Les affres du Brexit

Boris Johnson
(Photo AFP)

Quatre ans après le référendum par lequel la Grande-Bretagne devait rompre ses liens avec l’Union européenne, et à trois semaines du jour fatidique où la rupture devra être consommée, aucun accord n’a pu être conclu pour définir et appliquer la procédure de séparation.

EN EUROPE, on a fait du Premier ministre britannique, Boris Johnson, le détestable deus ex machina d’une opération qui met en danger non seulement son pays mais les 27 membres de l’UE contre lesquels il s’est dressé. Au Royaume-Uni, on a fait de la France et de Macron la nation et l’homme qui s’opposeront à tout accord. Ce n’est pas vrai, bien sûr, mais il est exact que notre président a durci le ton, non parce qu’il serait exaspéré par les palinodies interminables de M. Johnson, mais parce que celui-ci n’offre pas les conditions d’une séparation en douceur qui protègerait quelques intérêts économiques sur le continent.

La pêche, pomme de discorde.

Un des dossiers les plus critiques est celui de la pêche. Les pêcheurs français sont autorisés à étendre leur activité jusqu’à l’intérieur des eaux territoriales britanniques, mais, à la faveur du Brexit, les Anglais veulent récupérer ces eaux au nom de leur souveraineté, ce qui n’est pas excessif. Il se trouve cependant que 60 000 pêcheurs français vivent du poisson britannique et qu’il aurait été de bon ton que M. Johnson prévoie une dérogation, par exemple annuelle et renouvelable. Le problème vient de ce que, du point de vue politique, commercial et financier, le Brexit n’a pas beaucoup de sens. C’est un défi lancé à l’Europe.

Le divorce, comme chacun sait, transforme un couple d’amoureux en un duo d’ennemis. Le populisme fait le reste : quel chef d’État ou de gouvernement dirait qu’il ne soutient pas la souveraineté de son pays ? Pendant la campagne qui a précédé le référendum, M. Jonson a menti en affirmant que les Britanniques allaient économiser 350 millions de livres par semaine, manne qui irait directement dans les caisses de la sécurité sociale. Après le vote, il a admis qu’il s’était « trompé ». Dans le dossier de la pêche, les Anglais bénéficient de mers poissonneuses qu’ils ne savent pas exploiter et ils n’ont pas créé sur leurs côtes une industrie de transformation du poisson qui absorberait la production de leurs pêcheurs. Leur Premier ministre ne le leur a pas encore expliqué.

Voyage à Bruxelles.

M. Johnson a fait un geste de conciliation. Il s’est rendu hier soir à Bruxelles où il a eu une conversation de trois heures avec Ursula von der Layen, présidente de la Commission. Ils ne sont pas parvenus à un accord alors que le temps presse et que, si le Brexit est une catastrophe en soi, pour l’UE, mais surtout pour le Royaume-Uni, la perspective d’un « no deal » est encore pire. L’actuel Premier ministre n’a jamais soutenu le Brexit que parce qu’il y a vu une occasion unique pour lui de prendre le pouvoir. Il n’a pas hésité à flatter, par sa démagogie, le populisme d’une large fraction du peuple britannique. À peine était-il élu au poste de Premier ministre qu’il a découvert les difficultés immenses de la tâche qu’il venait de s’attribuer.

Aiguillonné par les plus intransigeants des Brexiters, il aurait bien voulu un accord commercial avec l’UE sans rien lui donner en échange. Quand il a compris que l’Union faisait de la résistance et que Michel Barnier était un négociateur hors pair, il a laissé la presse anglaise porter la responsabilité du no deal sur l’Europe en général et sur la France en particulier. Ce qu’il sait mais ne veut pas admettre, c’est que le Brexit était, dès le départ, une folie dont les Britanniques paieront le prix élevé dès l’an prochain. Quand vous pratiquez la démagogie, vous avez forcément recours au mensonge. Donc, quoi qu’il arrive, ce ne sera pas la faute de M. Johnson, ce sera celle d’Européens qui s’acharnent sur l’honnête Grande-Bretagne.

Brexiter et… continuer.

Certes, M. Johnson doit présenter un résultat de la négociation qui soit favorable au Royaume-Uni et qui soit susceptible d’améliorer sa chancelante cote de popularité. Mais M. Macron ou Mme Merkel peuvent en dire autant. L’accord commercial est à portée de doigts. Il n’existera jamais si ce doit être un triomphe pour M. Johnson et une Berezina pour les 27. Il serait préférable de maintenir la date du Brexit, à savoir le 31 décembre prochain, en laissant en suspens les points litigieux et en se donnant ensuite tout le temps de négocier. Déjà les livraisons par camion à la Grande-Bretagne sont affreusement ralenties, ne serait-ce que parce que les commerçants se hâtent avant la fermeture des frontières. Sans accord, ce sera l’enfer. Il suffit de dire que le Brexit a eu lieu, mais d’appliquer les anciennes règles pendant quelques mois encore.

RICHARD LISCIA

 

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