Mésentente cordiale

Boris en campagne
(Photo AFP)

Il y a fort peu à espérer de la rencontre aujourd’hui entre Emmanuel Macron et le nouveau Premier ministre britannique, Boris Johnson. M. Johnson est lié par les promesses qu’il a faites à ses compatriotes, même si, par le passé, il n’a jamais hésité à mentir sur l’influence des accords entre son pays et l’Union européenne. La plus forte probabilité est qu’il s’en tiendra à une dramatisation croissante de son projet de Brexit sans accord.

LES DEUX HOMMES représentent, chacun à sa manière, la nouvelle garde européenne. Angela Merkel a laissé entrevoir un compromis possible avec le Royaume-Uni, que M. Macron a rejeté s’il doit être conclu au mépris du « backstop », cette mesure acceptée naguère par Theresa May et qui garantit la non-érection d’une nouvelle frontière physique entre les deux Irlandes. Le président de la République maintient cette position avec fermeté. Le Premier ministre ne veut pas en entendre parler, tant sa vision négative de l’Union s’étend au-delà du sens commun et tire sa force d’une forme outrancière de négativisme. Le chef de l’État s’est fait une spécialité de la gestion des monstres sacrés étrangers, l’autre jour avec Poutine, chaque semaine avec Trump et aujourd’hui avec Boris Johnson. Celui-ci, avec une audace qui croît à mesure que diminuent ses scrupules, ne peut pas se contenter d’exercer les fonctions de chef du gouvernement britannique, aspiration ardente enfin satisfaite par le chaos qui règne dans son pays. S’il s’efforce aujourd’hui de maintenir la ligne annoncée avant la démission de Mme May, c’est parce qu’il craint des élections anticipées qui risquent de l’emporter avant qu’il n’ait appliqué ne fût-ce qu’une fraction de son programme délétère.

La ligne de Bruxelles.

Dans les propos qu’il tiendra à Macron, il se gardera bien de mentionner la fragilité de ses positions, combattues au Royaume-Uni par un nombre élevé d’électeurs et d’élus de tous les partis. Il tentera d’en afficher les plus arrogantes, ce que le chef de l’État français traitera par l’ironie. La question n’est plus de savoir s’il y aura un hard Brexit ou non. Elle porte sur la sauvegarde des intérêts européens, assurée par la fermeté des négociateurs de Bruxelles et la défense des intérêts britanniques, dont la garantiee n’est pas apportée par M. Johnson, mais encore par  la commission européenne. Les entretiens préliminaires au G7 engagés par le président donnent à ce sommet une coloration nouvelle. Non parce qu’il a exigé que soient examinées les  inégalités sociales, plus un vœu pieux que la défrichement d’un chantier nouveau, mais parce qu’il aura pris le temps de s’adresser à Poutine et à Johnson et que, une fois de plus, il tentera, samedi et dimanche, de circonscrire l’influence éminemment néfaste de Donald Trump.

Le coût du G7.

On ne se joindra pas à la foule des éternels mécontents qui comptent chacun des euros dépensés dans l’organisation de la sécurité (et du confort) des participants au G7. Un raisonnement au raz des pâquerettes établit un lien entre des dépenses qualifiées de somptuaires (une trentaine de millions d’euros, votés par l’Assemblée) et l’immense misère des gilets jaunes. Notre pays est affecté, depuis quelques années, par des préoccupations sordides, comme si l’argent nécessaire au rayonnement de la France ou au bon fonctionnement de nos institutions devrait être réparti entre tous ceux qui souffrent d’une forme de pauvreté. Si l’Europe conserve ses principaux liens avec la Grande-Bretagne, il y aura plus d’emplois préservés ou créés, plus de prospérité, que si on abolissait le G7 pour accorder de nouveaux avantages sociaux.

Indignation et colère.

Cela dit, il faut bien admettre que les sommets occidentaux n’ont guère prévu les crises économiques et sociales, un peu comme le rendez-vous annuel de Davos qui n’a jamais permis aux puissants de ce monde d’éviter les catastrophes financières. Mais, si le  G7 est inutile, le contre G7, organisé à quelques encâblures de Biarritz, le sera encore plus. C’est lui qui coûte le plus cher. C’est lui qui fait de l’annonce des désastres son fonds de commerce. C’est lui qui sert le moins la paix et la prospérité. C’est lui qui porte l’indignation et la colère au pinacle de la réflexion politique. Mais, de même que, de gauche ou de droite, nous chantons tous la Marseillaise, de même nous éprouvons tous indignation et colère, mais pas les mêmes que les surexcités professionnels.

RICHARD LISCIA

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2 réponses à Mésentente cordiale

  1. PICOT dit :

    Le chaos qui règne dans le pays? Quel chaos? Si vous faites allusion à la grosse résistance de ceux qui ne veulent pas de Brexit ils seront, et c’est tant mieux, obligés de respecter le bilan des urnes : oui au Brexit.

    Réponse
    Je n’ai même pas envie de vous répondre. Je vous suggère, une fois de plus, d’aller lire ailleurs.
    R. L.

  2. Doriel Pebin dit :

    En réponse à M. Picot, où est la démocratie et le soi-disant bilan des urnes quand on a trompé les électeurs en mentant sciemment ? Personne n’avait parlé du problème majeur de l Irlande à titre de simple exemple ! La vraie démocratie serait précisément de soumettre de nouveau le problème du Brexit au vote sans occulter les différents points. Affirmer l’inverse relève de la désinformation et de la propagande. Je lui suggère de quitter cette France « si chaotique » pour s’installer dans les pays autocratiques ou ses propos « pertinents » seraient publiés sans problèmes (si en accord avec les dirigeants) ! Les infox officiels font partie du quotidien et l’émotionnel a remplacé le rationnel au profit de tribunocrates et autres populistes que semblent apprécier mr picot. Il est temps de s’opposer aux contre-vérités comme le fait M. Liscia avec talent. Les démocraties seront détruites par ceux qui regardent sans rien dire.

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