Benalla l’écrivain

Alexandre Benalla
(Photo AFP)

Jamais satisfait de l’anonymat, fût-il temporaire, Alexandre Benalla publie un livre chez Plon : « Ce qu’ils ne veulent pas que je dise ». Il ne contient aucune révélation majeure et semble consacré à l’amélioration de son image.  « Le Point » de cette semaine publie un entretien éloquent avec Benalla.

DANS ses propos, l’ancien chef de la sécurité de l’Élysée ne regrette rien, ne reconnaît pratiquement aucune faute, sinon celle de n’avoir pas trouvé la bonne stratégie pour échapper aux foudres de la justice et, avec une sorte de candeur enfantine, il revient sans cesse sur la qualité exceptionnelle de son professionnalisme, par exemple en racontant comment il a exfiltré le président et sa suite d’un endroit bloqué par des taxis en colère. Il se rend hommage à lui-même, démarche derrière laquelle personne ne saurait le suivre et explique qu’il va très bien, qu’il a des contrats, qu’il mène grand train. L’immédiate impression qu’il donne au lecteur, c’est qu’il n’a pas encore digéré la longue séquence de faits qui lui ont valu de quitter l’un des postes importants de la République. Il a beau chercher, il ne voit pas de quelle manière il a failli, il se demande si son livre va avoir le succès commercial de Valérie Trierweiler. Tout juste reconnaît-il que, à l’Élysée, il s’est heurté de plein fouet à une classe de hauts fonctionnaires qui respectent les règles fixées et préfèrent vivre entre soi qu’avec un électron libre venu de nulle part et dont le seul atout était la séduction qu’il exerce, y compris sur le président.

Un nouveau politologue.

L’intérêt de l’ouvrage est principalement anecdotique, pour ceux qui aiment les histoires croustillantes. Mais il ne va pas plus loin qu’une énonciation de faits connus, débarrassée au passage de ceux qui lui valent des déboires avec la justice. On découvrira en lui un nouveau politologue capable de dire ce qui ne va pas dans le pays et qui, si on l’écoutait, résoudrait nombre des problèmes nationaux. Qu’il ait choisi de s’exprimer à travers le genre littéraire ne diminue en rien la platitude de ses réflexions, empruntées en grande partie à ce qui se dit dans la presse.  On a compris qu’il s’y entend pour gagner de l’argent, que ses démêlés avec la justice et la police ne l’empêchent nullement de faire carrière, notamment à l’étranger et que, s’il a beaucoup de mal à se hisser au niveau de l’intellectuel, les spécialistes de la sécurité le considèrent comme un vrai professionnel. C’est très clair : il ne parvient toujours pas à réaliser que son parcours a été fulgurant et d’avoir été l’un des chouchous du président. A cette rapide ascension, il tente de donner un prolongement aussi brillant, en oubliant que, entretemps, il a fait une grosse chute. Il est un peu le Rastignac de 2019. De sorte que le livre, qui ne gênera personne, au pouvoir ou ailleurs, risque de le maintenir là où il est, dans la sécurité, mais de fermer la dernière page sur son expérience des hautes sphères.

Sous le vernis de la séduction.

D’aucuns diront qu’il n’a rien de plus à dire, d’autres diront le contraire : à savoir qu’il a gardé un peu d’affection pour Emmanuel Macron, ce qui ne ressort guère de ses propos, et qu’il a pris soin de le ménager, pour ne pas insulter l’avenir. Le complotisme sévit toujours, un peu comme si les événements hallucinants qui se succèdent ici et ailleurs ne suffisent pas à apaiser l’appétit de surprise et qu’il fallait inventer autre chose pour tenir le public en haleine. L’opération est ratée. Elle montre au moins qu’il faut savoir oublier quelques choses navrantes qui  n’ont pas grandi le pouvoir, qui n’ont pas transformé Benalla en leader politique, mais qui donnent un peu à réfléchir sur les choix de conseillers que l’on est amené à recruter quand on ne les a pas suffisamment scrutés avant de découvrir qui, sous le vernis de la séduction, ils sont vraiment.

RICHARD LISCIA

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