Objectif déconfinement

Macron hier soir
(Photo AFP)

Les objections des scientifiques n’y ont rien changé : suivi hier par près de 37 millions de Français, un record absolu, Emmanuel Macron a bel et bien fixé un cap pour le déconfinement qui, si les conditions sont réunies, pourrait commencer à partir du 11 mai.

LA TÉMÉRITÉ du président de la République est inspirée par le raisonnement le plus logique : le déconfinement présente des risques, mais la poursuite du confinement contient potentiellement le danger d’un effondrement tel de l’économie du pays qu’il entraînerait un autre cortège de victimes, à commencer par ceux de nos concitoyens qui sont le plus vulnérables sur le plan social. La date adoptée sert plus de référence ou de cap à franchir que de certitude, elle tend à donner un peu d’espoir à nos compatriotes plongés dans un isolement interminable. C’est l’histoire des chevaux de Ladoga, contraints à choisir entre l’incendie et la noyade : dans tous les cas de figure, il y aura des vies de perdues, des sacrifices nationaux à faire, un prix incommensurable à payer. M. Macron s’est présenté hier non plus comme le chef de guerre implacable de ses trois discours de crise précédents, mais comme le chef d’État humble qui reconnaît les ratés de sa politique, le manque cruel de matériel et comme l’homme dont la vision de l’épidémie l’incite à changer en profondeur, et d’une autre manière, les structures de la société : tout doit changer « à commencer par moi-même ».

Un cap pour les Français.

La nature de ce choix n’avait pas la moindre chance d’être saluée universellement, même si les Français inquiets, incertains, perplexes avaient besoin que le président leur fixât un cap. Il est facile de parler pour sa paroisse, de critiquer le retour des élèves dans les établissements scolaires, de se demander pourquoi les universités ne reprennent pas leur activité, ou d’annoncer ce ressac terrible de l’épidémie si la France baisse les bras trop tôt. Il semble néanmoins que le président ait offert quelques solides garanties : le déconfinement à partir du 11 mai n’est pas une certitude intangible, il ne sera appliqué que si c’est médicalement possible et il sera assorti de masques pour tout le monde (enfin !) et de dispositions plus strictes pour les plus vulnérables, notamment les personnes âgées. Un ou deux éditorialistes se sont lancés dans leur morceau de bravoure  (« Ce sont quand même des milliers de gens qui meurent ! »), la belle affaire,  parfois avant même que Macron se fût exprimé, mais nous avions déjà compris. Cependant, négliger les conséquences économiques et sociales de l’épidémie serait un crime. Le déficit budgétaire atteindra 9 % du produit intérieur brut et le PIB lui-même sera amputé de quelque 8 %, soit environ 200 milliards d’euros. C’est une rupture dans la création de richesse qui videra les poches des moins nantis et une hémorragie qui rendra le pays exsangue. La noyade n’empêchera pas l’incendie de continuer.

Un pompier de qualité.

S’il fallait établir les responsabilités de ce désastre, on commencerait par comparer notre situation à celle des autres pays. À n’en pas douter, l’Allemagne et quelques nations asiatiques très organisées sortiront plu vite que nous de ce terrible guêpier et avec beaucoup moins de pertes. D’autres pays, les États-Unis et le Royaume-Uni, par exemple, sont en train de payer le prix le plus fort. Ce qui nous place dans une moyenne et devrait logiquement éviter, mais c’est loin d’être sûr, que nous sombrions dans une interminable querelle de clocher. Si nous avons manqué de masques, de surblouses et de respirateurs, c’est parce que l’hôpital fait l’objet depuis plus de vingt ans d’un encadrement comptable qui lui interdisait de prévoir une pandémie aussi violente. Macron est l’héritier de cette politique d’économies, il l’a même aggravée, tout occupé qu’il était à réformer un pays qui avait besoin de sang neuf et de quelques bouleversements salutaires. Si quelqu’un doit répondre de cette catastrophe, ce n’est pas lui uniquement mais nombre de ses prédécesseurs.  Non seulement nous devrons faire les comptes au terme de cette crise (si elle se termine), mais nous devrions profiter de l’occasion pour convenir qu’on ne se conduit pas, dans un tel moment, comme à Clochemerle. Il ne faut pas s’y méprendre : quoi qu’il y ait dans les sondages d’opinion (lesquels ne sont d’ailleurs pas si négatifs pour l’exécutif), l’incendie exige un pompier de qualité. On peut certes reprocher à Macron ce qu’il fit naguère, mais on ne le blâmera pas d’avoir accepté ce défi à la fois inattendu et historique et d’avoir spontanément, comme un caméléon, revêtu sa tenue de combat.

RICHARD LISCIA

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Une réponse à Objectif déconfinement

  1. Le Baragosse dit :

    Mais en attendant cet objectif du 11 mai fixé par le président de la République, ce dernier a annonce le prolongement des dispositifs de chômage partiel pour le soutien aux entreprises – concernant aujourd’hui 8 millions de salaries français -, sans toutefois préciser jusqu’à quand celui-ci pourrait perdurer. Emmanuel Macron a également cité le fonds de solidarité des artisans, commerçants et indépendants comme autre dispositif déjà actif, mais a souhaité voir « s’accroître les aides, et les simplifier » pour soutenir l’économie du pays. Et de prévoir la prochaine élaboration d’un plan spécifique pour les secteurs les plus atteints, qui seront, eux, semble-t-il, décloisonnés plus tardivement : la restauration, le tourisme également, mais aussi la culture et l’évènementiel. Le président a également adressé un message aux banques et assureurs, demandant aux premières de s’engager vers un report des échéances de plusieurs mois et aux seconds un soutien massif pour les sociétés en difficulté. Sur le plan industriel : le président a salué l’engagement des entreprises qui s’associent à l’effort collectif en ouvrant des lignes de production, notamment de masques dit « grand public ». Evoquant la généralisation possible de leur port pour la période qui s’ouvrira le 11 mai, Emmanuel Macron a appelé de ses voeux l’amplification de cette production française, associée aux importations déjà commandées.  « Le 11 mai, nous serons capables de tester toutes les personnes ayant un symptôme », a-t-il affirme, tout en demandant aux personnes âgées et fragiles de rester confinees. Selon un dernier bilan lundi soir, l’epidemie de coronavirus a fait 14 967 morts en France, 574 de plus depuis dimanche. 9588 personnes sont mortes dans les hôpitaux (335 de plus en 24 heures) et 5379 dans les maisons de retraite et autres etablissements medico-sociaux. Pour le cinquieme jour consecutif, le nombre de patients en reanimation a egalement baisse : 24 patients en moins depuis dimanche. Le déconfinement, deja amorce dans quelques pays européens, s’annonce comme une entreprise infiniment délicate. Sous 15 jours, le gouvernement présentera ainsi son « plan déconfinement » qui devra donner plus de visibilité aux différents secteurs économiques et sociaux. Soulignant que seule la stricte application des regles de distanciation sociale déjà en oeuvre permettra de confirmer cette date du 11 mai, le président a annoncé que les prochaines semaines seront consacrées a la préparation de cette prochaine phase et à la définition de ses modalités pour une reprise de la vie économique.

    Réponse
    La vocation du blog n’est pas de publier des dépêches d’agence et des résumés de discours.
    À tous les lecteurs : faites vos accents.
    R. L.

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