Sombre avenir pour Macron

(Gilets jaunes sur un rond-point
(Photo AFP)

Voilà que les policiers, harassés, épuisés, à bout de nerfs, sous-payés, défiés par une partie croissante de la population et privés de leur autorité, clament à leur tour leur mal-être et demandent au pouvoir de se pencher sur leur sort. Il peut les entendre, mais peut-il les satisfaire quand ils réclament des moyens et des hausses de salaires ?

ILS NE LES auraient pas volés. L’État leur doit 25 millions d’heures supplémentaires. Lui qui s’est mis à distribuer de l’argent à tout-va, il devrait trouver dans sa soudaine générosité de quoi leur rendre justice. Il est important en effet que nos agents de sécurité participent à l’ordre plutôt qu’au désordre. Quand ils sont présents, un mouvement spontané met le gouvernement à genoux. S’ils cessaient de remplir leurs missions, on imagine les conséquences gravissimes de leur absence. L’autorité est une pelote de laine qui se dévide et un moment risque d’arriver où nos policiers, gendarmes et militaires refuseront les ordres. L’exécutif doit prendre le mouvement des policiers au sérieux.

Une période de démagogie.

Mais de quelle manière efficace peut-il réagir, lui qui ajouté dix milliards de dépense au budget de 2019? Comment hiérarchiser les urgences ? Comment satisfaire toutes les revendications sociales, alors que la popularité du président de la République et du Premier ministre n’arrête pas de s’enfoncer? Nous venons d’entrer brutalement (même si les signes avant-coureurs ne manquaient pas) dans une période de démagogie extrême, assise sur ces réseaux sociaux qui sont à l’information ce que la drogue est aux toxicomanes. Le discours des gilets jaunes, dont la presse nationale a partagé l’existence sur les ronds-points et ailleurs, n’est pas vraiment cohérent, leur détermination relève sans doute de la fanfaronnade, leurs exigences sont excessives au regard du possible. Mais ils sont en train d’apprendre à leur manière. Ils sont tous contre l’ISF, ils dénoncent le renouvellement de la moquette de l’Élysée, ils se moquent du déficit budgétaire, ils exigent une réduction des salaires des élus. Le soutien populaire à leur action commence à baisser, mais voilà que les retraités, toujours furieux de la diminution de leur pouvoir d’achat, protestent de nouveau. Et non seulement les gilets souhaitent au fonds d’eux-mêmes que Macron disparaisse politiquement sinon physiquement, ils ont très bien compris comment ils peuvent exaucer eux-mêmes leurs vœux.

Tous capables de gouverner.

Mais en changeant le système, pardi ! En modifiant quelques articles de la Constitution. Jean-Luc Mélenchon ne leur a-t-il pas dit qu’il était capable de le faire et en outre de « piquer tout » aux riches au-dessus d’un certain seuil ? Depuis hier les débats vont bon train dans les médias sur la révision constitutionnelle, pas celle que propose le président, celle que veulent les gilets jaunes. Je n’ai pas entendu un seul spécialiste du droit constitutionnel qui ait jugé hors de propos d’accorder au « peuple », toujours lui, une partie des pouvoirs conférés au législatif et à l’exécutif. Cette aptitude de nos meilleurs juristes à prendre en compte l’humeur populaire pour changer la Constitution et créer les conditions d’une probable instabilité politique me confond. Nous sommes tous en mesure de revendiquer, nous ne sommes pas tous capables de nous faire élire et de gouverner. Moi, je ne dis pas au président ce qu’il doit faire. Je ne dis pas qu’il faut rétablir l’ISF pour récupérer 3 milliards quand les doléances réunies des gilets jaunes en pèsent 50 ou 100. Je ne dis pas qu’il faut appliquer le scrutin proportionnel à toutes les échéances électorales parce que je crois que, dans la recherche d’une démocratie parfaite, il y a le danger d’un Parlement balkanisé incapable de trouver une majorité.

La peur du politiquement correct.

Mais non, nous avons tellement peur collectivement de ne pas exprimer la compassion indispensable que méritent les gilets jaunes que nous veillons à entendre, dans leur parole, la voix suprême, l’expression du savoir et de la compétence, l’ultime supériorité intellectuelle, celle de l’homme et de la femme qui souffrent. Il n’est pas difficile de verser, à leur sujet, des larmes de crocodile, puis de rentrer chez soi et d’attendre que la tempête se calme. Nous devons nous concentrer sur la souffrance des plus démunis, mais, s’ils ne parviennent pas à boucler leurs fins de mois, qu’ils sachent que l’État non plus. Oui, la vie est dure, non elle n’est pas simple. Oui à des mesures sociales, non à la destruction de la démocratie par le biais de l’amour du prochain.

Ce savoir des gilets sur le budget, sur la répartition des richesses, sur la revanche des pauvres contre les riches (qui ne sera jamais qu’un leurre, les riches ayant absorbé toutes les crises sans grand dommage), il leur vient des réseaux sociaux et de ces partis politiques qui, ayant perdu les élections, espèrent surfer sur la vague de la colère. On a collé à Macron toutes sortes d’étiquettes, dont « le président des riches » et « l’arrogance » insupportable. Mais arrogant, qui ne l’est pas ? Incendier des péages, poser ses conditions pour permettre à un automobiliste de circuler, parler du président comme d’un homme à abattre, dire que la prime de cent euros, c’est des miettes, n’est-ce pas là l’unique langage de l’arrogance ? Et où ont-ils appris à parler de la sorte s’ils n’avaient écouté Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon, et d’autres politiciens du même acabit ? Ainsi va la France.

RICHARD LISCIA

 

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4 réponses à Sombre avenir pour Macron

  1. D.S. dit :

    Les gilets jaunes veulent gouverner ? N’ont-ils pas compris que le principe du conflit d’intérêt rend cette hypothèse impossible ? On peut effectivement être inquiet pour l’avenir politique de Macron ? Mais il n’a pas dit son dernier mot et il a sûrement encore des tours dans son sac.

    Réponse
    Je souhaiterais penser comme vous.
    R.L.

  2. admin dit :

    LL !Etats)Unis) dit :
    Sombre avenir pour la France surtout.

  3. RAQUET dit :

    « Pour braver la fatigue, il faut être jeune, tandis que pour braver le danger, il ne faut être que courageux. »
    Alexandre DUMAS
    Merci, Monsieur le président, d’incarner ces deux qualités.

  4. Alan dit :

    « Cette aptitude de nos meilleurs juristes à prendre en compte l’humeur populaire pour changer la Constitution et créer les conditions d’une probable instabilité politique me confond. Nous sommes tous en mesure de revendiquer, nous ne sommes pas tous capables de nous faire élire et de gouverner.  »

    Merci de ce rappel. Evident, mais beaucoup l’oublient.

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