d’instrumentaliser l’attentat à des fins politiciennes. Il ne sert à  rien de réclamer un surcroît de sécurité dans un contexte de vigilance absolue. L’état d’urgence, exigé notamment par la droite et l’extrême droite lors des manifestations de gilets jaunes n’aurait pas empêché les destructions auxquelles les casseurs se sont livrés. On ne peut pas non plus transformer le pays en un immense camp de concentration. Il ne s’agit pas seulement de sécurité, il s’agit de nos libertés que la crainte du terrorisme a déjà sensiblement limitées.

Enfin, ce n’est pas faire un amalgame que de remettre la crise des gilets jaunes dans le contexte terroriste. Contraintes de surveiller tous les fronts, nos forces de sécurité sont épuisées. Ajouter le maintien de l’ordre dans les manifestations et sur les barrages à une guerre sans merci contre le terrorisme, c’est faire bon marché de l’intérêt national.

RICHARD LISCIA

 

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8 réponses à Terrorisme à Strasbourg

  1. admin dit :

    LL (USA) dit :
    La France somnambule se trompe d’ennemi. Le monde a déjà changé autour d’elle, ce n’est pas la faute des gouvernements qui se succèdent (avec plus ou moins de compétence). Le terrorisme est une réaction directe au changement : il est, à sa manière, un refus schizophrène de l’économie globale, des droits de la personne, du désastre écologique planétaire ; un déni encore plus profond et violent que celui des gilets jaunes, des lepénistes et mélenchonnistes assortis. Nous vivons partout à l’ère du déni, parce que la réalité paraît insoutenable. Ce qui est inquiétant, c’est que personne ne sait trouver le ton pour permettre aux populations de gérer l’inévitable réalité avec lucidité.

  2. Michel de Guibert dit :

    La frontière est étroite et poreuse entre la délinquance et le terrorisme islamiste.

  3. Gérard dit :

    27 délits de droit commun et donc autant d’interpellations, d’arrestations et de détentions sans efficacité. La dérive de ce chien fou de la petite délinquance secondairement radicalisé en prison pose en premier lieu la question de l’inefficacité de notre politique pénitentiaire.
    La prison devrait être un lieu de punition, certes, mais aussi un tremplin pour un nouveau départ pour ces jeunes paumés, sans repères ni gardes-fous.
    Aider et accompagner les parents,définir un contrat de formation et d’accompagnement à la sortie d’incarcération doivent être les nouvelles priorités. Les moyens financiers doivent suivre. Il y a, malheureusement, urgence vitale.
    Réponse
    Entièrement d’accord : les décisions de justice sont trop clémentes.
    R.L.

    • Michel de Guibert dit :

      Certes, les décisions de justice sont souvent trop clémentes, notamment à mon sens les sanctions primaires lors des premiers délits dont la légèreté génère un sentiment d’impunité, mais ce que dit Gérard c’est aussi l’insuffisance criante de la politique de réinsertion au sortir de la prison, ce qui est tout aussi important et complémentaire.

    • mathieu dit :

      Mais les prisons débordent déjà, prisons qui sont d’ailleurs le lieu privilégié de la radicalisation, et leferment de l’attentat de Strasbourg et autres lieux à venir. Les services de ré-insertion, SPIP, CIMADE et autres associations travaillent à plein, engagent déjà des sommes considérables (je travaille en milieu pénitentiaire et centre de rétention), pour trouver aides, logements, emplois, lieux d’accueil où hélas, les activités de radicalisation (pas toujours heureusement) se poursuivent (l’un des terroristes de 2015 avait un emploi stable de chauffeur de bus).
      Augmenter les crédits pénitentiaires, les places de prison, les moyens de surveillance et d’accompagnement social ? C’est autant d’argent de l’Etat (nous) qui manquera pour la hausse du SMIC, la baisse du carburant, l’aide aux aînés et la satisfaction de nos chers gilets jaunes.
      Freiner l’immigration (le pourrait-on?) et le nombre de chômeurs – et révoltés radicalisés – potentiels ? Certes non, c’est la chance et la richesse dans la diversité de notre pays/
      Ah, c’est pas facile la politique.

      Réponse
      Je ne vous le fais pas dire.
      R.L.

  4. Sphynge dit :

    Que les hommes politiques s’expriment en pareille circonstance est quand même le moins que l’on puisse attendre d’eux. Et que l’on prenne enfin en considération leurs propositions, lorsque les lois et les hommes au pouvoir sont incapables d’assurer la paix du pays et la sécurité des citoyens. L’exemple récent des gilets jaunes montre que l’on ne peut pas faire taire indéfiniment le pays réel sur des sujets essentiels de la vie du pays (les causes du drame actuel font d’ailleurs aussi partie de leurs mobiles), sauf à vouloir à tout prix prendre le risque de révolutions. Alors, les hommes politiques qualifiés aujourd’hui d’extrémistes, feront figure de grands modérés. Ce qu’en réalité ils sont.

    Réponse
    Je vous laisse la responsabilité de votre opinion, mais je la rejette. Nous avons été gouvernés par la droite, puis par la gauche, puis par Macron et chaque mandat a été jalonné d’actes terroristes. Donc, ceux qui crient le plus sont ceux qui ont connu les mêmes difficultés. C’est curieux que vous n’y pensiez pas. Je crois surtout que l’hostilité à Macron est votre seul moteur de recherche.
    R.L.

  5. Docteur Yves JAMOIS dit :

    Juste deux remarques concernant ce drame: pourquoi ne pourrait-on pas disposer d’un arsenal juridique contre cette mouvance islamique et en particulier les fichés S comme cela existe chez certains de nos voisins puisqu’ils prônent la destruction de notre système démocratique et l’incitation au meurtre ?
    Pourquoi le nom et la photo de ce terroriste n’ont-ils pas été diffusés immédiatement, comme ce fut le cas à Barcelone où il a été reconnu et abattu à 10 km de la ville dans les heures qui ont suivi l’attentat ?

  6. pichot emmanuel dit :

    A quand l’application du principe de précaution (érigé en dogme pour les activités médicales)
    pour préserver la vie de nos concitoyens ?

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