Virus : municipales torpillées

Philippe en ballottage
(Photo AFP)

Le premier tour des élections municipales aura été une parodie de scrutin : l’abstentionnisme a atteint 54,5 % pendant que les électeurs, tirant profit d’une belle journée, se promenaient dans les rues, sans tenir compte des consignes sanitaires du gouvernement et du corps médical.

EMMANUEL Macron et Édouard Philippe en ont conçu une belle fureur et décidé d’accentuer les « gestes-barrières », le confinement des familles, l’interdiction de sortir sans bonne raison. En même temps, les milieux médicaux soulignaient l’aggravation de l’épidémie, avec un nombre de cas en hausse et un nombre de décès également plus élevé. Jusqu’à présent, les consignes de confinement ont été traitées par l’indifférence, ce qui n’a pas empêché nos concitoyens de se ruer sur les supermarchés pour faire le plein de victuailles et d’objets de première nécessité, au mépris du risque de contagion. Le pire, c’est la ruée sur les carburants, qui pourtant ne manquent guère. Encore un symptôme du bouleversement de la pensée  populaire, limitée par l’ignorance et par le refus de s’adapter aux conditions de vie que nous impose le virus.Le pessimisme qui a saisi la classe politique dimanche a créé une sorte de consensus : tout le monde souhaite que le second tour des municipales soit reporté. L’exécutif ne devrait donc pas rencontrer des difficultés pour faire appliquer une éventuelle décision à ce sujet, sauf que d’aucuns posent leurs conditions : tous veulent que cela aille très vite, Marine Le Pen veut conserver les villes acquises par le Rassemblement national au premier tour et Rachida Dati exige que le pouvoir prenne sa décision immédiatement. Un nouveau Conseil de défense se réunit aujourd’hui à l’Élysée et le président de la République, de nouveau, va prononcer ce soir à 20 heures un discours dans lequel, loin de partager son chagrin avec le peuple, il va le semoncer.

Une versatilité partagée.

Quoi qu’il en soit, les résultats du premier tour indiquent une progression du Rassemblement national et des écologistes, le maintien de LR sur ses positions, un affaiblissement inévitable de la République en marche, même au Havre où Édouard Philippe arrive en tête mais aura du mal à vaincre le communiste qui brigue la mairie avec le soutien d’une coalition. À Paris, Anne Hidalgo semble assurée d’obtenir un nouveau mandat, malgré la hargne de Rachida Dati et la bonne campagne qu’a faite Agnès Buzyn.  Le report probable du second tour pose en outre des problèmes d’organisation, de droit constitutionnel et d’exercice de la démocratie. Le virus étant passé par là, la France est confrontée à à une équation électorale qui n’a que peu de précédents pour cause d’encombrement du calendrier électoral. Chaque fois qu’un report a été décidé, le pays s’y est préparé longtemps à l’avance et non dans la panique. De toute façon, un projet de loi est nécessaire. La question portant sur les élus du premier tour doit être examinée par des juristes constitutionnels. On remarquera en tout cas que les partis d’opposition, qui réclamaient le maintien des deux tours samedi encore, ont brusquement changé d’avis dimanche, parce que les informations sur l’épidémie sont devenues très alarmantes. Ils accusaient le gouvernement de vouloir escamoter un rendez-vous électoral qui ne lui est pas favorable, ils l’accusent aujourd’hui de ne pas savoir ce qu’il veut. Mais lequel d’entre nous sait ce qu’il veut ? La versatilité est très largement partagée dès lors que le sujet est traité par l’ignorance, alors que seule la médecine française peut nous dire ce qu’il faut faire à chaque instant.

Le fléau fait un miracle.

Derrière l’épidémie, sans doute la plus grave depuis la grippe de 1918, qui a fait des millions de morts, aucun gouvernement français n’a été confronté à un problème d’une telle ampleur. Mais on voudrait quand même que celui d’Édouard Philippe ait réponse à tout : qu’il jugule l’épidémie, même si les Français sont de toute évidence très indisciplinés et se conduisent d’une manière égoïste, qu’il organise un premier tour, mais pas le second, qu’il perde le scrutin, même s’il n’a pas tout à fait eu lieu. Entretemps, les griefs classiques contre le pouvoir ont disparu. Miracle produit par un fléau à la fois mystérieux et terrifiant. Mais bon, on n’est pas à court de critiques. Voilà que le report du second tour, un casse-tête juridique, permet de retrouver du souffle pour brailler. Ceux qui n’ont pas voté et sont allés se promener estiment sans doute qu’ils ne sont pas suffisamment protégés par ce pouvoir et par le système médical français.

RICHARD LISCIA

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Une réponse à Virus : municipales torpillées

  1. Michel de Guibert dit :

    Le premier tour des élections municipales n’aurait jamais dû être maintenu.
    Dès jeudi soir, il était clair qu’il fallait reporter les élections…

    Réponse
    Clair pour vous. Pour ma part, je ne suis pas surpris de ce que les événements changent constamment et d’heure en heure.
    R. L.

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