Johnson pris à son piège

Boris dans la tourmente
(Photo AFP)

Les députés britanniques ont violemment riposté à la décision du Premier ministre, Boris Johnson, de « suspendre » la chambre des Communes pendant cinq semaines, sans doute pour qu’il garde la liberté de sortir la Grande-Bretagne de l’Union européenne, même en l’absence d’accord. Les Communes ont voté une loi qui lui interdit d’annoncer la rupture si, auparavant, il n’a pas conclu un accord avec l’UE.

À LA MANIÈRE forte choisie par M. Johnson pour mater les députés, ceux-ci ont répliqué par l’adoption d’une loi qui exige un accord préalable à un Brexit effectif. En pleine séance, un député conservateur, Philippe Lee, est allé s’asseoir sur les bancs des libéraux-démocrates, indiquant ainsi qu’il démissionnait du parti conservateur. Vingt et un élus tories ont voté la nouvelle loi, ce qui, aux yeux de M. Johnson, signifie qu’ils sont exclus du partI. Parmi eux, un descendant de Winston Churchill. Le conflit s’est ensuite aggravé : le Premier ministre a annoncé son intention de dissoudre l’Assemblée, de procéder à des élections anticipées dans les semaines qui viennent et de maintenir la date du Brexit au 31 octobre. Sa stratégie et sa façon de l’adapter chaque jour aux nouvelles péripéties d’une feuilleton sans fin montrent qu’il n’a en définitive qu’un seul objectif : obliger son pays à quitter l’Union sans accord.

Méthode arbitraire.

La reine Elizabeth II s’est sans doute montrée trop docile quand, au cœur d’une crise historique sans précédent, elle a donné son aval à la décision de M. Johnson d’étouffer la voix de la chambre. Rien, pas même son statut qui lui interdit de gouverner, ne l’empêchait d’expliquer à son nouveau chef du gouvernement qu’il faisait un pari très dangereux. Elle a préféré s’en tenir au rôle qui lui est dévolu par la tradition. De son côté, M. Johnson a joué sur le fait que la Constitution britannique n’est pas écrite et que ce qui a été fait dans certaines circonstances peut être accompli dans un contexte politiquement tendu. À noter que le mouvement d’opposition à Johnson né au sein des Tories ne signifie pas que tous les députés conservateurs soient hostiles au Brexit, ni même qu’ils soient minoritaires. Simplement, ils se sont élevés avec force contre la méthode arbitraire du Premier ministre.

Boris croit à sa chance.

Il n’empêche que se joue une partie passionnée, dont la dramatisation voulue par les élus favorables au hard Brexit conduit l’opinion et ses représentants à un conflit qui laissera des traces. Même les élections anticipées réclamées par Johnson ne combleront pas le fossé entre les pour et les contre. Là où Theresa May, avec un acharnement et une patience incroyables, a tenté de mettre en place un Brexit sans conséquence négative pour le Royaume-Uni, Boris Johnson, au nom de ses seules ambitions, est en train de déchirer le tissu de la société britannique. Il compte beaucoup sur sa popularité, qui est élevée et s’il propose maintenant des élections anticipées, c’est parce qu’il croit très sincèrement qu’il retrouvera une majorité tory débarrassée de ces conservateurs démocrates qui ne veulent pas que le Brexit démolisse la Grande-Bretagne.

Un  danger pour le Royaume-Uni.

Il est vrai que le parti travailliste, dirigé par Jeremy Corbyn, socialiste aux idées extrêmes (c’est un peu le Mélenchon anglais), n’a pas la faveur des Britanniques et il est vrai que, si le Labor prenait le pouvoir, personne ne peut dire aujourd’hui de quelle manière il gouvernerait. Mais, populaire ou non, M. Johnson, en quelques semaines, a ajouté du chaos au chaos ; il a démontré qu’il n’avait pas une vision structurée d’un Royaume-Uni « libéré »  et qu’il voulait seulement devenir Premier ministre, fonction à laquelle aujourd’hui il s’accroche désespérément, et à tel point qu’il a bafoué les principes démocratiques qui gouvernent les relations entre l’exécutif et le Parlement. La force de Johnson, c’est l’impopularité de Corbyn. Les libéraux-démocrates, eux, espèrent, à la faveur de cette longue crise quelque peu hystérique, gonfler les rangs de leurs élus. Il reste que M. Johnson est devenu pour son pays un danger plus grand que l’idéologie de Jeremy Corbyn, qu’il s’est montré prêt à ignorer le droit pour parvenir à ses fins et que Britanniques devraient s’en débarrasser. Le royaume est malade du référendum de 2016 et il a besoin d’une vigoureuse thérapie pour guérir.

RICHARD LISCIA

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