Le Pen l’emporte

Jordan Bardella
(Photo AFP)

Le résultat des élections européennes infirme les sondages d’opinion : ils avaient prévu la victoire du Rassemblement national, mais, s’il est vrai qu’il réalise le meilleur score, il devance la liste de la majorité (REM-MoDem) de 0,9 points seulement. La participation  est passée de 42 % en 2014 à 50,5 %; elle a bénéficié principalement aux écologistes, liste Yannick Jadot, qui recueille 13 % des voix. Les Républicains s’effondrent, à 8,48 %, ainsi que la gauche : PS, 6,2, France insoumise 6, 3.

Louis Alliot, du RN, a cru bon de dire qu’Emmanuel Macron avait reçu une claque. L’extrême droite est toujours en pointe dans l’insolence, même quand elle n’a pas de raison particulière de se pavaner. Certes, le président, en s’engageant dans la campagne, s’est exposé personnellement. Mais il n’a jamais dit qu’il tirerait les conséquences d’un échec et celui-ci n’est pas le plus grave qu’il ait essuyé. En politique, il y a toujours des gens, parmi vos adversaires, pour vous dire ce que devez faire. M. Macron n’a aucune raison légale d’obéir aux instructions de Mme Le Pen. Prévoyant qu’elle devancerait la liste de la majorité, la chef du RN, avant même le scrutin, avait demandé au chef de l’État de démissionner si la REM n’arrivait pas en tête. Elle le demande de nouveau aujourd’hui sans expliquer pourquoi  elle recueille un pourcentage  inférieur à celui de 2014. Il faut toujours relativiser une victoire, elle peut contenir des sources d’inquiétude.

Déroute de la droite classique.

La deuxième grande leçon du scrutin, c’est le recul énorme de LR par rapport à ce qu’annonçaient les sondages : cinq points de moins. Ce qui met en pièces la merveilleuse stratégie qui avait fait de François Xavier Bellamy l’homme-lige de la droite classique, capable non seulement de renforcer son parti mais d’en faire une alternative à la majorité actuelle. Je ne crois pas qu’il faille demander la démission de Laurent Wauquiez, comme l’a fait Valérie Pécresse (c’est décidément une manie nationale), mais une longue réflexion estivale sur l’avenir du parti serait salutaire. Ce qui compte, c’est ce qui marche. De toute évidence, LR n’est pas en phase avec la population et présente des idées auxquelles n’adhèrent que les amis de longue date du gaullisme.

L’effondrement de LFI.

Troisième point : la défaite du PS-Place Publique (6,2 %) prévue par les enquêtes d’opinion et la déroute de LFI, dont le score, à 6, 3 %, est en recul de deux points par rapport aux prévisions. Enfin, à 12 %, les écologistes se vengent de tous ceux qui avaient souhaité leur ralliement, par exemple Raphaël Glucksmann, qui voulait absorber EELV, mais en fait les socialistes n’auraient  pu être qu’un apport à une coalition conduite par les écologistes. Pendant ce temps, Nicolas Dupont-Aignan est au-dessous de la barre des 5 %, à 3,6 %, les gilets jaunes sont inexistants et d’autres professionnels désargentés de la candidature à tout auront beaucoup de mal à payer leurs dettes.

Macron reste.

Le monde politique étant ce qu’il est, Jordan Bardella, ce jeune homme de 23 ans qui vient d’apporter sa victoire au RN, peut bien lancer ses quolibets au président, M. Macron estime qu’il est au pouvoir pour les trois ans à venir, que, les Français n’ayant pas dit clairement dans quel sens ils veulent être gouvernés, son mandat de 2017 n’est pas périmé et que c’est ce mandat qui demeure applicable. Bien qu’il faille éviter tout pronostic car samedi prochain n’est pas loin, le mouvement des gilets jaunes vient d’encaisser une terrible défaite, preuve qu’il ne représente que lui-même. Son score à peu près nul signera-t-il son inéluctable déclin ? Les gilets peuvent être tentés de dire que, décidément, ils n’ont rien à voir avec la démocratie, et tout à voir avec la rue et la violence. En conséquence de quoi, ils reprendraient leur jacquerie. Il est clair toutefois qu’ils n’ont aucun soutien populaire et que, dans ces conditions, ils vont apparaître non pas comme le mouvement revendicatif qu’ils prétendent être, mais comme la nuisance insupportable qu’ils sont en réalité.

Bien entendu, les élections européennes ont des conséquences sur l’Europe où se confirme principalement un fort appétit de respect de l’environnement et une légère décrue du néo-fascisme, notamment en Allemagne, au profit des écologistes. En Italie, cependant, Matteo Salvini (Ligue) progresse, mauvais symptôme pour un pays endetté jusqu’au cou, dont la croissance, cette année, est quasiment nulle et dont le peuple croit pouvoir trouver le salut dans une expérience historiquement désastreuse.

RICHARD LISCIA

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4 réponses à Le Pen l’emporte

  1. D.S. dit :

    Ce résultat est rassurant. Les Français n’ont pas tous perdu la raison. Quelques gilets jaunes ont sûrement gonflé le score du RN. La candidate de REM manquait un peu de charisme. Cette défaite à moins de 1 % est donc tout à fait honorable. J’avais suivi vendredi sur youtube l’excellente interview de Macron par Hugo Travers. L’immense qualité des deux intervenants sautait aux yeux. Et pourtant certains commentaires étaient très critiques sur le manque d’agressivité de l’intervieweur. L’art est difficile, mais la critique est tellement plus facile.

  2. BASPEYRE dit :

    C’est comme le foot en Italie: après le match,tout le monde fait la fête…
    sauf Mélenchon, Glucksmann, Wauquiez,qui avait envoyé un drone pour éviter les coups.

  3. Picot dit :

    Étant donnée la quasi absence de pouvoir du parlement européen sur les décisions politiques, disons plutôt technocratiques, les choses continueront exactement comme avant. Que l’un ou l’autre parti soit arrivé en tête est donc tout à fait insignifiant. Rien ne changera dans la vie des Français, leur pouvoir d’achat et leur liberté (si,si!) continuera sur la même trajectoire : vers le bas.

    • JMB dit :

      Effectivement, le Parlement européen a un rôle accru mais limité.
      Les gouvernements européens nomment chacun un membre de la Commission de Bruxelles.
      Le Conseil européen réunit les chefs de gouvernement ou d’État de l’Union européenne.
      Le Conseil de l’Union européenne réunit, selon le problème à traiter, les ministres des gouvernements européens à fonction correspondante.
      Les gouvernements nationaux ont un rôle non négligeable dans le fonctionnement de l’Union européenne.
      Il y a-t-il des pays dont le gouvernement a trop d’influence ?

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