Déliquescence américaine

Trop, c’est trop ?
(Photo AFP)

Ce matin, on compte 189 633 cas de contamination aux États-Unis contre 52 836 en France (avec un nombre décès de 3 523). Or La France s’approche du pic alors que les Américains en sont loin et craignent 100 à 200 000 morts avant la fin de l’épidémie.

CES NOMBRES traduisent l’impuissance de l’administration et des services de santé américains. Ils montrent qu’un retard a été pris par Donald Trump au début de la pandémie. Pendant plusieurs jours, il n’a cessé de minimiser la gravité du phénomène causé par ce qu’il se contente d’appeler le « virus chinois », comme si la Chine avait organisé la contamination de la planète. Le président des États-Unis a en outre misé sur le mauvais cheval : face au désastre annoncé, il a choisi de protéger l’économie qui, il y a encore un mois, se trouvait dans une situation extraordinairement florissante. Il a donc injecté deux mille milliards de dollars dans l’économie de son pays, omettant d’attribuer au moins une partie de cette somme à la protection sanitaire de ses concitoyens. Il y a pas eu de débat outre-Atlantique sur les moyens, masques, respirateurs, lits de réanimation et surblouses médicales. On n’a jamais assisté à un vent de panique aux États-Unis, pays très décentralisé où le confinement n’a été ordonné que dans la moitié des États, alors qu’il s’agit d’une crise évidemment fédérale et, aujourd’hui encore, beaucoup d’Américains n’ont pas vraiment compris qu’ils étaient exposés à une épidémie, de sorte que la discipline du confinement est vécue avec nonchalance.

Trump atteint dans ses forces vives.

Donald Trump a été incapable d’enrayer la chute de la bourse et la brusque montée du chômage (plus de trois millions de personnes ont perdu leur emploi en deux semaines). Son autorité et sa crédibilité sont donc atteintes dans un secteur pour lui essentiel : sa capacité à faire tourner l’économie. Au moment où les démocrates se rallient à un candidat unique, en l’occurrence Joe Biden, le roi est nu à sept mois des élections générales. Trump ne pourra pas brandir son trophée principal, le plein emploi et la prospérité. Il ne pourra pas faire campagne sur la puissance américaine car, pour la première fois, ses analyses taillées à la hache et ses assertions mensongères ne relèvent plus du verbiage des réseaux sociaux, mais de prises de position qui auront fait des milliers de morts dont il sera comptable. Inutile d’aller lui faire un procès au Congrès : la population rendra son verdict en novembre. Nous n’irons pas jusqu’à prédire sa défaite, mais elle devient probable alors qu’il y a à peine un mois elle semblait impossible.

Une chance de plus pour Biden.

Joe Biden n’incarne pas vraiment ce que l’extrême gauche américaine attend de lui. Il a distancé ses concurrents les plus sérieux, Bernie Sanders et Elizabeth Warren, qui ont vainement essayé de plaquer sur une société adoratrice du marché une planification d’inspiration socialiste. Il incarne en revanche ce que les Américains, surpris de leur propre audace quand ils ont élu Obama, puis Trump, lesquels se situent chacun à l’une des deux pointes extrêmes du spectre idéologique, considèrent comme le répit centriste auquel ils pourraient bien se rallier : les admirateurs du « génie » de l’immobilier et ceux qui réclament à cor et à cri plus de justice sociale pourraient fondre leurs déceptions dans le vote pour un homme dont la discrétion (quelque peu hallucinante, même si moins il parle, mieux il se porte) va se transformer en qualité première : M. Biden est parfaitement capable de transférer des financements énormes vers la protection sociale et le niveau de vie, tout en conservant ce qui séduisait tant chez Trump, l’autonomie des États-Unis, première puissance mondiale censée trouver dans sa propre énergie la solution de tous les problèmes. Il existe quand même une aspiration du peuple américain que Trump a voulu satisfaire à n’importe quel prix et que Joe Biden peut prendre en compte partiellement : c’est la démondialisation.

Le changement profond qui se prépare aux États-Unis ne sera que l’un des changements qui vont bouleverser le monde. Les paradigmes économiques et sociaux seront d’autant plus différents que la gestion trumpiste aura été la caricature de ce qu’un président doit faire pour ses concitoyens. Jusqu’à présent, Trump tenait bon, parce qu’il était attaqué sur sa personnalité et son caractère, son ignorance et son triomphalisme enfantin.  Ses admirateurs voyaient dans ce jugement une manœuvre scélérate destinée à le destituer. Aujourd’hui, il doit répondre d’une apathie dont la traduction est un crime massif. Ses plus fervents partisans compteront leurs propres victimes et ils changeront peut-être d’avis.

RICHARD LISCIA

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Une réponse à Déliquescence américaine

  1. dmoutel dit :

    Je ne crois pas qu’il faille tomber dans une sorte d’antiaméricanisme primaire, bien que Trump soit particulièrement mauvais et qu’il devra aussi s’expliquer sur ce retard et son fiasco dans la gestion du Covid 19 aux USA . Pensons aussi au peuple américain plus qu’à Trump .
    Nous médecins, en France, sommes effarés de voir les retards et improvisations au niveau de l’état dans la gestion de la crise : masques , respirateurs .. , transferts inter régionaux entre réa hospitalières alors que les cliniques privées à côté sont très souvent sous employées malgré toute leur logistique médicale et matérielle ! On connaissait la France souvent comme donneuse de leçons aux autres, elle nous montre aujourd’hui ses limites et la cruelle réalité qui arrive sous nos yeux.

    Réponse
    Ne me faites pas le coup du peuple américain qui souffre. J’ai un fils, une belle-fille et des parents très proches aux États-Unis et je me soucie d’eux bien plus que vous. Vous êtes, vous, un donneur de leçons permanent et vous venez de commettre une faute à mon égard. Je n’attaque pas Trump plus violemment que vous n’attaquez Macron. Tous vos écrits sont uniquement destinés à dire que ça va mal en France à cause de ce gouvernement. Que ce soit clair : je n’ai pas besoin de vous comme lecteur.
    R.L.

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