Trump sort son plan

Trump et Netanyahu
(Photo AFP)

Annoncé triomphalement par Donald Trump en présence du Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, le plan de paix au Proche-Orient concocté par les États-Unis est conforme aux idées mais aussi au caractère du président américain, qui entend bien en faire un argument essentiel dans sa campagne électorale.

LE PLAN entérine l’appartenance de Jérusalem comme seule capitale de l’État juif ; il avalise l’annexion du Golan ; il ne change rien aux colonies qui abritent un demi-million d’Israéliens. Il n’envisage un échange de territoires que sous la forme d’un lien, route ou tunnel, entre Gaza et la Cisjordanie. Les Palestiniens l’ont aussitôt rejeté et ont manifesté. L’Arabie Saoudite y voit surtout le point de départ d’une négociation et encourage les Palestiniens à y participer : le projet de M. Trump établit donc d’emblée un clivage entre, d’un côté Israël, l’Arabie et l’Égypte, de l’autre La Syrie, l’Iran, probablement l’Irak. Néanmoins le seul fait qu’une partie du monde est divisé sur la proposition de Donald Trump laisse encore une chance à son plan, même si les Palestiniens, comme ils s’en doutaient, se retrouvent dans une position désespérée.

Plaies ouvertes.

C’est d’ailleurs parce qu’il avait acquis le soutien d’une petite partie du monde arabe que Trump a annoncé des décisions qui ressemblent fort à des faits accomplis sur des sujets, comme Jérusalem, les colonies et le Golan qui sont ressentis comme des plaies ouvertes par le monde arabo-musulman. À première vue, le plan accorde à Israël tout ce qu’il réclame et ne donne rien de tangible aux Palestiniens. Il se présente, sous cet angle, comme un message aux Palestiniens, modérés ou non : vous avez perdu la partie. Il s’agit donc d’un document moins historique, comme le répète Trump à satiété, qu’une provocation qui ne prend en compte que les revendications israéliennes, sans même que Trump ait pris la peine de présenter des approches ou des formules qui auraient promis aux Palestiniens des avancées dans le cadre de la négociation.

Un risque.

La diplomatie française a réagi prudemment en rappelant qu’elle soutient le retour aux frontières de 1967, reconnues par l’ONU. Si l’annexion de Jérusalem, la construction des colonies et l’annexion du Golan (syrien) sont illégales du point de vue international, on pouvait encore envisager un échange de territoires entre Israël et la Cisjordanie. Une telle avancée peut résulter d’une négociation, mais Trump n’en a rien dit. Un certain nombre de pays seront tentés de soutenir les Palestiniens sans condition. Les Européens, pour leur part, ont la possibilité d’influencer d’éventuels pourparlers pour que la soupe servie aux Palestiniens soit moins saumâtre. Le problème est que la diplomatie selon Trump est une une voie à sens unique ; qu’il a lancé son plan pour sa gloriole personnelle plus que pour la paix au Proche-Orient, à laquelle le simple bon sens ne permet pas de croire pour le moment. En promettant un peu vite la fin des violences, Trump séduira sa clientèle évangéliste sur laquelle il compte pour gagner son second mandat et faire oublier le procès intenté contre lui au Sénat après l’impeachment prononcé par la Chambre des représentants.

Il est vrai qu’il prépare depuis plus d’un an ce plan mirifique et qu’il a reçu l’onction de quelques pays arabes. Dans sa conception du Proche-Orient, la victoire qu’il accorde à Israël, c’est aussi la défaite de l’Iran et du Hezbollah. Malheureusement le nombre d’ennemis que l’État juif compte dans la région est beaucoup plus élevé que celui de ses amis. De sorte qu’en prenant de court le monde entier, y compris les Russes et les Européens, Trump risque de déclencher une guerre, pas diplomatique cette fois.

RICHARD LISCIA

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8 réponses à Trump sort son plan

  1. admin dit :

    Anne-Marie Baron dit
    J’ai enfin compris ! Merci, Richard.

  2. Laurent Liscia dit :

    Il y a en tout cas une continuité « trumpienne », marquée par le cynisme électoral. Il est fort possible qu’à la faveur du gouffre sanglant et grandissant entre puissants sunnites (Al Saoud) et chiites (Iran), la pression sur une bonne partie des voisins d’Israël (Jordanie, Egypte, peut-être même Turquie) soit telle qu’ils participeront à un processus de négociation élargi. Les Palestiniens pourront alors demander des concessions.
    C’est la version optimiste de ton blog 😉

  3. Dr Beretvas dit :

    Comment Israël peut-il faire des concessions à un ennemi qui ne reconnaît pas son existence?
    Tant que l’Autorité Palestinienne et le Hamas n’auront pas intégré cette donnée dans leur attitude, aucun plan quel qu’il soit ne pourra être débattu.

    • Michel de Guibert dit :

      L’OLP et l’Autorité Palestinienne avaient reconnu l’existence de l’Etat d’Israël en 1988.

      Réponse
      Pas vraiment.Il n’y a eu aucun acte officiel de reconnaissance.
      R.L.

      • Michel de Guibert dit :

        Oui, en effet une simple déclaration publique en 1988, mais confirmée ensuite le 13 septembre 1993 par les accords d’Oslo.
        Réponse
        Suivis d’une violence sans fin.
        R.L.

        • Michel de Guibert dit :

          Certes, et de l’autre côté Benyamin Netanyahou s’est vanté d’avoir fait échouer les accords d’Oslo au moyen de fausses déclarations et d’ambiguïtés…

          • Alan dit :

            Les Palestiniens parlent de Netanyahou comme d’un démon, mais avant lui il y a eu beaucoup de dirigeants israéliens (travaillistes notamment) avec lesquels ils n’ont pas davantage voulu faire la paix.

          • Michel de Guibert dit :

            Oui, Alan, c’est vrai à une certaine époque, mais ensuite Yitzhak Rabin, Premier ministre israélien, a été assassiné le 4 novembre 1995, à la fin d’une manifestation pour la paix en soutien aux accords d’Oslo sur la place des Rois d’Israël, à Tel-Aviv… puis Shimon Peres a été battu en 1996 par Netanyahou… puis avec son arrivée au pouvoir ce furent les implantations des colonies israéliennes en Cisjordanie et la paix qui s’éloignait…

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