Les « leçons » du terrorisme

Hollande décore les défenseurs des victimes en 2016
(Photo AFP)

Les Français célèbrent, non sans tristesse et non sans malaise, les épouvantables attentats du 13 novembre 2015. Le devoir de mémoire est d’autant plus impératif que nous ne sommes pas assurés que le carnage ne se reproduira pas un jour. Nous devons nous armer de stoïcisme mais aussi de vigilance.

LE DÉBAT national sur tout ce qui se rapporte à l’islam est pollué par les arrière-pensées politiques. Il n’existe pas de crédo national concernant le djihadisme. Il est encore capable de se reconstituer instantanément. L’expédition ad patres du chef de l’État islamique, Al Baghdadi, n’empêche pas la persistance de réseaux prêts à frapper le territoire, tandis que le terrorisme individuel traduit une sorte de haine intérieure envahissant quelques consciences, ce qui contribue à la persistance dangereuse d’une polémique opposant la gauche et la droite sur le maintien de la laïcité en France : cela implique une bonne dose de fermeté. Bien entendu, les musulmans eux-mêmes auront vite fait de trouver dans l’exercice « aveugle »de la laïcité un instrument destiné à réduire leurs libertés. Ils peuvent, à raison, invoquer les sociétés où les communautés s’épanouissent à l’écart du modèle national. Il demeure que la France a fait un autre choix, celui de l’intégration qui a magnifiquement fonctionné pour absorber des immigrés appartenant à d’autres confessions.

Le maître mot : intégration.

L’arrivée, parfois massive, de musulmans attachés à leur religion, qu’ils peuvent pourtant pratiquer sans encombres en France, a soulevé un problème inattendu, d’abord parce que l’islam est très différent du christianisme, ensuite parce que la longue crise économique et sociale qui a suivi les Trente Glorieuses a freiné puis bloqué leur intégration et, a fortiori, leur assimilation. Beaucoup de musulmans, dans une proportion difficile à évaluer, sont devenus ces « premiers de cordée » chers à Emmanuel Macron. Beaucoup d’autres, sans doute plus, ont trouvé dans l’islam le moyen de se distinguer du courant principal et de s’affirmer non pas en tant que contributeurs au développement général du pays, mais en dehors de lui. Il est licite de reconnaître les sources sociales de cette attitude politique, licite de comprendre pourquoi l’intégration n’a pas fonctionné pour eux et licite d’essayer des solutions combinant leur appartenance à l’islam, la pratique ostensible de leur religion et une loyauté sans failles à l’égard de l’État et de la République.

Le terrorisme a son corollaire, la méfiance des Français à l’égard d’une religion dont les terroristes se croient les dépositaires. L’aversion pour une culture de mort est l’objectif recherché par le djihadisme qui n’a pas le projet de tuer tous les Français mais de semer dans le pays un désordre suffisant pour que l’ordre islamiste émerge du chaos en tant que maître politique de la France. Il ne s’agit pas de « grand remplacement », slogan facile de l’extrême droite, mais de conversion. Les citoyens non musulmans seraient meilleurs s’ils devenaient musulmans. Voilà où se situe le danger dont il nous appartient de déceler les signes avant-coureurs avant que nous soyons cernés par une idéologie que n’aurions pas combattu avec assez de vigueur.

Un islam soft.

Nous devons donc situer la discussion sur le plan exact où elle se déroule, qui est politique et non sociétal.  Nous devons exalter à l’infini les avantages de la laïcité dont le rôle n’est pas d’attaquer les religions, mais de poser des limites à la pratique d’une religion. Il ne faut pas qu’un individu français se distingue par une foi que le pays ne peut pas suivre et qui, en somme, correspond, dans sa ferveur excessive, à une régression. Il faut au contraire que cet individu soit en tous points, dans sa vie publique, identique à ses concitoyens et que, en conséquence, il pratique sa religion dans sa sphère privée. Se prononcer contre le port du voile, par exemple, ce n’est pas être anti-musulman, c’est approuver le système laïque tel qu’il a été instauré en France au début du XXe siècle. Les musulmans eux-mêmes doivent parcourir une partie du chemin. Ils savent que la multiplication des attentats se traduit par une montée de la xénophobie. Ils savent qu’il n’existe pas de prescription du voile pour les femmes dans le Coran et qu’il s’agit en réalité d’une invention des hommes pour qu’ils puissent dominer le deuxième sexe. Ils devraient donc admettre que la diversité des textes coraniques et des imams leur offre la possibilité de choisir une manière discrète d’exercer leur religion.

On trouvera sans difficulté une majorité de Français qui accepteront de donner aux musulmans tous leurs droits sans exception, avec un bémol pour leur religion car elle les éloigne, si elle est pratiquée avec fanatisme, des valeurs républicaines. L’influence délétère qu’exercent par ailleurs des imams dévoyés ou des mosquées vouées à un islam exclusif et dominateur ne peut pas être acceptée en France puisqu’elle fait partie d’un projet politique incompatible avec la démocratie parlementaire. Fermeté et tolérance sont donc les deux axes d’un projet pour inclure l’islam dans la vie démocratique française.

RICHARD LISCIA

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4 réponses à Les « leçons » du terrorisme

  1. Michel de Guibert dit :

    La laïcité, c’est aussi la liberté de conscience.
    Qu’on fiche la paix aux femmes qui veulent porter un voile ou un foulard !

  2. Laurent Liscia dit :

    Je suis bien d’accord avec Michel de Guibert! Qu’on leur fiche la paix!

  3. Teudeloff Dorothee dit :

    Mais qu’on nous respecte aussi. Pourquoi ces gens viennent-ils en Europe et pas en Arabie saoudite, au Pakistan, en Indonésie où tout autre pays de culture islamique ?
    Je trouve que mettre un voile pour une sortie scolaire et, en cas de remarque, être prêt immédiatement à déposer une plainte, c’est de la provocation !

  4. arnoux dit :

    Napoléon, lors de l’assimilation des Juifs de France, les a admis d’emblée dans la pleine citoyenneté, avec la contre partie de moeurs dans la vie publique semblable à celles des autre citoyens.
    Le contrat républicain en France implique que les groupes religieux (catholique, protestant, juif, musulman ou autre) ne jouent aucun rôle politique.
    Les musulmans, comme les autres, doivent pratiquer leur religion dans leur vie privée et exercer, pleinement, leur droits de citoyen à titre individuel, sans revendiquer quelque modification des moeurs de la société que ce soit, visant à mettre celles-ci en conformité avec leur religion.

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