La tentation de la répression

Philippe hier sur TF1
(Photo AFP)

À la télévision, hier soir, le Premier ministre, Édouard Philippe, a annoncé une série de mesures destinées à contenir, et même à réprimer, les débordements liés aux manifestations des gilets jaunes.  Il souhaite faire adopter une nouvelle loi pour sanctionner les manifestations non déclarées et les casseurs, la création d’un fichier des manifestants violents et un déploiement renforcé de forces de l’ordre pour samedi prochain.

BIEN ENTENDU, les propos du chef du gouvernement ont été accueillis par les commentaires goguenards des gilets jaunes, dont le trait commun est le mépris pour l’État, l’ordre et les institutions. Et, bien entendu, les défenseurs habituels des libertés se sont hâtés de dénoncer la création d’un fichier susceptible, à leurs yeux, d’affaiblir notre démocratie. Aucun citoyen qui se réclame du pacte républicain ne devrait pourtant trouver à redire au sujet de décisions que l’intensité de la crise et la gravité des faits rendent indispensables. Ce qui ne veut pas dire que l’encadrement plus puissant ou la crainte d’une peine lourde vont automatiquement mettre un terme à ces émeutes du samedi, programmées, accomplies dans le plus grand désordre au mépris de la loi et dont l’opinion semble avoir pris son parti. Les gilets jaunes n’existent que parce qu’un nombre insuffisant de Français dénoncent leur comportement.

Une partie difficile.

Il manque au chef de l’État le souffle qui lui permettrait de rassembler autour de lui tous ceux, nombreux à s’exprimer dans cet espace, qui se reconnaissant dans la République et dans ce « système » honni par ses détracteurs. M. Macron n’a pas la partie facile. Il a annoncé un dialogue avec les mécontents, il a envisagé un référendum à quatre questions, il a tendu la main aux gilets jaunes, il a accordé des subventions aux moins nantis et tous ces efforts ont été salués par un concert de sifflets, d’insultes et de vociférations, et par un redoublement de la violence. Le Premier ministre en a tiré la leçon que les gilets jaunes n’ont pas que des droits, qu’ils ont aussi des devoirs. Et que, s’ils croient que leur ressentiment suffit comme excuse à toutes leurs agressions, ils se trompent. En quelques semaines, nous sommes passés d’un État de droit à un État anarchique, du respect des lois à la défiance criminelle, de l’ordre au désordre programmé, du civisme à la délinquance, portée en apparence par la revendication sociale, mais en réalité appuyée sur un projet subversif.

Mettre l’opinion au pied du mur.

La situation n’incite pas à l’optimisme et les experts qui continuent à s’exprimer avec componction sur les plateaux de télévision ne semblent pas se rendre compte que la menace qui pèse aujourd’hui sur la société française est capable d’en détruire les fondements. Le romantisme révolutionnaire, souvent cultivé à gauche, rend parfois aveugles ceux qui se présentent comme les juges de la crise et observent avec envie cette débauche de hargne, finalement bien plus grave que le sort funeste qui serait réservé aux gilets jaunes. C’est une minorité irrédentiste qui revendique l’avènement d’un nouveau « système », sans se soucier de l’opinion de la majorité des Français. Ce n’est pas par la violence que l’on expose ses revendications, mais par  le vote. Et s’il est vrai que la moitié de nos concitoyens soutient le mouvement, il faut mettre les Français devant leurs responsabilités. Comme l’ambiance est compliquée par des commentaires qui font l’éloge du simplisme au détriment de la formation académique, dénigrent l’élitisme, comme si il valait mieux être bête et ignare pour gouverner, et trouvent chez les gilets jaunes la fraîcheur et la candeur de révoltés innocents et sincères, autant dire que la prise de décisions logiques, propres à sauvegarder nos institutions et la bonne marche de notre économie, n’est pas au goût du jour. Pour en finir avec cette crise excessive et déraisonnable, nourrie au lait frelaté des réseaux sociaux et aux analyses présentées par les extrêmes comme d’inaliénables vérités, il faut que les Français se prononcent en faveur du droit. Il n’est pas sûr qu’ils le souhaitent.

RICHARD LISCIA

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3 réponses à La tentation de la répression

  1. D.S. dit :

    Grace au boxeur, l’optimisme est peut être en train changer de camp. Ses partisans avait lancé ces jours ci une cagnotte, qui vient d’être bloquée. A l’initiative de Renaud Muselier, une autre cagnotte est en route, en faveur cette fois des forces de l’ordre. Et son ascension semble fulgurante…

  2. francois compan dit :

    La révolte des Français est la manifestation d’une lame de fond qui semble dérranger surtout les journalistes et autres commentateurs de radios.

    Réponse
    Déranger prend un seul r. Certes, les journalistes qui se font tabasser dans les manifestations sont dérangés. Quant à ceux à qui conviennent l’expression de la haine et de la violence, ils sont eux aussi dérangés. Avec un seul r.
    R.L.

  3. JULIEN dit :

    Les artisans, les commerçants sont également dérangés. Et aussi ceux qui considèrent que la violence, conséquence au moins indirecte de l’action des gilets jaunes, n’est pas la meilleure façon d’exprimer ses souhaits et ses désaccords.

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