Premières escarmouches

Gérald Darmanin
(Photo AFP)

La composition du nouveau gouvernement donne lieu à diverses récriminations auxquelles il fallait s’attendre. Elles se concentrent sur deux ministres, Éric Dupond-Moretti et Gérald Darmanin.

IL EST tout à fait logique que le nouveau ministre de la Justice subisse un tir de barrage. Le garde des Sceaux est perçu par la magistrature comme un provocateur qui n’a cessé de la combattre et qui risque de la réformer brutalement. Plus largement, dans le public, il est considéré comme un anti-féministe, ou encore l’avocat des pires repris de justice. Le sentiment général est que, en dépit de ses dénégations répétées, il sera plus du côté des criminels que des victimes. On pourrait répondre qu’il a fait largement la démonstration de son intelligence et que, dans ses actions, il sera soucieux des équilibres.

Le secret judiciaire est bafoué.

Bien sûr les magistrats s’inquiètent d’une réforme dont leur profession a besoin, comme beaucoup d’autres, mais ils craignent l’autorité de l’avocat devenu ministre. Là où il y a une négociation compliquée à mener, il vaut mieux un interlocuteur convaincu et actif, qu’un homme qui souhaiterait seulement créer avec les magistrats une forme de connivence. M. Dupond-Moretti s’efforce pour le moment de déminer ses rapports avec la justice. Il n’entrera dans le vif du sujet que lorsqu’il sera parvenu à rassurer la magistrature. Celle-ci est en crise. Juges et  procureurs ont beau s’indigner du sort que le pouvoir leur réserve, les manquements à leurs devoirs sont multiples. Les cas de levée intempestive et illégale du secret judiciaire  pullulent en tout cas dans la presse polémique, ravie d’annoncer des exclusivités qu’elle n’a pu obtenir qu’auprès d’un juge ou d’un procureur. En outre, il devient indispensable d’assurer une bonne fois pour toutes l’indépendance de la justice, encore soumise à des pressions politiques.

Le cas Darmanin.

Pour cela, il suffit que l’exécutif consente à se priver de l’autorité qu’il a sur les parquets. Il ne fait aucun doute que M. Dupond-Moretti est hostile à toute forme de relation entre le pouvoir politique et la justice. Les magistrats devraient s’en féliciter, mais à condition qu’ils cessent de progresser dans leurs enquêtes en se servant de la presse. Notamment, le respect de la présomption d’innocence a été piétiné ces dernières parce que trop de juges ont révélé à des journalistes des informations destinées à déstabiliser la défense. Dans trop de cas, on a répandu dans le grand public l’idée qu’un homme poursuivi était coupable avant même que sa culpabilité ne fût prouvée. On l’a dit pour ce qui concerne la grave affaire où sont impliqués François et Pénélope Fillon, lesquels viennent d’être condamnés en première instance. Mais au moins les actes qu’ils ont commis ont-ils été démontrés. Ils ont fait appel. On s’intéresse plus à eux qu’à Gérald Darmanin, poursuivi pour viol, bien qu’une première enquête ait abouti à un non-lieu. Du coup, quelle horreur ! Le voilà ministre de l’Intérieur et donc juge et partie pour une affaire qui le concerne, lui, personnellement. Il a répété ce matin sur RTL qu’il avait le droit, comme tout le monde, à la présomption d’innocence, mais voyons : très peu de mis en examen en bénéficient. Hier des féministes ont manifesté contre « le violeur », ce qu’il faut encore démontrer, mais personne n’en a cure : le soupçon vaut condamnation. Il s’agit d’un scandale porté par la recherche aveugle d’une justice immanente qui n’existe que dans les rêves.

Hallucination collective.

Cette ambiance permet toutes les critiques : à l’environnement, Barbara Pompili est obligée de s’expliquer sur cette faiblesse indicible qui l’a conduite à entrer au gouvernement, comme si l’occasion d’appliquer ses idées n’était qu’un piège. Mais non, les défenseurs de la lutte contre le réchauffement climatique lui reprochent de donner bonne conscience à l’exécutif sans avoir pour autant la capacité de lancer une offensive contre la pollution. Comme s’il était préférable de ne rien faire, tout en braillant cent fois par jour que ce gouvernement nous conduit au désastre. Ainsi va la vie : les féministes lavent plus blanc, même si elles violent la justice ; les amis de la nature discréditent ceux qui ne les rejoignent pas dans leur hallucination collective. Les partis politiques les laissent agir de la sorte parce qu’ils trouvent un avantage dans le discrédit précoce d’un gouvernement qui vient à peine de naître. Nous sommes un peuple qui estime sans doute qu’avec la pandémie et l’effondrement économique, la seule chose à faire c’est de crier, de tempêter et de manifester, comme si le désordre représentait le bon instrument de l’action utile et positive. Et nous avons un gouvernement décidé à mettre fin par la  réforme au déficit énorme de l’assurance-vieillesse. C’est indispensable, mais propice à la prolongation de nos crises.

RICHARD LISCIA

 

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