Les deux polices

Manifestant aux mains de la police
(Photo AFP)

Le rôle de la police dans l’ordre public et les limites de la répression à laquelle elle est autorisée ont toujours soulevé de délicats problèmes que le pouvoir politique, quel qu’il soit, s’efforce de balayer sous le tapis. Le degré de violence atteint ces années-ci par la société française mérite que la vérité soit faite dans tous les cas : abus des forces de l’ordre, agressivité excessive des manifestants.

LE PUBLIC est versatile. Il aime les « flics » qui le protègent contre le terrorisme, les bandits, les escrocs, voleurs et assassins. Il ne les aime pas quand ils battent des manifestants ou leur envoient des projectiles qui leur font perdre un œil ou une main. On a certes pensé à limiter les armes utilisées par les policiers, à les rendre moins dangereuses. Mais les principaux intéressés, ceux qui se retrouvent souvent cernés par des manifestants, des grévistes ou des black blocs qui ne font pas de quartier, affirment qu’en les privant de lanceurs de balles de défense (LBD), on les met en danger mortel. Compte tenu des tensions extrêmes qui existent aujourd’hui partout dans le pays, n’est-il pas nécessaire de réviser sérieusement les protocoles de ce qui ne peut avoir pour nom que répression ? Nous y sommes tous favorables, tout en écoutant attentivement ce que disent les policiers eux-mêmes, soumis depuis près de deux ans à une épreuve de force interminable par des manifestants transformés en guerriers, qui comment des actes de délinquance inédits et auxquels la justice se contente de taper sur les doigts. Je n’hésite pas à rappeler qu’au bout de quinze mois d’émeutes, l’ordre a toujours été rétabli sans mort d’homme.

Complexes réalités.

On ne minimisera pas la nature des blessures subies par les manifestants. Il y a eu des gens éborgnés ou amputés. Il y a aussi des cas, comme le plus récent, celui d’un livreur plaqué au sol pour une raison obscure et qui, dans la bagarre, est mort étouffé. C’est inacceptable, il faut que les policiers impliqués soient punis. Vraiment ? Il ne serait pas excessif de leur part qu’ils se sentent collectivement punis par une sanction individuelle, qu’ils se fâchent, qu’ils refusent d’opérer dans des conditions qui aggraveraient les risques de leur métier. Pas la peine de dire que le gouvernement n’a pas le courage de les sanctionner, ni la justice de les condamner : cela a toujours été le cas. On se passerait bien des manifestants, les policiers, eux, sont indispensables. Faut-il pour autant accepter comme inéluctable le risque de manifester ? Dès lors que la manifestation est un droit inscrit dans la Constitution, on ne voit pas pourquoi elle exposerait le manifestant à un quelconque danger. Donc les policiers sont censés, dans le chaos d’une bataille rangée, de trouver la juste pression qui ramène le calme sans atteinte physique à ceux qui les attaquent. Mais ce sont des flics, pas des artistes dotés dune large palette de nuances. Il est temps peut-être d’affronter ces réalités complexes.

Des policiers aimés, puis haïs.

Les Français sont champions lorsqu’il s’agit de brûler ce qu’ils ont adoré. En 2015, des actes terroristes les ont poussés dans les bras des CRS, qu’ils embrassaient éperdument dans la rue. Aujourd’hui, les grévistes affichent des pancartes sur lesquelles s’affichent des convictions sinistres, comme « Flics, suicidez-vous ! » ou « À mort la police ! ». Vous aurez tous remarqué que le suicide est plus répandu dans les forces de l’ordre que dans le public en général, ce qui donne une idée du stress qui affecte des hommes et des femmes soumis à un labeur acharné, à la peur quotidienne, à un danger réel, par exemple aux barrages routiers que d’aucuns veulent forcer, quitte à tuer un policier au passage. Pour une partie du public qui perd la raison et toute forme de civisme, faut-il envoyer des policiers désarmés à la bataille ? Faut-il qu’un manifestant perde un œil ou qu’il soit estropié ?

Peser le pour et le contre, c’est l’affaire de la justice, dont le symbole, justement, est une balance. Les juges aussi sont débordés et, après tout, ils ne font pas la loi, c’est le rôle des parlementaires. Vous me permettrez de suggérer qu’avec moins de manifestations, nous aurions moins de problèmes. Ce qui nous renvoie à cet épisode des gilets jaunes où une dame relativement âgée, appartenant au groupe ATTAC, a refusé de quitter l’endroit où elle se tenait avec d’autres militants très remontés. Un policier leur a lancé trois ultimatums, après quoi les policiers ont chargé la foule. La dame a été renversée, blessée gravement à la tête, hospitalisée. Elle n’est rentrée chez elle qu’au bout de plusieurs semaines. La police a juré qu’elle n’avait pas été bousculée. Mais une cruelle video a prouvé le contraire. C’est  la peinture éclatante d’un malheur contemporain.

RICHARD LISCIA

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