La vengeance de Jean-Marie

Le Pen intraitable
(Photo AFP)

Le ministère de l’Intérieur a accepté de rembourser à Jean-Marie Le Pen le solde de la dette contractée auprès de lui par le Rassemblement national.

IL Y A la politique et il y a les gros sous. Exclu du Front national en 2015, Jean-Marie Le Pen avait quand même avancé six millions d’euros au FN pour la campagne présidentielle de 2017. L’année dernière, il avait obtenu du Rassemblent national, et de haute lutte, la somme de 1,8 millions. Elle lui a paru insuffisante et il est alors parvenu à conclure avec sa fille un « accord de créance » pour le solde. Puis il a demandé au ministre de l’Intérieur que, des 5,5 millions d’euros que l’État doit au RN au titre des fonds accordés aux partis politiques en 2020, soient déduits les 4,2 millions restants. Or la justice, qui poursuit le parti d’extrême droite pour une affaire d’emplois fictifs, avait bloqué 2 millions d’euros l’an dernier pour financer d’éventuels dommages et intérêts, situation que Marine Le Pen avait décrite comme un  » assassinat politique ». Pour le RN, c’est une très mauvaise affaire parce qu’elle le prive de fonds indispensables pour conduire les campagnes des municipales, des régionales puis des législatives et présidentielle de 2022.

Un roman balzacien.

L’affaire se déroule dans une sorte de saga balzacienne où père et fille ne se font pas de quartier. Jean-Marie n’hésite jamais à critiquer la politique menée par sa fille, semblant lui préférer Marion Maréchal qui, pourtant, a abandonné le nom de Le Pen qui figurait dans son patronyme. Comment Marine, que pas mal de gens voient déjà en tête à la présidentielle de 2022, va poursuivre son ascension irrésistible, est une question qu’aucun d’entre eux ne se pose. Elle est pourtant très sérieuse. La dette contractée avec le père n’est pas la seule du RN, qui attend toujours de savoir ce qu’il devra payer à la justice pour les emplois fictifs européens. Sauf à se tourner vers des banques russes, ce qu’il a déjà fait avec un succès mitigè, car une dette, tôt ou tard, doit être remboursée avec des intérêts, on ne voit pas qui volera à son secours. Le seul fait qu’elle ait recouru à la  générosité limitée de son père, dont la présence est pour elle un fardeau, alors que lui-même, en pleine forme, continue à sévir dans les médias, suffit à montrer que, sur le plan financier, le Rassemblement est aux abois.

Politique de Gribouille.

Les électeurs du RN verront dans l’histoire une grande injustice dès lors qu’elle prouve que l’argent est le nerf de la politique, ce qui, effectivement n’est pas digne d’une démocratie. L’État fait ce qu’il peut pour contenter Jean-Marie Le Pen qui n’a peut-être pas besoin de cet argent. On se demande comment il en a tant amassé pendant les décennies où il dépensait bien plus qu’il ne le gagnait. Mais à propos de démocratie, il faut principalement retenir le fait qu’il existe pour les partis politiques, sans distinction de tendance, une aide financière de l’État qui représente une disposition nationale propre à réduire les disparités entre les moyens des uns et des autres. Il faut donc se réjouir de cette aide et se demander plutôt comment la gestion des fonds des partis les conduit parfois (souvent) à violer la loi. Certes, la « générosité » du gouvernement à l’endroit de M. Le Pen est factice : il est satisfait de porter un coup RN, son principal rival. Mme Le Pen n’est victime que des dépenses et des emprunts nourrissant ses ambitions, qui sont grandes mais ne sont pas financièrement à sa portée. Bien entendu, les manipulations auxquelles se livre le RN ne l’ont jamais discrédité. Il trouve des suffrages à la pelle, et il se présente comme le premier parti de France. Dans les critiques adressés à Emmanuel Macron et à la République en marche, dans l’espoir de les éliminer et de les voir disparaître à jamais, il y a une attitude capable d’accorder le pouvoir à l’extrême droite dans deux ans. C’est la politique de Gribouille : pour échapper à Macron, nombre de nos compatriotes se fichent comme d’une guigne du possible triomphe de Marine Le Pen en 2022.

RICHARD LISCIA

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