La politique de l’intimidation

Jeux de mots ?
(Photo AFP)

L’indéniable affaiblissement du mouvement de protestation contre la réforme des retraites incite les irréductibles à recourir à diverses formes d’intimidation.

LA LOI ne prévoit pas que des non-grévistes soient empêchés de travailler par les grévistes ; elle n’accorde à aucun citoyen d’autres droits que le vote individuel et secret ; elle n’accepte pas les blocages de port ou de raffinerie ;  elle récuse les visites menaçantes d’une poignée de cégétistes dans les locaux de la CFDT ; elle n’admet pas qu’une ou plusieurs ministres soient chahutées pendant leur discours ; elle n’approuve pas qu’une représentation soit interrompue par une invasion de manifestants sous le prétexte que le président de la République y assiste. On analyse ces événements qui ne méritent que le qualificatif d’odieux. Ils prouveraient qu’Emmanuel Macron, qui a pris ses distances avec la réforme des retraites pour la confier à Édouard Philippe, est forcé d’y replonger. Et alors ?  Les actes commis la semaine dernière sont-ils licites ? Ne témoignent-ils pas plutôt du désespoir des manifestants qui, incapables d’étendre leur protestation à l’ensemble de la population, essaient de lui imposer son ralliement ?

Le seul argument du débat social.

Et à l’intimidation, s’ajoute l’hypocrisie des lâches. Ils défendent nos retraites ! C’est pour notre bien ! Ils se sacrifient pour nous ! Ils rendent les black blocs obsolètes : ils les ont largement dépassés en férocité. En réalité, la violence et les imprécations proférées en ville ou sur les réseau sociaux n’ont pour objectif que de porter à ébullition le climat politique, à faire du mécontentement, de la haine plutôt, le seul instrument du débat social. La descente à la CFDT a été déplorée par Laurent Berger. Il s’exclame : il ne supporte plus que, en France, un point de vue, exprimé par une organisation syndicale et dans le cadre de la libre expression, cloue au pilori la même organisation ; que la somme des cris et des coups noie la contradiction et conduit à la glorification des délinquants ; que la force se déploie au mépris de la raison pour forcer le destin. En offrant une alternative à sa base, en restant d’un calme olympien, dans les pires circonstances et malgré son exaspération, en continuant à négocier, à prendre le temps de modifier la position du pouvoir, la CFDT apparaît, au cœur du chaos, comme un espoir, ou au moins comme la lueur au bout du tunnel. La question ne concerne plus la réforme, mais le choix de société que la France veut faire et qu’elle ne peut exprimer qu’à la faveur des scrutins à venir.

Un rêve : ne rien faire.

À quoi s’ajoute l’incendie criminel de la Rotonde à Paris, façon de détruire l’endroit où Macron avait célébré sa victoire au premier tour en 2016. On commet des exactions prétendument symboliques mais qui ruinent un restaurant, ses employés et le reste. Croit-on que le président de la République est épouvanté et qu’il cèdera à la plus ignoble des provocations ? On ne change le monde ni en hurlant, ni en privant les ministres de parole, ni en jetant blouses blanches et noires au nez de ceux qui tentent d’engager le dialogue. Les manifestants ont tout essayé, ce qui est autorisé et ce qui ne l’est pas. Ils vont à la protestation comme s’ils montaient au front. D’aucuns se contentent de protéger des « avantages acquis », d’autres défendent le pécule amassé par leurs caisses de retraites. Le corporatisme triomphe avec la certitude des égoïstes qui se moquent, en fait, des inégalités sociales. Ils nourrissent leur conviction d’un fatras de fausses nouvelles. Ils se repaissent de leur propre détermination. Les plus jeunes, y compris ceux qui n’ont pas encore rejoint le monde du travail, font de la retraite le paroxysme de leurs revendications, un peu comme s’ils n’avaient d’autre rêve que de ne rien faire toute leur vie. La retraite à vingt ans ? Plus le projet devient dément, plus la revendication est musclée. La force est l’argument, la déraison le véhicule, l’utopie l’objectif.

RICHARD LISCIA

 

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