Halte au vandalisme

Un samedi ordinaire
(Photo AFP)

Une manifestation doit-elle obligatoirement se terminer par des batailles rangées avec les policiers, par des incendies de voitures et des destructions de magasins ? La question se pose depuis longtemps mais elle devient lancinante avec le bilan des manifestations de samedi dernier, qui se sont traduites par des actes de vandalisme et par des bagarres qui ont laissé plusieurs dizaines de policiers sur le tapis avec des blessures de gravité variable.

TOUT LE MONDE sait depuis longtemps qu’une manif’ désormais finit mal. Certes ce ne fut le cas, le 5 décembre, qu’à Paris, où la faible mobilisation s’est traduite par une hausse d’actes d’une violence accrue. Sur les images, on voit des casseurs professionnels s’en prendre aux vitrines, aux automobiles, et incendier le mobilier urbain, sans apercevoir à l’horizon le moindre représentant des forces de l’ordre. Il s’agit sans doute moins d’un mot d’ordre que de l’insuffisance des moyens mis en œuvre par la préfecture de police. Il y a eu des interpellations et des mises en garde à vue, mais l’expérience des gilets jaunes et autres démonstrations de force ont prouvé depuis longtemps que la dissuasion n’a qu’un effet très limité sur des comportements pourtant totalement hors-la-loi.

Black blocs : des privilégiés.

La conduite des black blocs et autres autres défenseurs de la cause anarchiste est assez connue pour donner lieu à des schémas de riposte policière qui, à n’en pas douter, existent à la préfecture. Le problème vient du contrôle politique des efforts en faveur du maintien de l’ordre. La violence appelant la violence, on a eu tôt fait de déplorer l’assaut policier contre le producteur Michel Zecler, on a mis en cause le racisme de certains  policiers et on a déclaré haut et fort que l’interpellation sur la base de l’absence de masque ne doit pas dégénérer en passage à tabac. Tout cela était normal : nous vivons dans un pays où aucun acte arbitraire des autorités ne doit être toléré. Mais il n’existe rien de plus provocateur, de plus contraire aux lois et à l’ordre, de plus révoltant que le développement d’une délinquance réservée aux black blocs et à leurs affidés et qui aurait, curieusement, au nom de je ne sais quelle justice, des privilèges exclusifs, celui, notamment, de semer le désordre en toute impunité. Un anarchiste qui a incendié une voiture ne devrait pas sortir de prison si vite. L’impression que donne à l’opinion le jeu du chat et de la souris qui convient si bien aux avocats, beaucoup plus armés juridiquement que les juges grâce aux institutions démocratiques, permet à des personnes vouées à la destruction de se sortir du guêpier rapidement et de revenir « sur le front ».

La place du curseur.

Il y a déjà eu un prix à payer pour la paralysie de la SNCF, pour les gilets jaunes, pour les déconfinements et ce qui était acceptable en période de développement sinon de prospérité devient intolérable dans une phase aussi sinistre de notre histoire. Les casseurs ne sont pas ces soldats de la mort que sont les djihadistes islamistes, mais ils représentent l’armée d’oisifs disponibles pour la démolition du pays. Pourtant, il n’est pas surprenant que le mal se répande. Nous cherchons collectivement la place exacte du curseur : une répression de la violence qui respecterait les droits humains fondamentaux et un respect de ces droits qui n’aboutirait pas à la mise à sac des centres-villes. Malheureusement, il est très difficile de trouver cet équilibre idéal. Les droits ne sont pas toujours respectés, ce qui nous indigne ; les exactions d’adolescents illuminés coûtent cher et minent une police qui, pas plus que ceux qui la dirige, ne sait quel degré de violence elle doit appliquer à des gens qui sont, de fait, les ennemis de notre société.

Accabler le pouvoir.

Heureusement ou pas, les partis politiques ont trouvé la bonne recette : rappeler le pouvoir à ses responsabilités, parmi lesquelles le maintien de l’ordre. Au moindre dérapage de la police ou de la gendarmerie, tollé général ; à la moindre émeute, scandale. Ce qui conduit les hommes politiques et aussi les médias, j’en conviens, à reprocher au gouvernement alternativement sa férocité et son laxisme. L’enjeu vaut mieux que ces réactions quelque peu bestiales ou pavloviennes qui nous font régir au quart de tour sans que nous prenions le temps de réfléchir et de considérer une affaire dans globalité. Comme toute chose, c’est la quadrature du cercle : non, nous ne pouvons ni renoncer à défendre M. Zecler ou à la liberté de la presse, ni admettre qu’une manifestation en faveur des libertés se transforme en émeute en faveur de l’anarchie. À  la notion de curseur, le gouvernement devrait donc substituer la stricte application des lois telles qu’elles existent au moment même où j’écris ces lignes : il ne saurait limiter la liberté de la presse, et les voyous qui osent s’attaquer aux forces de l’ordre doivent être mis durablement sous les verrous.

RICHARD LISCIA

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Une réponse à Halte au vandalisme

  1. TAPAS92 dit :

    C’est parce que pendant trop longtemps, on a accepté d’entendre et de penser que les choses étaient « acceptables en période de développement sinon de prospérité », que l’on en paie le prix aujourd’hui (comme avant d’ailleurs). Non, une voiture brûlée, des transports en commun bloqués par une poignée de personnes, des symboles de la République souillés, des professeurs ou soignants agressés … non, rien de tout cela n’aurait dû être accepté, quelle que soit la période !

    Réponse
    Acceptables pour qui ? Il y a des gens hostiles à la violence et qui le disent tous les jours.
    R. L.

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