La stratégie de Macron

Wauquiez reste.
(Photo AFP)

La droite et la gauche ne sont pas seulement victimes de l’électorat. Elles ont subi de plein fouet l’effet de la stratégie d’Emmanuel Macron qui, depuis 2017, consiste à faire de la République en marche l’utile alternative à des partis fatigués auxquels les électeurs ne croient plus.

LE PRÉSIDENT de la République aurait certes souhaité l’emporter aussi contre le Rassemblement national. Mais il a eu recours avec succès au plan qui l’a mis au pouvoir : la REM est de nature à remplacer à la fois la droite et la gauche, elle se hisse au-dessus de querelles idéologiques dépassées par le mouvement de l’histoire. Les crises sérieuses qui ont jalonné l’action gouvernementale des deux premières années du mandat n’ont pas modifié ce schéma. Contrairement à toute attente, les mêmes électeurs ont voté de nouveau pour Macron, simplement parce qu’ils ne croient pas que les propositions des socialistes ou de LR soient suffisantes ou adaptées aux mœurs politiques contemporaines. Les « affaires » et la crise des gilets jaunes n’ont pas enlevé un iota à cette manière de penser. Il y a une coïncidence entre la vision macroniste des choses et les espoirs d’une partie de l’électorat. Bien entendu, l’éparpillement des partis de gauche, l’entêtement de tous à se présenter, chacun dans une niche exigüe, depuis Hamon jusqu’à Glucksmann qui, pourtant, a fébrilement cherché à rassembler toute la gauche démocratique, mais s’est contenté de coopter le PS, et d’un autre côté, le refus de Laurent Wauquiez de reconnaître à la majorité le moindre mérite et son acharnement à l’affaiblir par tous les moyens dont il disposait, notamment avec la majorité LR du Sénat, ont contribué à la déroute des sociaux-démocrates et des Républicains.

L’essor des écologistes.

Pourtant, la méthode de Macron crevait les yeux. Il ne l’a jamais cachée. Elle lui a réussi en 2017, il l’a testée une seconde fois cette année. Lui et la REM ne semblent pas trop chagrins d’avoir perdu devant le RN. Ils voient plus large, ils voient européen, et ils savent qu’ils peuvent constituer un groupe, nouveau et fort, au Parlement de Strasbourg. Il s’agit même d’une nécessité. Les chrétiens-démocrates d’Angela Merkel arrivent en tête mais réalisent leur plus mauvais score historique aux élections européennes. Contestée, la chancelière ne pense qu’à finir son mandat en douceur. Or il est indispensable qu’une formation politique à Strasbourg se dresse devant le triomphalisme populiste ou d’extrême droite. Une fois encore, Macron se présente comme celui qui peut faire le travail, qui peut lancer la nécessaire « refondation » de l’Union européenne, qui peut réconcilier un jour les Européens avec l’Union. La REM trouvera-t-elle des partenaires ? Pour commencer, on la dénigre beaucoup moins en Europe qu’en France. Ensuite, il va falloir que le vaste mouvement écologiste que le scrutin du 26 mai a fait apparaître se pose enfin la question de la traduction de ses idées dans le réel quotidien. Les Verts allemands ont obtenu 20 % des suffrages, ils n’en ont pas moins besoin d’alliés au Parlement.

Le RN est-il, oui ou non, un danger ?

L’autre aspect du tableau général est que Macron, une fois encore, poursuit son match avec le RN de Marine Le Pen. Dieu sait que les autres partis le lui ont reproché et le lui reprochent encore plus depuis qu’ils ont été laminés par le scrutin. Mais il va falloir que chaque personne qui fait de la politique dans ce pays se décide à dire clairement si l’arrivée de Mme Le Pen au pouvoir est un événement supportable ou si c’est un désastre. Si j’ai insisté sur cet enjeu pendant toute la campagne, c’est parce que je n’en ai jamais sous-estimé l’importance. Le problème de la France aujourd’hui est-il de savoir si l’UDI, Générations.s ou M. Asselineau méritaient de faire de meilleurs scores ou, au contraire, de parer au danger le plus grave ? Observez l’Italie : Matteo Salvini (Ligue, néo-fasciste) a fait alliance avec Cinq Étoiles. Ils gouvernent ensemble, mais Salvini a largement gagné les européennes. Il n’a qu’une idée en tête, se débarrasser de Luigi di Maio (Cinq Étoiles) pour radicaliser un peu plus son programme anti-immigration, xénophobe et anti-européen.

On m’a souvent écrit pour me dire que plus on dénonce le RN, plus il progresse. C’est peut-être vrai, mais ce qui est sûr, c’est que pour éliminer la menace, il faut un parti politique qui atteigne la taille critique susceptible de dominer l’extrême droite. Or le résultat des élections européennes a donné un élan à la REM. Ce n’est pas une mince affaire. Voilà un mouvement que l’exercice du pouvoir a froissé, chahuté, blessé. Il reste opérationnel. Il garde son ambition. Il conserve son chef. Qui a cru Marine Le Pen quand elle a dit que Macron devait démissionner si la REM ne l’emportait pas sur le RN ? Le dit-elle encore aujourd’hui ? Dans ces conditions la question posée par la démission éventuelle de Laurent Wauquiez (qui ne veut rien savoir) celle du sort de Benoît Hamon, la remise en cause du statut de Mélenchon par Clémentine Autain, tout cela est secondaire. Il se joue une partie autrement plus sérieuse en Europe.

RICHARD LISCIA

 

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Une réponse à La stratégie de Macron

  1. Michel de Guibert dit :

    Je ne sais si la dénonciation du RN le fait progresser, mais ce qui est sûr c’est qu’il est en effet très confortable pour Emmanuel Macron de n’avoir plus que ce seul adversaire, ce qui lui assure une réélection à la fin de son mandat.
    Mitterrand avait réussi à réduire l’influence du PC et même à le marginaliser en le faisant entrer dans son gouvernement ; Macron réussit à laminer aussi bien la droite et la gauche républicaines en faisant toujours davantage du RN son seul adversaire.
    Au-delà de ces manœuvres de politiciens, on constate, même s’il y a eu une légère augmentation de la proportion de votants cette fois-ci, une abstention très importante (autour de 50 %) qui pose question sur la vitalité de la démocratie.

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