États-Unis : l’impasse

Trump n’a pas encore gagné
(Photo AFP)

Le dépouillement des bulletins de vote, aux élections américaines, ne permet pas, pour le moment, de désigner un vainqueur. Joe Biden, avec 238 voix électorales, devance Donald Trump, qui n’en compte que 213, soit 25 voix de moins que son rival, ce qui ne l’empêche pas de revendiquer la victoire.

COMME en 2016, les sondages se sont trompés. Comme en 2016, le résultat final dépend de quelques « swing states », en l’occurrence la Géorgie, la Pennsylvanie, le Michigan et  le Wisconsin qui, à eux seuls, décideront du renouvellement du mandat de Donald Trump ou non. Pour ceux qui rêvent d’un retour au calme et à  la raison, c’est une déception et c’est déjà une défaite. Joe Biden, pour gouverner, a besoin d’une majorité parlementaire qu’il n’est plus sûr d’obtenir. Donald Trump, pour sa part, applique le scénario qu’il a écrit pendant la campagne : non seulement il estime avoir déjà gagné, non seulement il s’oppose au comptage des bulletins par correspondance qui n’ont pas encore été dépouillés, mais il entend bien judiciariser l’élection présidentielle en portant le scrutin devant les tribunaux et in fine devant la Cour suprême, qui devrait théoriquement lui être soumise parce qu’il y a nommé in extremis une juge acquise à ses idées, ce qui donne à cette instance une majorité conservatrice de six voix sur neuf.

Lueur en Arizona.

Mais les dés ne sont pas joués. En 2016, le candidat Trump avait emporté la victoire vers 21 heures, heure de la côte Est. Cette année, personne n’a été capable de désigner le vainqueur à cette heure-ci, soit 4 heures du matin, heure côte Est. Joe Biden a perdu la Floride (sinon il serait déjà élu) et le Texas, deux États très peuplés qui ont permis à Trump de résister. Mais il a gagné l’Arizona, habituellement républicain. La bataille se poursuit donc dans la rust belt, ces États industriels où les nouvelles technologies ont créé un fort taux de chômage. Il est possible et même probable que les derniers jours de campagne frénétique de Donald Trump aient joué en sa faveur ; il est certain que l’Amérique conservatrice se méfie d’un candidat démocrate qui agrège des éléments gauchistes ; il est évident que la présence de Trump au pouvoir pendant quatre ans a renforcé le fanatisme du clan populiste, a rassemblé les évangélistes, les ouvriers blancs, les Latinos de la classe moyenne, pour empêcher Trump de sombrer. Ce qui est déjà perdu pour le camp démocrate, ce n’est pas encore la présidence, mais c’est l’espoir d’une gouvernance débarrassée de ses freins, réformiste jusqu’au bout et capable de réunifier une grande nation malheureusement ultra-divisée.

Sombre avenir.

Bien entendu, je modifierai ce texte dès que nous aurons des nouvelles plus précises. J’insiste sur l’avance de Biden malgré la perte de deux États très peuplés. Les démocrates auront fort à faire pour amener leurs adversaires à la raison et à poursuivre la procédure électorale jusqu’à son terme, en contre-balançant l’éternelle démagogie de Donald Trump. Si le scénario de 2016 se reproduit jusqu’au bout, les démocrates doivent tenir sans relâche la corde juridique. Ils doivent démonter le plan Trump qui correspond peu ou prou à un complot contre les institutions, et, le cas échéant, faire appel à l’intégrité de la Cour suprême. Leur salut dépend de leur capacité à obéir aux résultats du scrutin jusqu’à ce qu’il soit terminé et aux décisions des tribunaux. Quant au reste, c’est-à-dire l’avenir de l’Amérique, il est sombre si l’on s’en tient à ce moment tragique où les services électoraux sont débordés par une vague de participation sans précédent. Toute la tactique de Trump, c’est de s’en tenir à ce moment. Toute celle de Biden sera de dépasser cet épisode et d’en écrire un autre.

RICHARD LISCIA

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7 réponses à États-Unis : l’impasse

  1. Num dit :

    La cour suprême est une autorité judiciaire indépendante, non « soumise » à l’exécutif. Elle l’a déjà prouvé à de multiples reprises dans le passé y compris récent.

    Réponse
    Ce n’est pas aussi simple. La nomination de la neuvième juge a été faite en dehors de toute légitimité. Cette nomination fait partie d’un projet plus grave : le rejet du résultat du scrutin.
    R. L.

    • Michel de Guibert dit :

      J’ose espérer que les juges de la Cour suprême se comporteront en juges d’abord, ils l’ont prouvé au moins une fois récemment.

    • Num dit :

      Sur le fond, je n’y crois pas. Les juges suprêmes ne sont pas aux ordres du président. John Roberts, son président actuel, conservateur nommé par Bush, à plusieurs fois pris des décisions contraires aux intérêts de Trump et des Républicains.
      Sur la forme, contrairement à une idée largement répandue dans les médias en France, la nomination de la neuvième juge est tout à fait légitime et conforme à la constitution. Que son choix ne plaise pas est une chose mais ce n’est pas pour autant qu’il est illégitime : quand un poste vacant, il est pourvu immédiatement par le président en poste, cela a toujours été ainsi. Et un président démocrate n’aurait pas agi autrement.

      Réponse
      Ce que vous dites est carrément à côté de la plaque, comme quoi il faut croire les journalistes au lieu de les contrer constamment. Barack Obama, huit mois avant la fin de son mandat avait nommé Merrick Garland comme juge à la Cour suprême. Le Sénat a refusé de voter sur cette nomination sous le prétexte qu’elle intervenait trop peu de temps avant la fin du mandat d’Obama. La sixième juge conservatrice a été nommée il y a un mois et acceptée par le Sénat quelques jours avant les élections du 3 novembre. Deux poids, deux mesures. Pour ma part je n’ai jamais écrit que la nomination de la remplaçante de Ruth Bader Ginsburg, personnage comparable à notre Simone Veil, était anticonstitutionnelle, j’ai dit qu’elle était illégitime, ce qui n’est pas pareil. Mais elle fait partie d’une stratégie de Trump pour garder le pouvoir même s’il perd et ça, c’est totalement anticonstitutionnel.
      R. L.

      • Num dit :

        C’est d’ailleurs exactement la même situation avec le Conseil constitutionnel en France dont les membres sont nommés par le pouvoir et qui est le juge des élections. Personne ne dit ou ne craint qu’il ne favorise la gauche simplement parce que son président est Laurent Fabius, qui a été nommé par le pouvoir de gauche.

      • Num dit :

        La différence entre le cas Obama et le cas Trump est tout simplement le vote du Sénat, rien que de très démocratique.
        Le caractère illégitime de cette nomination est votre opinion mais c’est uniquement parce que cette juge, aux compétences reconnues et incontestables, n’a pas les mêmes idées que les vôtres. La démocratie c’est l’État de droit, ni plus, ni moins: sa nomination est conforme, le reste n’est que littérature.
        Nous verrons si la Cour suprême va dans le sens de Trump. Rdv dans quelques semaines.

        Réponse
        Non. Je n’ai pas donné mon opinion, j’ai seulement cité deux faits contradictoires. Le Sénat était à majorité républicaine à cette époque, comme il l’est aujourd’hui. La même Cour suprême a accordé la victoire à Bush fils en 2000 en interrompant le décompte des voix en Floride. C’est comme si l’élection d’un président dépendait non du nombre de votes, mais du bon vouloir d’un tribunal. Si vous trouvez tout cela démocratique, c’est votre affaire. Quant au Conseil constitutionnel français, je ne me souviens pas qu’il ait jamais influencé une élection présidentielle en France. Un ancien membre de ce Conseil a même admis un jour qu’il avait fermé les yeux sur certains dépassements de dépenses de campagne, ce qui n’a pas été le cas quand M. Debré a obligé M. Sarkozy à payer ses dépassements.Et si vous voulez bien, passons à autre chose.
        R. L.

  2. Laurent Liscia dit :

    Les réactions de Trump au cours de ces dernières heures :
    1. « J’ai gagné », mercredi matin
    2. « Je ne comprends pas, c’était tout rouge, ça vire au bleu. C’est fou! » (Je cite verbatim!) En d’autres termes, notre brave président ne sait apparemment pas que, dans la plupart des États, sauf au Texas et en Floride, les scrutins ruraux sont comptes en premier, et les villes viennent en dernier puisque plus peuplées. Par exemple, l’avance de Trump s’amenuise chaque minute en Pennsylvanie parce que le décompte des voix est maintenant sur Philadelphie, très très majoritairement en faveur de Biden. Comment ce clown peut-il prétendre à quelque compétence que ce soit s’il ne sait même pas ça ?
    3. Mercredi après-midi: « J’intente un procès au Wisconsin et au Michigan et j’exige qu’on recompte les voix » alors que le décompte n’est même pas fini. Incroyable. Au même moment, Biden déclare qu’il faut attendre patiemment que tous les bulletins soient dépouillés, qu’il fait confiance aux institutions, et que quiconque l’emporte, l’Amérique l’emportera. Alors, qui préférer ? Un roquet infantile ? Ou un homme d’État expérimenté ?
    Qui est le vrai patriote? C’est le grand argument à droite: « Trump est un patriote ». En effet, un expert en litige, un tricheur et un enfant. Quel patriote … Vivement qu’on en finisse.
    Quant au Congrès, les jeux ne sont pas faits.

    • Michel de Guibert dit :

      Vous pouvez ajouter qu’il déclare aussi maintenant qu’il faut arrêter le dépouillement là où la tendance s’inverse en sa défaveur !

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