Trump s’offre une guerre

Les obsèques de Souleimani
(Photo AFP)

L’aviation américaine s’est livrée dans la nuit d’hier à aujourd’hui à l’assassinat ciblé du général Qassem Suleimani, chef des « gardiens de la révolution », un militaire très populaire en Iran. L’attaque a eu lieu en Irak où l’Iran assure l’ordre chiite. Donald Trump en a pris l’entière responsabilité.

IL NE S’AGIT pas d’une provocation de la Maison Blanche, comme l’affirment de nombreux experts français, mais d’une pure vengeance. C’est l’Iran qui, depuis quelques mois, a commis une bonne douzaine de provocations, comme en ont témoigné l’attaque, au moyen de drones, d’un site pétrolier saoudien, le sabotage de plusieurs tankers chargés de pétrole dans le Golfe et, encore hier, du meurtre d’un soldat américain en Irak. Les services diplomatiques américains se sont empressés ce matin de dire qu’il souhaitaient un retour à la stabilité, pure hypocrisie qui fait peu de cas de l’immense colère des aytollahs et du peuple iranien qui, bien qu’il soit lassé par la gestion économique et sociale de ses dirigeants, reste profondément nationaliste. À plusieurs reprises déjà, le président américain a refusé de céder à ses impulsions premières, notamment lors de l’assaut contre les cuves de pétrole saoudien. Mais pas cette fois. Et s’il a été provoqué, c’est parce qu’il s’est lancé, depuis son arrivée au pouvoir, dans une politique iranienne qui n’a ni queue ni tête.

De la joie au fiasco.

M. Trump a rejeté le traité international qui appliquait un moratoire de dix ans aux progrès de la recherche nuclaire iranienne, qui a repris et conduira bientôt Téhéran à construire des ogives nuclaires, lesquelles seront une menace pour tout le Proche-Orient et l’Europe. Il est certain que les initiatives de plusieurs pays européens, dont la France, pour apaiser la diplomatie iranienne, n’ont donné aucun résultat. De là à offrir à l’Iran l’occasion de se munir de l’arme nucléaire, il y avait un pas que M. Trump a allègrement franchi avec son irresponsabilité coutumière. Les facteurs qui l’ont incité à lancer le raid sont multiples. Il traduit en premier lieu sa frustration face à plusieurs graves échecs : il a exténué l’Iran d’Ali Khamenei, le « Guide suprême », dont la théocratie ne peut se dispenser de satisfaire les exignces sociales des Iraniens, las des guerres coûteuses que leur pays mène en Irak et au Liban, mais assez nationalistes pour dénoncer les agressions américaines ; et le président, déjà empêché de facto par un vote de la Chambre des représentants, avait un besoin pressant de redorer son blason. La satisfaction qu’il a pu apporter à ses électeurs risque néanmoins de se transformer en fiasco, comme le prouve la crise de la Corée du Nord, dont le chef, Kim Jong-un, se montre de plus en plus agressif à mesure que Trump le couvre de louanges.

Deux différents traitements.

On était en droit de se demander pourquoi le président menaçait Kim pendant qu’il s’acharnait contre l’Iran. Il s’agit de deux puissances extraordinairement dangereuses parce que l’une, la Corée, a des armes nucléaires et parce que l’autre, l’Iran, pense qu’elle ne peut tenir tête à l’Amérique que si elle acquiert une force de dissuasion atomique. La meilleure approche eût consisté à valider le traité avec Téhéran (signé par Obama) et de tenter la recherche d’un compromis avec Pyong Yang sans l’accabler d’éloges hypocrites qui ont fini par exaspérer Kim, lequel n’a qu’un problème à résoudre : obtenir des biens de consommation qui réduiraient la colère croissante des Coréens du Nord. Mais, avec Trump, on allait voir ce qu’on allait voir, et on a vu : nous sommes au bord d’un conflit direct entre les États-Unis et l’Iran, lequel se hâtera d’attaquer un ou plusieurs autres États, Israël par exemple, pour créer un nouveau chaos au Proche-Orient. Tout ce que voit Trump, c’est qu’il est content d’avoir fait assassiner un général iranien, sans mesurer les conséquences de cet acte. M. Suleimani n’était pas exactement un tendre, mais Trump est encore plus dangerejux. Inutile d’ajouter qu’il traverse une très mauvaise période puisqu’il essaie d’échapper à la procédure de destitution entamée par la Chambre des représentants en ralliant à sa cause la totalité des Républicains du Sénat. La vraie question, cependant, ne porte pas sur son avenir politique immédiat, elle concerne le mal qu’il peut encore faire à son pays, et aux autres, en jouant à la guerre comme un bambin.

RICHARD LISCIA

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4 réponses à Trump s’offre une guerre

  1. gasser dit :

    Indirectement, Trump nous défend encore, car le jour où ils auront (Iran et Corée du nord )
    les armes nucléaires,ils pourront nous,européens, nous menacer.A lors il nous faudra être plus
    diplomates et accepter la multipolarisation.Ce général a soutenu Bachar el Assad,il était le bras armé de l’Iran à l’extérieur.Il faut donc choisir ses alliés.

    Réponse
    Votre réaction semble s’adresser à un thuriféraire de l’Iran et des mollahs. Ce n’est pas le cas. Ce n’est pas parce que je critique Trump que j’approuve l’Iran. Mais peut-être que le mot nuance ne vous dit rien ?
    R.L.

  2. Gerint dit :

    Pas d’accord. Trump fait mieux que nous face à un pays dont la duplicité est légendaire au moins de la part de ses dirigeants.
    Réponse
    Mieux que nous ? L’Iran n’est pas duplice, il est clair. Nous pouvons nous attendre à une recrudescence des attentats et des provocations iraniennes.
    R. L.

  3. VAN dit :

    Bonjour Monsieur,
    Votre billet est pertinent (de mon point de vue) et je partage votre inquiétude.
    Vous utilisez le mot juste « assassinat », mais pourquoi donc lui ajouter « ciblé » alors que ses accompagnants ont été anénantis au cours de cette attaque par drone ?
    Merci pour votre attention.
    Bien à vous,
    Louis VAN

  4. JMB dit :

    La politique de Mosaddeq, devenu Premier ministre, musulman modéré (il but de l’eau au cours d’un discours devant le Majles (Parlement) pendant un Ramadan), fut constestée par l’ayatollah Kâshâni. Mais ayant eu l’audace de nationaliser le pétrole iranien, Mosaddeq fut renversé par un complot ourdi par la CIA, puis arrêté et sa maison pillée. Il était trop laïc.
    Maintenant, les dirigeants de l’Iran sont trop religieux.
    Ils devraient s’inspirer de la politique de ceux de l’Arabie voisine. Cet état féodal peut découper un opposant, emprisonner pour délit d’opinion, pratiquer le fouet, appliquer sans réserve la peine de mort, tout cela en toute tranquillité. La forme intégriste du sunnisme des terroristes s’inspire de leur vision religieuse. Mais tout cela a peu d’importance, l’essentiel est de bénéficier de leur pétrole, de leurs achats d’armes – même si leur utilisation en n’est guère performante – , de leur docilité.

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