Coups de poing

Laurent Brun
(Photo AFP)

Si le retour au fonctionnement normal des transports en commun semble chose acquise, il règne sur le pays une atmosphère délétère, les syndicats protestataires ayant trouvé de nouvelles méthodes pour exprimer leur opposition.

OPÉRATIONS « coup de poing » de la CGT contre la CFDT (à deux reprises), coupures de courant, brèves mais lassantes (le train reliant Orly à Roissy a cessé de fonctionner toute la matinée), promesses de reprendre le combat par de nouvelles grèves : le pays, comme on le répète un peu partout, est en situation « pré-révolutionnaire ». Les perturbations sont désagréables, le pouvoir est confronté à une colère populaire qu’il ne parvient pas à apaiser, et les références du passé se multiplient dans les analyses de nos meilleurs experts. D’aucuns, cependant, relativisent la crise actuelle en rappelant mai 68, ou la fin de la guerre d’Algérie, avec son cortège d’attentats contre de Gaulle, le putsch raté de mai 1958, la scission profonde entre partisans de l’Algérie française et anti-colonialistes : une période pendant laquelle la République a failli sombrer. Il est vrai qu’existe aujourd’hui une menace plus terrible : celle du terrorisme, qui, aussi redoutable qu’il soit, n’a jamais empêché les formes de violence auxquelles recourent les manifestants.

Le feu idéologique.

On ne peut rien exclure, d’autant que la CGT semble totalement acquise à l’idéologie communiste, ce qui pourrait être considéré comme un prodigieux anachronisme. Mais, si elle y croit et, si son objectif est d’éliminer le président, elle entretiendra un climat d’exaspération qui ne risque pas de renforcer la stabilité du pays. Qui est responsable de ce chaos post-grève ? On rapporte que Philippe Martinez n’est pas un séditieux, qu’il se contente de laisser faire sa base, mais dans les hautes instances du syndicat, quelques hommes, comme Laurent Brun, chef des cheminots de la CGT, attise, avec une volonté inébranlable, le feu idéologique. L’opinion se perdra dans les informations de coulisse qui évoquent les batailles feutrées au sein des syndicats. Le tableau général est plus important. La CGT, en effet, n’a pas craint de faire deux descentes au siège national de la CFDT dont le seul tort à ses yeux est d’avoir des convictions réformistes, ce qui a nui, certes à l’unité syndicale, mais l’organisation dirigée par M. Martinez ne fait qu’aggraver la désunion.

On tape sur tout le monde.

C’est dans l’air du temps : on tape sur tout le monde et on ajoute sans cesse aux effets inquiétants de la crise des propos venimeux contre le gouvernement. On ne voit pas pour autant que la fameuse « convergence des luttes » se confirme, pas plus que l’exécutif, qui a envoyé le texte de la réforme des retraites, encore inachevé, à l’Assemblée nationale pour qu’elle l’examine, ne s’est cru obligé de freiner sa marche. Ce n’est, de la part du gouvernement, ni du courage ni de la témérité, c’est une façon de riposter à l’aversion syndicale et populaire qu’il inspire par  le sang-froid, manière de dire aux Français : »Nous avons le droit avec nous, et nous poursuivons notre chemin contre vents et marées ». Autrement dit, à l’outrance des batailles de rue, de la casse et des agressions, le président et le Premier ministre répondent par la continuité politique, un peu comme s’ils ne savaient pas ce qui se passe en France, comme s’ils étaient assoupis les yeux ouverts, conscients de la crise, mais la jugeant exagérée, et n’envoyant leurs coups qu’au bon moment, de façon à prendre de court les oppositions qui déversent sur eux des tombereaux de propos assassins.  À n’en pas douter, il y a, dans ce théâtre d’ombres et d’insistante clameur, une part comique qui, ailleurs, suffirait à ridiculiser les acteurs. Un jour viendra peut-être où, de même que la foule est allée l’autre soir au théâtre pour huer Macron, de même ceux que lasse cette incroyable pantalonnade finiront par lancer des tomates pourries à Mélenchon, Martinez, Marine Le Pen, Dupont-Aignan et tous leurs complices en « pré-insurrection ».

Bref, ce n’est pas drôle, malgré ce comique de situation qui donne parfois à rire, mais les révolutionnaires en herbe, qui ont toujours existé, n’ont peut-être pas la carrure pour changer le cours de l’histoire. Il n’y a certainement pas de quoi s’enthousiasmer pour un président qui a mal géré cette crise, mais, si on le juge affaibli, comment ne pas porter son regard sur ses opposants, une bande de Tartarins, qui demandent qu’on les retienne pour qu’ils ne fassent pas un malheur.

RICHARD LISCIA

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