REM : défaite probable à Paris

Villani (au centre)
(Photo AFP)

Qu’est-ce qui peut bien expliquer la bataille qui oppose Cédric Villani (REM) à Benjamin Griveaux (REM) sinon que leurs ego ont pris le pas sur leur raison ? Emmanuel Macron lui-même n’a pas réussi à convaincre M. Villani de se désister. L’issue, dans ces conditions, est claire : Anne Hidalgo sera réélue.

BENJAMIN Griveaux détient, selon la moyenne des sondages d’opinion, une avance indiscutable sur son opposant de l’intérieur, Cédric Villani. Lequel a répété, à sa sortie de l’Élysée, qu’il se battrait « jusqu’au bout ». Qu’est-ce que cette expression signifie, sinon qu’il va tout faire pour que la République en marche soit battue à Paris lors des élections municipales, Paris où M. Macron, en 2017, a recueilli 80 % des suffrages ? M. Villani, en effet,  n’a  pas prouvé qu’il était le meilleur candidat de la REM dans la capitale, alors qu’il ne cesse d’affirmer son attachement au mouvement et à M. Macron, qui a fait de lui l’homme politique qu’il est aujourd’hui. Il se conduit néanmoins comme un leader de l’opposition. Divers députés ont quitté la République en marche pour mieux marquer leur soutien au mathématicien, décoré de la médaille Fields. Si l’on en croit les enquêtes, il n’a aucune chance de l’emporter au second tour.

Villani, Griveaux : aucun rapport.

Il n’est pas impossible que, pour exprimer sa loyauté au mouvement, il décide au terme du premier tour de rejoindre Benjamin Griveaux. Mais les électeurs ne sont pas des pantins que l’on peut manipuler à sa guise. Car il y a de grosses différences entre Villani et Griveaux. Ils n’ont pas le même programme et, à la candeur, la sincérité (un peu obsessionnelle), à la ferveur du premier, le second oppose son assiduité dans la campagne, un sens tactique plus élaboré et une bonne notion de ses priorités. Or tout montre que si Villani et Griveaux n’avaient été qu’un seul homme, ils seraient largement en tête. À la suite du sondage publié il y a quelques jours dans le « Journal du dimanche », en est paru un autre qui resserre les écarts entre les candidats. Pour une raison évidente : l’électorat n’aime pas qu’on le promène. Il n’aime pas que le président fasse mine d’ignorer la querelle suicidaire au sein de la REM à Paris, pour ensuite, mais trop tard, intervenir en force en convoquant Villani à l’Élysée. Toujours avec la certitude qu’il était capable de faire plier son interlocuteur alors qu’il avait affaire à un bloc de marbre, plus entêté, plus sûr de lui, plus imprégné de lui-même qu’il ne le croyait.

Une affaire qui relève de la farce.

Le président n’a donc pas su jouer cette partie en changeant, mais sans effet, de stratégie. Et ce n’est pas tout : le sort de Lyon est incertain à cause de la bagarre entre Gérard Collomb et son ancien ami David Kimelfeld. À Biarritz, deux membres du gouvernement sont candidats l’un contre l’autre. Les alliances, tantôt à droite, tantôt à gauche, n’ont aucun sens pour l’électeur qui ne saura pas pour qui il vote ni ce qui distingue un candidat REM d’un autre candidat REM. C’est un tableau époustouflant qui relève de la farce et que ne renierait pas Alfred Jarry.  Les élections municipales contiennent un enjeu sérieux, celui de l’avenir immédiat. Il valait mieux pour M. Macron qu’il partît pour les élections générales de 2022 après un succès, fût-il relatif, aux municipales. D’autres sondages montrent néanmoins que sa cote de popularité se situe à 36 %, ce qui, après les avanies des trois premières années de son mandat, n’est pas le pire des scores. Cela s’appelle gâcher ses atouts. Peut-être a-t-il donné trop de liberté aux candidats de la REM. Ce qui est sûr, en tout cas, c’est que Villani se bat sur une ligne de crête : un candidat aux municipales ne doit pas être investi par le chef de l’État car le chef de l’État ne doit pas se mêler de tout. Cela s’appelle revendiquer son libre-arbitre. Mais à quel prix ?

RICHARD LISCIA

 

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7 réponses à REM : défaite probable à Paris

  1. D.S. dit :

    Il me semble que la méthode de LREM a été la bonne. Les primaires ont prouvé leur contre productivité (Fillon et Hamon ont perdu la présidentielle). Quand aux décisions prématurées d’état major, elles sont moralement choquantes et pas toujours gagnantes (Royal a perdu à La Rochelle). Macron a cette fois choisi de laisser les deux prétendants livrer la bataille des sondages. C’était une bonne idée, à condition que les sondages soient réellement indépendants. Je soutiens Villani d’avoir maintenu sa candidature un certain temps. Mais je ne le soutiens plus de la maintenir maintenant. Petit parallèle pour ceux qui suivent la formule 1. A une époque, les consignes d’équipe intervenaient en fin de saison, quand le 2ème n’avait plus aucune chance et que le 1er avait besoin d’un petit coup de pouce pour l’emporter. Aujourd’hui, les consignes d’équipe interviennent en début de saison et dénaturent complètement l’esprit de la compétition. Pour conclure, bravo à Macron pour sa victoire individuelle de 2017. Et dommage que beaucoup de Français remettent en cause sa légitimité.

  2. mathieu dit :

    Chaque fruit porte en lui-même le ver qui va le ronger. La REM, ni à droite ni à gauche (au moins dans ses fonds baptismaux), mais un peu dans les deux, au Centre…sans y être vraiment, parti politique…qui n’en est pas un, mouvement fer de lance…de la liberté de mouvement et du « dégagisme », ennemi des appareils de partis… portait en elle-même les germes de son auto-destruction et les bases de sa pulvérisation électorale! Pas complètement aveugle, cette république du renouveau s’est tout de même sagement raccrochée à quelques valeurs sûres du « vieux monde », de droite (Ollier, Moudenc), ou de gauche (collomb)…

  3. vultaggio-lucas dit :

    M. Villani « ne cesse d’affirmer son attachement au mouvement et à M. Macron, qui a fait de lui l’homme politique qu’il est aujourd’hui. Il se conduit néanmoins comme un leader de l’opposition. » nous dites-vous. N’est-ce pas là une sorte d’exemple du fameux « en même temps » d’EM: il est attaché à la REM dont il a été exclu, à son « leader » à qui il doit sa « carrière » politique et il se conduit comme un opposant (au moins aux municipales parisiennes)? Pour information, »l’ambivalence », décrite par Bleuler, une sorte de « en même temps psychopathologique » où dans le psychisme d’une personne se présente tout et son contraire (aimer/haïr, faire/ne pas faire, marcher/ ne pas marcher, etc), est un symptôme majeur du syndrome discordant des psychoses schizophréniques entres autres.

    Réponse
    Comme vous y allez ! M. Macron a tenté de convaincre Cédric Villani, qui n’a rien voulu entendre. Ce faisant, il a trahi Macron, ce qui n’a rien à voir, à mon avis, avec une psychose schizophrénique chez lui ou chez le président. Du coup, la REM a exclu M. Villani, qui ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre, c’est-à-dire qu’il ne saurait avoir le soutien de la REM pendant qu’il divise le mouvement.
    R. L.
    R. L.

    • vultaggio-lucas dit :

      Je ne permettrais pas de porter un tel diagnostic de « psychose schizophrénique » sur l’une ou l’autre des deux personnalités citées sans un véritable examen médico-psychiatrique des personnes. Seul, me semble-il, un journaliste a pu demandé à M. Villani s’il était « autiste ». Je ne voulais faire qu’une simple comparaison qui n’est pas raison, voire un lien entre le fameux « en même temps » et « l’ambivalence » de cette psychopathologie…

      • Michel de Guibert dit :

        L’autisme asperger et les mathématiques font bon ménage !

        • vultaggio-lucas dit :

          Si toutes les personnes présentant un syndrome d’Asperger présentaient une intelligence exceptionnelle et non « spécialisée » dans un domaine bien particulier, peut-être que nous n’aurions plus besoin de l’ENA… je plaisante,bien sûr… J’ai rencontré un jeune homme qui découpait dans le quotidien tous les résultats des élections de son département et les classait sous son lit. Sa mère a dû faire le ménage…

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