La majorité déchirée

Macron : enfin seul
(Photo AFP)

Les défections de députés passés dans d’autres partis, les alarmes diverses lancées par l’aile gauche de la République en marche mais jamais entendues, un chef, Stanislas Guérini, débordé par sa base, tout cela préparait une explication qui a eu lieu hier dans un climat exécrable : la REM n’est plus que l’ombre d’elle-même. 

AUSSI actif qu’il soit sur d’autres plans, le président Emmanuel Macron ne semble pas inquiet du délitement profond de la majorité présidentielle. Il se borne à constater que la démission de Pierre Person, le numéro deux du parti, a conduit M. Guérini à le remplacer par d’autres élus, comme si la crise de la REM ne devait pas avoir d’impact sur les élections générales de 2022 et pas davantage sur les élections régionales de l’an prochain.  De fait, cette crise devenait inéluctable dès lors que le chef de l’État n’a changé de Premier ministre que pour placer à Matignon Jean Castex dont les idées ne diffèrent guère de celles d’Édouard Philippe, avec la différence qu’il est là uniquement pour appliquer les politiques décidées par le président. Le verrouillage idéologique du gouvernement a aggravé le malaise croissant des élus de la REM qui venaient de la gauche. Ils voient clairement qu’ils ne comptent plus et se posent donc la question de ce qu’ils font dans la majorité.

Un président sans majorité.

On ne gouverne pas avec des scrupules. Emmanuel Macron sait que son électorat, aujourd’hui, se situe à droite dans une opinion publique qui, depuis pas mal d’années, est majoritairement de droite. S’il a gagné les élections de 2017, c’est sur un malentendu et une confusion que sa formule du « en même temps » ne pouvait que renforcer. Les choses se passeront différemment en 2022 et les forces censées le soutenir seront placées devant le fait accompli. Au premier tour, il s’adressera directement à l’électorat, sans doute en maintenant le flou de son projet ; au deuxième, s’il y parvient, il aura alors comme concurrents soit sa vieille rivale, Marine Le Pen, soit une coalition de gauche. S’il est réélu pour un second mandat, il risque de ne pas trouver une majorité à l’Assemblée. Car il ne l’a déjà plus. Il ne passera plus la moindre loi sans le soutien du MoDem dont l’influence ne fait qu’augmenter, en même temps que ses exigences, comme le recours au scrutin proportionnel pour les législatives, incompatible avec l’essence de la Constitution.

Une élection d’un genre unique.

Pourquoi M. Macron est-il si serein face à une crise de la majorité qu’il n’a pas tenté d’enrayer ? Peut-être se dit-il que le cas de la REM n’est pas différent de celui des autres partis, que les Républicains ne sont pas en meilleure santé, que la gauche reste très divisée et le nombre de ses candidats potentiels pléthorique, que quelque chose est en train de basculer en France qui fait que les partis ont moins d’importance que les caractères et que, parmi les candidats, ceux qui ont une forte expérience ont de meilleures chances que les autres. Cela résulte du raccourcissement du mandat présidentiel passé de sept à cinq ans par la volonté de Lionel Jospin, qui a créé un calendrier en fonction duquel on élit un homme avant d’élire la majorité dont il a besoin pour gouverner. En somme, l’affaire pourrait ne concerner que Nicolas Sarkozy, qui brûle de revenir au pouvoir, malgré ses ennuis judiciaires, François Hollande, malgré son renoncement de 2016, ce qui, depuis, a fait de lui un canard boiteux et, bien sûr, Emmanuel Macron, le plus jeune et celui qui porte probablement le plus grand nombre de cicatrices. On a beau dire, la présidentielle, c’est une élection unique qui se joue en fonction de la personnalité des candidats bien plus que sur le bilan de leur action ou sur leur programme.

Cependant, une telle analyse ne sera jamais que la construction théorique d’un optimisme triomphant. On a tant dit que les Français refusaient désormais le duel RN-droite du second tour que cette fois, mais sait-on jamais ? il n’aura pas lieu. Est-ce une bonne chose ? Si Marine Le Pen est battue au second tour une fois de plus, elle partira et sera remplacée par la fraîche Marion Maréchal qui aura besoin de temps pour reconstruire l’extrême-droite selon ses vœux et devra tenter de recoudre les déchirures d’un parti aujourd’hui menaçant, mais demain divisé et amer. Je me permets en tout cas de rappeler que le remplacement de M. Philippe par M. Castex ne représentait pas à mes yeux une bonne stratégie. La crise de la REM le confirme.

RICHARD LISCIA

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