Le mot de trop

Castaner avec Philippe
(Photo AFP)

À ma chronique d’hier, j’ai ajouté un appendice au sujet de l’intrusion de gilets jaunes dans l’hôpital la Pitié-Salpêtrière. J’ai condamné cet acte, qui s’ajoute à tant d’autres exactions, et je n’ai pas changé d’avis. J’ai néanmoins supprimé le post-scriptum que j’avais consacré à l’affaire.

J’AVAIS en effet récusé la description fort bienveillante à l’égard des perturbateurs qu’en avait faite un intervenant sur France Info. Il avait certes exonéré les gilets jaunes de toute culpabilité, ce qui ressemblait à de la pure propagande. Mais il avait raison sur un point, largement souligné dans la soirée par les médias : les films diffusés par les chaînes de télévision montrent que les manifestants n’ont jamais été menaçants. Ils ont néanmoins enfoncé la grille d’entrée de l’hôpital et ils ont essayé d’entrer dans la salle de réanimation. Le courage et le sens du dialogue des soignants ont empêché une catastrophe toujours possible en ces temps de grande confusion.

Question de terminologie.

Le problème vient de ce que le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, ait parlé d’une « attaque » des gilets jaunes contre l’hôpital. Il a « surréagi », comme l’a fort bien dit ce matin Valérie Pécresse, présidente LR de la région Île-de-France. Elle a déclaré aussi qu’il fallait « en finir avec la culture de l’excuse ». On ne peut que l’approuver. Un incident est survenu dans un hôpital, M. Castaner a commis un excès de langage, et du coup, la gauche et la droite exigent sa démission tandis que Jean-Luc Mélenchon, chef de la France insoumise, le traite de menteur et d’incompétent. Le ministre n’a pas été vraiment incompétent le 1er mai : sa police a réussi à juguler la manifestation et à empêcher la plupart des exactions que les black blocs étaient venus commettre à Paris. Il n’a pas menti au sens propre du mot, il a exagéré la gravité de l’incident, sans doute parce que, comme moi, il n’a pas attendu d’être complètement informé et parce qu’il est engagé dans une bataille politique impitoyable.

Le recours à la force.

Ce qui ne signifie pas non plus qu’il doive se prosterner et sa battre la coulpe devant ses censeurs de gauche, M. Mélenchon, et de droite, le sénateur Bruno Retailleau, tandis que Benoît Hamon, chef de file de Générations.s, réclame une commission d’enquête parlementaire, encore une, et la démission du ministre. Je voudrais voir M. Hamon à la manœuvre. Je souhaiterais qu’il nous dise comment il traiterait pour sa part le plus grand désordre que la France ait connu depuis 1968 et comment les forces de sécurité sous sa houlette parviendraient à rétablir l’ordre tout en ménageant les gilets jaunes et les black blocs. Il est très facile, quand on est dans l’opposition, de critiquer le pouvoir en place et de proposer des alternatives théoriques aux actions gouvernementales. Je ne crois pas que la droite incarnée par M. Retailleau ou par Éric Ciotti, si elle gérait le pays, ferait livrer, par la police, des sandwiches et du café aux manifestants. Ils n’ont d’ailleurs cessé de dénoncer l’incapacité du gouvernement à maîtriser les manifestations. On ne peut pas critiquer le pouvoir à la fois parce qu’il serait laxiste et parce qu’il serait féroce. Il faut bien choisir une ligne de conduite et celle des Républicains, c’est le recours à la force.

Les innocents.

Sur les faits eux-mêmes, il est utile de souligner que les 32 personnes interpellées par la police à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière ont été libérées, la police estimant qu’elles ne se sont livrées à aucun acte de violence. La direction de l’hôpital parisien a néanmoins déposé plainte pour entrée dans l’établissement par effraction en dépit des efforts de persuasion de la directrice. Certes, les manifestants étaient poursuivis par la police, avaient déjà subi gaz lacrymogènes et bousculades. Ils avaient peur et cherchaient un refuge. Mais comme tant d’autres manifestants, notamment ceux qui laissent les black blocs détruire le mobilier urbain et les vitrines ou incendier les voitures sans bouger le petit doigt, ils devraient savoir que, quand ils manifestent, ils prennent une responsabilité. Car à la culture de l’excuse, qui consiste à exiger des dirigeants qu’ils s’humilient parce qu’ils n’ont fait que leur travail, s’ajoute l’irresponsabilité populaire, celle qui revient à tout attendre de l’État, sauf les coups et la brutalité policière, et à ne pas envisager de s’aider soi-même ; la même irresponsabilité qui leur permet de croire que dans la fumée des gaz et dans les batailles de rue, ils sont les seuls innocents.

RICHARD LISCIA

 

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2 réponses à Le mot de trop

  1. Michel de Guibert dit :

    Le post-scriptum de trop…

    • Gasser dit :

      Vous oubliez de saluer le courage des infirmières qui par leur sang froid ont évité le pire.
      Et celui des malades qui ont survécu à ce rendez-vous non consenti.

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