Pères et mères

Le biberon, toute une affaire
(Photo AFP)

Dans l’effort national pour donner des chances égales aux femmes et aux hommes, la volonté du gouvernement ne se dément pas : il a décidé de multiplier par quatre le congé de paternité et de rendre obligatoire la première semaine. Mieux vaut en rire.

LA MESURE signifie que le père ne pourra échapper à ses responsabilités pendant au moins huit jours. Il devra accomplir les tâches fastidieuses et nauséabondes que réclament les soins aux bébés, se lever pendant la nuit pour le nourrir et offrir ainsi à son épouse un répit amplement mérité. Je ne crois pas trahir un secret en rappelant que tous les mâles, ces individus suspects de violences conjugales, d’autoritarisme, d’égoïsme et de carriérisme, ne sont pas taillés  pour les corvées maternelles. On ne devrait exiger d’eux que les actes identifiés comme virils et ne pas les humilier en leur infligeant une besogne de gouvernante. Il est vrai que, bien plus souvent que les femmes, ils font leur service militaire, mais en France ce service a été aboli depuis que l’on a créé une armée de métier, ce qui a fait de tous les pères existants et à venir des privilégiés qui, non contents de bénéficier de l’amour et de la tendresse de leur épouse, ne lui a plus tôt fait un enfant qu’ils retournent au bureau sans même demander si le foyer a besoin de leur présence.

C’est un métier, coco.

Je suppose que beaucoup de pères, utilisant les armes de la séduction et de la persuasion, convaincront leur épouse qu’ils ne sont pas faits pour jouer les mamans et que, dès lors qu’ils sont contraints de rester à la maison, ils choisiront d’autres passe-temps comme la chasse ou le tennis. Mais le féminisme a accompli de tels progrès sous nos latitudes qu’ils risquent de se heurter à une position de principe : votre épouse n’est ni une bonne ni une aide soignante et elle mettra à profit votre semaine au foyer pour vous enseigner les bases du métier maternel, activité complexe et non rémunérée. Il est vrai que la morphologie des deux corps, celui de la femme et celui de l’homme, associée au désir, semble annoncer la maternité comme une exclusivité féminine, même si les féministes et nos dirigeants s’en moquent.

La tendance a commencé par la mode unisex, création artistique de la science-fiction ou reproduction d’un cauchemar orwellien. Cependant, puis-je faire remarquer que, comme quand il s’agit de la lutte contre le réchauffement climatique, la modernité et donc l’évolution des esprits laminent la pensée dissidente au point de combler le fossé pourtant large entre la féminité et la virilité ? J’attire l’attention des révolutionnaires féministes sur les dangers de l’exagération. Quoi qu’elles fassent, iront-elles jusqu’à s’appuyer sur les « progrès » de la conception (PMA, couples homosexuels, GPA et j’en passe) pour demander un jour aux hommes de se rendre capables de faire une grossesse  et d’accoucher ?  Elles verraient dans l’androgynie le cadeau ainsi offert aux hommes d’éprouver à la fois les plaisirs de l’amour et de la maternité, alors qu’ils risqueraient de se poser d’amères questions sur leur destin et se verraient transformés en femmes pendant que les femmes glisseraient, lentement mais sûrement, vers le statut de Diane chasseresse, dominatrice et sûre d’elle.

Un moment de nostalgie.

Si on lit ce texte au premier degré, on y verra l’apologie du machisme. Il ne s’agit en vérité que d’exprimer la nostalgie de ce que furent les beaux jours de l’amour hétérosexuel, le temps où l’on faisait des bébés par amour et non pour toucher des allocations familiales ; le temps où la paternité scellait l’union homme-femme ; et donc l’engagement qu’ils prenaient l’un envers l’autre. Je prie le lecteur de ne pas trouver dans ces quelques lignes un plaidoyer pro domo. Il y a belle lurette que mon statut de père a été entériné et il ne risque plus de changer. Je pense aux générations suivantes, celles de jeunes gens obligés non plus d’aller à la guerre pour y servir de chair à canon, mais d’apprendre un métier qu’ils ont certes négligé, tout heureux qu’ils étaient, ces hypocrites, de laisser leur épouse se débattre dans une série accablante de corvées. Ce temps n’est plus, les rapports hommes-femmes sont tellement codifiés que le retour du mariage de raison n’est plus très loin. Jeunes gens, ne remerciez plus vos épouses de vous avoir donné un bel enfant. Il est aussi le vôtre, et dès le premier jour. Vous l’avez conçu, à vous de le soigner, de le laver, de le nourrir : vous commencerez par lui donner le biberon, puis on trouvera le moyen technologique de faire en sorte que les pères allaitent leur nouveau-né.

RICHARD LISCIA

 

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4 réponses à Pères et mères

  1. Laurent Liscia dit :

    Et en attendant, on ne fait que rattraper les pays scandinaves. Une semaine obligatoire, ca me parait être le minimum 😉 D’autant qu’on m’a maintes fois expliqué que j’ai braillé pendant plusieurs mois …

  2. Num dit :

    Excellent, j’ai bien ri ! Merci pour ce bon moment !

  3. alain dit :

    Le temps où l’on faisait les bébés par amour n’est qu’une idée romantique bien éloignée de la réalité des sociétés tant antérieures que de certaines sociétés actuelles.
    Le choix d’un conjoint n’a que fort rarement été une affaire d’amour dans le passé à quelques exceptions près. Actuellement dans notre monde, je crois qu’il ne concerne que quelques dizaines de pourcentages des couples en étant large.
    Les pères de bonne volonté n’ont pas attendu la loi pour aider leurs compagnes.

    Réponse
    Je le craignais : lecture au premier degré.
    R.L.

  4. anonyme dit :

    Il y a déjà des hommes devenus père qui se procurent de la prolactine pour se réjouir ( et jouir) de pouvoir mettre le bébé sur leur téton (velu) et lui faire avaler quelques gouttes de …lait paternel.

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